Le protectionnisme de Trump? Une catastrophe... pour ses électeurs!

Publié le 25/10/2019 à 14:14

Le protectionnisme de Trump? Une catastrophe... pour ses électeurs!

Publié le 25/10/2019 à 14:14

Les vraies victimes sont... les travailleurs américains. (Photo: Jesse Orrico/Unsplash)

CHRONIQUE. Après 15 mois de bras de fer entre Xi Jinping et Donald Trump, aucun signe de détente ne semble provenir d’un côté ou de l’autre. Certes, une délégation chinoise pilotée par le vice-président Liu He a fait le déplacement à Washington au début d’octobre pour obtenir la suspension provisoire de l’augmentation – de 25% à 30% – des droits de douane perçus par les États-Unis sur 250 milliards de dollars américains d’importations en provenance de Chine. Mais cela n’a aucunement empêché l’occupant de la Maison Blanche de maintenir sa menace d’imposer des droits de douane supplémentaires de 160 G$ US sur une foule de produits chinois (ex. : vêtements, jouets, cellulaires, etc.), une mesure qui doit entrer en vigueur en décembre.

La question saute aux yeux : une telle situation peut-elle encore durer longtemps? Ne fait-elle pas des victimes qui, tôt ou tard, vont finir par craquer, puis réclamer haut et fort que tout ça s’arrête?

Michael Waugh est professeur d’économie à l’École de commerce Stern, à New York (États-Unis). Il a tenu à en avoir le cœur net à ce sujet, et s’est notamment demandé si certains Américains pâtissaient plus que les autres du bras de fer commercial entre la Chine et les États-Unis. Pour s’en faire une idée, il s’est penché sur une donnée inédite : l’enregistrement des nouvelles plaques d’immatriculation aux États-Unis.

Le principe est simple:

- L’industrie automobile chinoise est directement visée par les mesures protectionnistes de Trump;

- En conséquence, il en coûte plus cher aux importateurs américains d’acquérir voitures et pièces détachées en provenance de Chine;

- Par suite, le coût de production des automobiles croît nécessairement, ce qui se répercute directement sur les prix de vente;

- Du coup, les consommateurs n’achètent pas la voiture neuve dont ils rêvent depuis quelque temps, préférant différer dans le temps cette dépense, dans l’espoir que la situation revienne à la normale sous peu.

Logique, n’est-ce pas? Maintenant, cela se vérifie-t-il sur le terrain? C’est justement ce qu’a tenu à savoir M. Waugh.

Le résultat de son travail de moine? Il tient en une carte, dévastatrice pour la politique protectionniste de Donald Trump. En rouge, les comtés les plus touchés par l’impact négatif de la hausse des droits de douane à l’encontre de la Chine, c’est-à-dire ceux où les consommateurs ont moins acheté de voitures neuves qu’auparavant. En bleu, ceux qui sont les moins touchés, c’est-à-dire ceux qui n’ont guère changé leurs habitudes d’achat de voiture neuve.

Que constate-t-on? Que les zones les plus rouges correspondent aux États qui ont massivement voté Trump en 2016. Pis, que les points les plus rouges sont précisément les endroits où les électeurs ont basculé à ce moment-là, passant de la couleur Démocrate à la couleur Républicain; autrement dit, les comtés qui sont littéralement tombés sous le charme de Trump, au point de ne plus voter Démocrate comme ils le faisaient auparavant.

«En résumé, la majorité du Midwest est durement frappée par la politique protectionniste de Donald Trump à l’égard de la Chine», note M. Waugh dans sa récente étude.

Ce qui concerne le nord du Texas, l’est du Colorado, le Kansas, le Nebraska, l’Iowa, l’est du Dakota du sud, le Minnesota, le Wisconsin et le Michigan.

À cela s’ajoute l’ouest des Etats-Unis, surtout l’État de Washington et l’Oregon. Et la pointe nord-est des Etats-Unis, soit le Maine.

Bref, tous les États, ou presque, qui ont porté Trump aux nues en 2016 s’en mordent aujourd’hui les doigts : les droits de douane qu’il impose aux importateurs américains de produits en provenance de Chine reviennent à pénaliser financièrement les consommateurs américains, lesquels ont eu le réflexe de diminuer d’un coup leurs achats devenus trop dispendieux à leurs yeux, à l’image de l’acquisition d’une voiture neuve.

Oui, c’est clair et net, les premières victimes du protectionnisme de Trump, ce sont… ses propres électeurs!

Ce n’est pas tout. La Tax Foundation est un think tank américain établi dans la capitale américaine. Elle s’est, elle aussi, demandée quel impact économique avait le protectionnisme de Trump. En mai dernier, elle a dévoilé un rapport aux chiffres carrément renversants:

- Cette politique avait d’ores et déjà fait perdre leur emploi à temps plein à 195.600 Américains.

- Elle avait fait diminuer les salaires des Américains d’en moyenne 0,16%.

- Elle avait fait perdre 63 G$ US à l’économie américaine, ce qui équivalait à un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,25%.

Une catastrophe! Il n’y a pas d’autre mot.

Un chiffre résume à lui seul l’ampleur du désastre : chaque foyer américain avait perdu en moyenne 831 $ US à cause de la politique protectionniste de Trump, selon une étude de la Réserve fédérale de New York divulguée en mai. Il ne s’agissait là que d’une moyenne, laquelle dissimulait, en vérité, de grandes disparités géographiques – coïncidence? Il apparaissait, là aussi, que les plus touchés étaient les moins bien nantis, en particulier les habitants du Midwest, l’un des principaux bassins de l’électorat de Donald Trump…

Quelle conséquence politique cela va-t-il avoir? Les électeurs trahis vont-ils se retourner contre Donald Trump en 2020, et le faire tomber de haut? Iront-ils jusqu’à voter Démocrate? Ou, plus cyniques que jamais, vont-ils s’abstenir de manière écrasante, décrédibilisant gravement le résultat des prochaines élections présidentielles américaines? Oui, tout cela va-t-il, au fond, nuire à la démocratie? Hum… Voilà un sujet à suivre de près, de toute évidence.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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