2e vague: vers une désorganisation du transport en commun?

Publié le 01/10/2020 à 08:00

2e vague: vers une désorganisation du transport en commun?

Publié le 01/10/2020 à 08:00

Un secteur fragilisé par la COVID-19... (Photo: Steven Wright pour Unsplash)

CHRONIQUE. Alors que les transports en commun ont été frappés de plein fouet par la «mise sur pause» de l’économie décrétée par le gouvernement Legault, de nouveaux nuages noirs se profilent à l’horizon pour eux. Ce qui risque fort de se traduire cet automne par une désorganisation majeure du secteur. Explication.

C’est aujourd’hui qu’entrent en vigueur les nouveaux tarifs des transports en commun dans le Grand Montréal:

> +2$ pour l’abonnement mensuel ordinaire de la Société de transport de Montréal (STM), qui passe de 86,50$ à 88,50$.

> +2$ pour le même type d’abonnement du côté de Laval, à 99$.

> +2$ pour le même type d’abonnement du côté de Longueuil, à 102$.

> +3$ pour le titre mensuel régulier «Tram 3», qui permet de se déplacer entre les villes de Laval, Montréal et Longueuil, à 144$.

À noter que le prix d’un billet de passage ordinaire, destiné aux usagers occasionnels, demeure, lui, inchangé, à 3,50$.

Ces hausses tarifaires auraient normalement dû avoir eu lieu le 1er juillet dernier, mais, COVID-19 oblige, elles avaient été reportées jusqu’au 1er octobre, histoire d’éviter un impact financier supplémentaire aux usagers.

Le hic? C’est que ces hausses surviennent pile le jour où le Grand Montréal entre dans le nouveau confinement décrété par le gouvernement Legault. C’est-à-dire au moment-même où nombre de résidents du Grand Montréal vont entrer dans de nouvelles turbulences économiques (ex.: les propriétaires de bars, de restaurants ou de salles de spectacles, qui doivent fermer leurs portes durant un mois et, par suite, remercier leur personnel, à l’Image de Loto-Québec qui a mis à pied hier 1.350 employés).

En conséquence, le risque est élevé de voir les gens y réfléchir à deux fois avant de prendre un abonnement mensuel, voire de tout simplement prendre les transports en commun pour circuler dans le Grand Montréal. Ce qui pourrait fort bien entraîner une baisse de la fréquentation et des revenus.

Or, les transports en commun sont d’ores et déjà au plus mal à ce sujet. Les données de Statistique Canada montrent en effet que la pandémie de COVID-19 a eu un impact direct sur le niveau d’activité des autobus, des trains et des métros à l’échelle du pays: en juillet dernier, le nombre d’usagers des transports en commun était inférieur de 65,5% par rapport au mois de juillet 2019, à 50,8 millions de déplacements effectués par les usagers.

Certes, il y a du mieux puisqu’en juin le nombre de déplacements avait été de 37,9 millions, en mai de 27,4 millions et en avril de 24,9 millions. Mais les finances sont toujours dans le rouge foncé: les recettes d’exploitation totales (excluant les subventions gouvernementales) des sociétés de transport en commun du Canada ont chuté de 69,7% en juillet, d’un mois sur l’autre, pour s’établir à 103,6 M$.

Au Québec, le gouvernement Legault vient de voler au secours du transport en commun. Il a dédié en septembre une enveloppe de 2,3 G$ aux municipalités et aux sociétés de transport en commun afin de pallier les pertes de revenus et les dépenses occasionnées par la COVID-19. De cette aide exceptionnelle, 1,2 G$ devraient revenir aux sociétés de transport en commun.

Toutefois, ces sommes ne peuvent permettre d’enrayer un phénomène qui joue grandement en défaveur du transport en commun. Il se trouve qu’une récente étude - menée par Marie Connolly et Catherine Haeck, deux professeures d’économie de l’ESG-UQÀM, par ailleurs chercheuses au CIRANO, assistées de leur étudiant Pierre-Loup Beauregard - a mis au jour le fait que le tiers des conducteurs d’autobus du Québec ont plus de 60 ans, et que 42% d’entre eux habitent avec une personne âgée de plus de 60 ans.

Autrement dit, la 2e vague de la pandémie du nouveau coronavirus pourrait provoquer une chute brutale du nombre de conducteurs disponibles, soit parce qu’ils sont à risque de contracter le virus et d’en pâtir gravement, soit parce qu’ils doivent se retirer du travail pour éviter de contaminer un proche âgé. Ce qui pourrait se traduire par la suppression de nombre de trajets d’autobus; et à la clé, une véritable désorganisation des transports en commun, en particulier dans le Grand Montréal.

Bref, notre système de transport en commun est fragile, très fragile même. Il suffit à présent d’un rien pour le voir partir dans le décor. Un rien qui pourrait bel et bien être la hausse des tarifs qui entre en vigueur aujourd’hui-même, au pire moment qui soit puisque nous entrons tous dans un nouveau confinement. Les experts de Statistique Canada le soulignaient d’ailleurs fort justement, dans le texte accompagnant l’état de santé du transport en commun: «Il y a amorce de reprise, mais l’ampleur de celle-ci va dépendre de l’évolution de la pandémie»; et chacun de nous a en tête le bond prodigieux de nouveaux cas de contamination au Québec…

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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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