Charbon contre New Deal vert

Publié le 20/06/2017 à 06:30, mis à jour le 20/06/2017 à 09:06

Charbon contre New Deal vert

Publié le 20/06/2017 à 06:30, mis à jour le 20/06/2017 à 09:06

Le charbon présente des coûts sociaux destructeurs... Photo: DR

Le président Donald Trump a donc finalement tenu sa promesse électorale et a retiré les États-Unis de l'Accord de Paris la semaine dernière. Et ce, après avoir annoncé ses couleurs en mars, lorsqu'il avait biffé d'un trait vengeur le Clean Power Plan de son prédecesseur, lequel promouvait le développement des énergies renouvelables au détriment du charbon. «Regardez-moi bien, je vais mettre fin à la guerre contre le charbon», avait-il alors lancé, le torse bombé.

Le hic? Cette politique est absurde, pour ne pas dire suicidaire...

C'est que le charbon est en plein déclin aux États-Unis. En 2016, il y a eu pour la première fois davantage d'électricité produite par le gaz naturel (34 %) que par le charbon (30%) ; en 2011, le gaz naturel représentait 25% et le charbon 42%, selon les données de l'Agence américaine pour l'énergie (EIA). Rien qu'en 2015, la production de charbon a chuté de 10%, tombant à son plus bas niveau depuis 1986. Quant à la main-d'oeuvre liée à ce secteur, elle a fondu, en 2015 toujours, de 12%, pour un total de 65 971 travailleurs.

Ce n'est pas tout. Le charbon présente un coût environnemental à la fois caché et exorbitant. Les économistes Jonathan Eyer et Matthew Kahn ont tout récemment analysé l'impact réel des mesures locales protectionnistes prises ces derniers temps par les États qui en produisent le plus - Wyoming, Virginie-Occidentale, Kentucky -, qui visent à favoriser le charbon pour la production d'électricité. Ils ont découvert que, chaque fois que la proportion du charbon avait grimpé d'un point de pourcentage, cela avait entraîné un bond d'en moyenne 2,3 millions de tonnes de CO2 par an dans ces États-là. Ce qui est «majeur».

De surcroît, l'économiste Xiang Bi s'est intéressée aux 228 centrales électriques américaines recourant au charbon qui ont été contraintes, ces dernières années, d'atténuer leurs émissions polluantes. Elle a constaté que, certes, ces émissions avaient diminué de manière notable, mais elle a par la même occasion mis au jour un phénomène qui fait froid dans le dos : «À mesure que la pollution diminue dans l'air, on note une augmentation significative de la contamination des eaux et des terres environnantes (mercure, arsenic, oxyde d'azote, etc.)», révèle-t-elle, soulignant que celle-ci est passée inaperçue jusqu'ici pour la simple raison que «personne ne s'en soucie». Autrement dit, le charbon empoisonne non seulement l'air, mais aussi le sol et les cours d'eau, si bien qu'il est absurde de parler, comme le fait M. Trump, de «charbon propre».

Un coût social destructeur

Un autre coût caché et exorbitant du charbon est son coût social. Ainsi, l'étude de MM. Eyer et Kahn montre que la production d'une tonne de charbon dans les États concernés va de pair avec un «coût social du carbone» d'environ 30 dollars américains, pour un montant annuel total de quelque 4 milliards de dollars américains. Ce coût reflète notamment la perte de valeur sur le marché du travail des mineurs, dont l'emploi est «artificiellement préservé» : moins mobiles et moins formés que les autres, il leur est nettement plus difficile de retrouver du travail lorsqu'ils perdent leur emploi, ce que finit par payer cher l'ensemble de la société.

À cela s'ajoute le fait que le travail de «gueule noire»... rend malade ! C'est là la grande trouvaille de la chercheuse Robyn Considine et de son équipe, à la suite de la récente étude des conditions de travail dans huit mines australiennes de charbon. Un nombre démesuré de mineurs y souffrent en effet de «détresse psychologique élevée», pour plusieurs raisons :

> Anxiété. Leur métier est dangereux.

> Dépression. L'anxiété répétée mène droit à des périodes de dépression.

> Dopage. Pour tenir le coup, certains prennent régulièrement des «pilules dopantes».

> Management déficient. L'épanouissement des employés n'est jamais la priorité.

> Faible réseau social. Exténués par le travail, les mineurs peinent à avoir une vie personnelle enrichissante.

Ce qui, une fois de plus, coûte cher au mineur lui-même, à sa famille ainsi qu'à l'ensemble de la société.

Enfin, le charbon, ses émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, sa contribution directe au changement climatique ont un impact à long terme d'autant plus redoutable qu'il est insoupçonné. Un impact dévastateur.

L'économiste Murat Iyigün et son équipe ont eu l'idée de croiser deux données - la température et la guerre - en Europe, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, entre 1400 et 1900. L'objectif était tout bonnement de voir s'il y avait la moindre corrélation entre les deux. Voici le résultat :

> Plus la variation climatique est prononcée, plus le risque de conflit armé généralisé s'élève, pour devenir quasiment inévitable au bout de 50 ans.

> Plus la variation climatique est prononcée, plus le conflit armé qui s'ensuit fait de ravages.

Nous voilà avertis. À cause de la vision énergétique à court terme et protectionniste de Donald Trump, nous filons tout droit dans le mur. La catastrophe environnementale, sociale et même militaire est maintenant annoncée et nous concerne au premier chef. Que faire ? C'est simple : dans un premier temps, prendre conscience du péril ; dans un second temps, réagir en conséquence sans tarder, par exemple en lançant ici même un audacieux New Deal vert en guise de pied de nez à nos voisins du sud.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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