L'infidélité, dans le couple comme en affaires

Publié le 27/03/2017 à 06:06, mis à jour le 27/03/2017 à 06:06

L'infidélité, dans le couple comme en affaires

Publié le 27/03/2017 à 06:06, mis à jour le 27/03/2017 à 06:06

Quand la science économique permet d'éviter de souffrir... Photo: DR

J'ai une confession à vous faire : j'adore la science économique. Pourquoi ? Parce qu'elle éclaire sous un jour nouveau ce qui fait le sel de notre quotidien, oui, ce qui fait que notre vie tantôt nous sourit, tantôt nous fait la grimace.

Un exemple lumineux : l'infidélité conjugale. Saviez-vous que nombre d'économistes se penchent, ces temps-ci, sur ce sujet, le plus sérieusement du monde ? Que cela nous permet d'ores et déjà de mieux comprendre ce phénomène, pour ne pas dire ce tabou ? Et par suite, de nous prémunir contre ses affres ? Non, vous ne le saviez pas ? Parfait, regardons ça ensemble...

Pour débuter, quelques statistiques. Différentes études s'accordent pour dire qu'en Amérique du Nord un couple marié sur trois va connaître l'infidélité, à un moment ou un autre de son histoire. À cela s'ajoute le fait que des tests de paternité menés au hasard et à large échelle au sein de la population nord-américaine ont récemment montré qu'environ 10 % des enfants n'ont pas pour père biologique celui qui pourtant pense l'être.

Ce n'est pas tout ! D'autres études ont mis au jour de toutes nouvelles tendances en la matière, dont voici un petit florilège :

> Gare à l'été. L'été est la saison la plus propice à la tromperie amoureuse, d'après les travaux d'Effrosyni Adamopoulou.

> Les personnes âgées aussi. Les traitements de la dysfonction érectile ont propulsé la tromperie chez les 65-90 ans, selon David Atkins.

> Bref éloge de la durée. Plus le couple est ensemble longtemps, plus le risque de tromperie diminue, d'après Joel Potter.

> Inégalités parmi les employés. Plus la proportion de femmes est élevée dans un lieu de travail, plus le risque est élevé que l'un des employés masculins se montre infidèle (en revanche, l'inverse n'est pas vrai : la proportion H/F d'un bureau n'a aucune incidence sur le risque d'infidélité de la part d'une des employées), rapporte l'économiste Masanori Kuroki.

Tenté par le diable

Troublant, n'est-ce pas ? Comment se fait-il que l'infidélité soit si courante et évolutive dans notre société ? C'est ce qu'ont voulu éclaircir les deux professeurs d'économie Bruce Elmslie et Edinaldo Tebaldi dans une étude intitulée So, what did you do last night ? The economics of infidelity. Résultat ? «L'infidélité ne résulte pas que de facteurs biologiques, mais aussi de facteurs socioéconomiques, si bien que chaque individu l'aborde, en vérité, sous l'angle du calcul coûts/bénéfices en fonction de critères propres au milieu dans lequel il évolue. Ce qui explique que certains y goûtent, et d'autres pas», notent-ils.

Du coup, Amitrajeet Batabyal, professeur d'économie à l'Institut de technologie de Rochester (États-Unis), a eu l'heureuse idée d'analyser l'infidélité à travers le prisme de la théorie des jeux. La théorie des jeux ? Pas de panique, je vais vous expliquer de quoi il retourne... Il s'agit d'un pilier de la pensée économique actuelle, qui vise à déterminer quelle est la meilleure stratégie à adopter en situation de conflit entre deux «joueurs», par exemple lorsque deux amis jouent à pierre-papier-ciseaux ou lorsque deux chefs d'État doivent déterminer s'il leur faut s'empresser d'appuyer sur le bouton rouge, ou pas (comme cela s'est réellement produit en 1962 lors de la crise des missiles de Cuba, entre Kennedy et Khrouchtchev).

Dans le cas présent, les deux joueurs en question sont un homme et une femme vivant en couple. Le mari s'interroge, peut-être tenté de regarder, au moins une fois dans sa vie, si l'herbe est plus verte ailleurs ; son épouse, elle, s'interroge quant à la réalité de la fidélité de l'homme de sa vie. Quelle est dès lors la meilleure stratégie pour chacun des deux ? Et ce, sachant que lui ne veut surtout pas mettre en péril sa vie de couple, tandis qu'elle n'entend pas passer son temps à surveiller en douce l'agenda de son mari. Le recours à la théorie des jeux a fourni à M. Batabyal une réponse limpide : la fraction magique de 1/3.

Disons que l'intensité de la surveillance exercée par la femme peut varier de 0 à 1. À ce moment-là, la meilleure stratégie pour l'homme tenté par le diable est de se montrer infidèle quand la surveillance est inférieure à 1/3. En conséquence, la stratégie optimale pour la femme consiste à exercer une surveillance de très exactement 1/3, soit le seuil minimal permettant d'éviter l'infidélité de son mari.

Concrètement, me direz-vous, à quoi peut correspondre une surveillance d'une intensité de 1/3 ? Eh bien, tout dépend du critère considéré : cela peut revenir à contrôler discrètement un tiers du temps libre de monsieur, ou encore à enquêter incognito sur le tiers de ses connaissances féminines. À vous de voir.

Maintenant, peut-on faire un parallèle avec une relation d'affaires ? Convient-il d'avoir un oeil vigilant sur la fidélité d'un client ou d'un fournisseur ? Sans l'affirmer catégoriquement, M. Batabyal suggère toutefois que les résultats de son étude peuvent être étendus à «différents domaine où prime la fidélité.»

Voilà. Je vous l'avais dit, la science économique est en mesure de tout dévoiler, ou presque, avec un délicieux raffinement. Voilà pourquoi je ne suis pas près de succomber à d'autres charmes que les siens.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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