Tout, tout, tout sur la pénurie de main-d'oeuvre au Québec!

Publié le 13/03/2019 à 12:06

Tout, tout, tout sur la pénurie de main-d'oeuvre au Québec!

Publié le 13/03/2019 à 12:06

Les employeurs québécois se sentent de plus en plus seuls... Photo: DR

À votre avis, combien y a-t-il de postes à combler au Québec, en ce moment ? Près de 120 000. Soit le double d’il y a deux ans, selon une étude de Desjardins signée par l’économiste principale Hélène Bégin. C’est donc dire combien la situation est alarmante pour les employeurs québécois…

Pour bien saisir ce qui se passe, il convient de creuser dans les données, et de s’intéresser en particulier à un indicateur, celui du taux de postes vacants. De quoi s’agit-il ? Du rapport, exprimé en pourcentage, entre d’une part le nombre de postes vacantes et d’autre part le total des postes occupés et vacants. Autrement dit, il s’agit du pourcentage de postes vides quand on regarde l’ensemble des postes comblés et à combler, un peu comme lorsqu’on jette un coup d’œil dans un bureau pour noter le nombre de chaises inoccupées.

C’est ainsi qu’on découvre que les taux de postes vacants connaissent une grande disparité au Québec : la pire région à ce sujet est Chaudière-Appalaches, avec un taux dépassant les 4% ; suivent, par ordre de gravité, l’Abitibi-Témiscamingue, le Centre-du-Québec, la Capitale-Nationale et la Montérégie. À noter que la région qui s’en sort le mieux est la Gaspésie–Îles-dela-Madeleine, avec un taux de 2%.

Un point important est à relever : les difficultés d’embauche s’aggravent plus vite dans plusieurs régions du Québec qu’ailleurs au Canada. Ainsi, 7 des 10 régions économiques où le taux de postes vacants grimpe le plus vite au pays sont situées au Québec:

– Côte-Nord et Nord-du Québec

– Laurentides

– Saguenay–Lac-Saint-Jean

– Cariboo (Colombie-Britannique)

– Lanaudière

– Bas-Saint-Laurent

– Montérégie

– Chaudière-Appalaches

– Campbellton (Nouveau-Brunswick)

– Moncton (Nouveau-Brunswick)

Maintenant, quelles sont les industries les plus touchées ? Là encore, il faut considérer le taux de postes vacants pour s’en faire une juste idée. Les trois industries où les besoins en main-d’œuvre sont les plus criants au Québec sont alors :

– Hébergement et restauration (4,7%)

– Mines, pétrole et gaz (4,2%)

– Fabrication (4%)

Suivent, entre autres, le secteur des services professionnels ainsi que celui du transport et de l’entreposage. Quant au secteur où le taux de postes vacants est le moins élevé, c’est celui de l’enseignement, qui dépasse à peine 1%.

La question saute aussitôt aux yeux : «Mais quel type de travailleur les employeurs québécois cherchent-ils tant ?» À laquelle s’ajoutent, de toute évidence : «A-t-il un profil particulier ? Et si oui, lequel?»

Or, l’étude de Desjardins montre que:

– 35% des postes vacants ne requièrent aucune scolarité minimale;

– 23% des postes vacants requièrent simplement un diplôme d’études secondaires, ou un diplôme équivalent.

Par conséquent, près de 60% des postes vacants concernent des travailleurs n’ayant qu’un faible niveau de scolarité et peu d’expérience professionnelle. Quant aux postes vacants nécessitant un diplôme universitaire, ils ne représentent qu’une part de 15%.

C’est clair, les employeurs québécois sont avant tout à la recherche de bras, et non pas de cerveaux. Ce qui va, soit dit en passant, à contre-courant des politiques provinciale et fédérale en matière d’immigration, les immigrants diplômés étant systématiquement privilégiés depuis des décennies.

Enfin, un dernier point, et non des moindres : l’origine de la pénurie actuelle de main-d’œuvre au Québec. Quelle est-elle ? «La croissance économique de près de 3% en 2017 au Québec a entraîné une forte création d’emplois, ce qui a épuré le bassin de main-d’œuvre disponible pour l’embauche, et ce qui a, par voie de conséquence, multiplié le nombre de postes vacants, note Mme Bégin. À cela s’ajoute le fait que la population des 15-64 ans – le bassin de main-d’œuvre disponible – a tendance à fléchir depuis 2011, un phénomène propre au Québec qui a pour effet d’accentuer les problèmes de recrutement.»

Bref, le portrait du marché du travail a changé drastiquement en l’espace de quelques années au Québec. Le taux de chômage, qui a atteint 5,5% l’an dernier, est le plus bas depuis les années 1960. Et cela a vidé la main-d’œuvre disponible, d’un coup d’un seul.

Résultat ? Les employeurs québécois doivent s’attendre à vivre la pénurie pendant encore de longues années : «Une détérioration importante de la conjoncture économique pourrait renverser la tendance : une remontée du taux de chômage réduirait le taux de postes vacants, et rendrait l’embauche moins problématique pour les entreprises», estime l’économiste principale de Desjardins.

Il nous faudrait donc entrer en récession pendant un certain temps pour que la donne change sur le marché du travail. «Toutefois, un tel scénario n’est pas à prévoir à court terme», souligne Mme Bégin. D’où la nécessité pour les employeurs de s’adapter au plus vite à la pénurie – changer de stratégie de recrutement, changer de vision à propos de l’immigration, changer de méthode de fidélisation des employés, etc. –, et donc d’arrêter de faire le dos en matière de recrutement en se disant que la tempête finira bien par passer. Sans quoi, il leur faudra se résoudre sous peu à mettre la clé sous la porte. Ni plus ni moins.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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