10 ans après les Jeux de Vancouver, Jennifer Heil se souvient

Publié le 10/03/2020 à 11:41

10 ans après les Jeux de Vancouver, Jennifer Heil se souvient

Publié le 10/03/2020 à 11:41

Jennifer Heil, photographiée aux côtés du double champion olympique Alexandre Bilodeau.

Jennifer Heil, photographiée aux côtés du double champion olympique Alexandre Bilodeau. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Il y a dix ans, au premier jour des Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, la skieuse de bosses canadienne Jennifer Heil se tenait aux portes de départ, prête à affronter ses craintes, tout en écoutant la foule canadienne lancer un rugissement de soutien. Ce jour-là, elle a remporté la première médaille du Canada de ces JO — l'argent — mais elle avait l’impression d'avoir déçu les espoirs de son pays pour l'or.

La voie de Mme Heil vers ces Jeux de Vancouver avait été difficile. Elle ressentait une immense pression à se surpasser: le Canada n'avait jamais remporté de médaille d'or en tant qu'hôte des Jeux olympiques et elle était une candidate pleine de potentiel, à la fois en tant que l'une des premières concurrentes et en tant que championne olympique en titre dans sa discipline. De plus, une amie avec qui elle avait partagé le podium lors des précédents Jeux de Turin avait été paralysée en faisant un saut périlleux arrière un an plus tard, et Mme Heil était pleine d'appréhension chaque fois qu’elle se préparait pour une descente. 

Pourtant, elle a réussi à assurer au Canada une place sur le podium grâce à sa persévérance, qu'elle a mis toute sa carrière d'athlète à développer.

«En tant que skieuse, il faut non seulement être capable de se relever littéralement après une grosse chute, mais aussi de savoir se relever sur le plan émotionnel et mental, fait remarquer Mme Heil. La route du succès n'est jamais une ligne droite.»

Originaire d'Edmonton, Jennifer Heil a grandi dans une famille de passionnés de ski. Malgré un paysage mal adapté, elle a appris le ski acrobatique dans sa ville natale — un premier indice de sa volonté de réussir coûte que coûte.

«Quand on grandit dans les Prairies en voulant devenir un skieur de classe mondiale, cela demande beaucoup de détermination, car il y a des obstacles fondamentaux sur le chemin, observe-t-elle.»

Mme Heil a su dès le début qu'elle devrait contourner les règles institutionnelles pour faire avancer sa carrière sportive. Elle a commencé à participer à des compétitions de bosses dans l'équipe nationale de ski acrobatique à l'âge de 16 ans et a souvent dû manquer l'école. 

«Je me suis entretenue avec les dirigeants de mon école et j'ai reconstruit la structure autour de moi pour que ma carrière sportive et mon éducation fonctionnent, se souvient-elle. C’est important de remettre en question l'idée que l’on se fait du système dans lequel on pense devoir naviguer pour reconnaître qu'il est adaptable. Cette leçon a continué à me servir tout au long de ma carrière.»

Après avoir terminé en quatrième place lors de ses premiers Jeux olympiques en 2002, ratant le podium d'un centième de point seulement, Mme Heil savait qu'elle devait à nouveau adapter la rigueur de son environnement à ses besoins. L'adaptation de son programme d'entraînement exigeait de la créativité, car la jeune skieuse estimait que la culture du ski de compétition n'encourageait et ne soutenait pas suffisamment l'excellence. Pour répondre à ses aspirations, elle devait construire un nouvel environnement d'entraînement à partir de zéro à Montréal.

Le modèle d'entraînement de Jennifer Heil était axé sur le conditionnement et l’entretien physique ainsi que sur l'entraînement mental. Une journée typique dans sa nouvelle routine comprendrait deux séances d'entraînement physique en combinaison avec une séance d'entraînement mental ou de physiothérapie. Elle savait que l'élaboration d'un cadre pour soutenir la rigueur émotionnelle d'une carrière sportive était essentielle pour atteindre ses objectifs, mais elle ne réalisait pas l'ampleur de l'engagement que cela exigerait d'elle. 

«Je me souviens être allée à mon premier rendez-vous chez mon psychologue du sport et d'avoir attendu la pépite d'or, en pensant que cette personne allait changer ma vie et me donner cette perspective indispensable, dit Mme Heil. Mais ça ne marche pas comme ça. Il faut autant de travail que dans la salle de sport pour visualiser les émotions et l'état d'esprit que l'on veut. Ce n’est pas facile d'apprendre à exploiter ses pensées et ses sentiments afin de renforcer son esprit.»

Son travail acharné a porté ses fruits: elle a accumulé quatre titres de championne aux championnats du monde de ski, cinq titres de championne du monde au classement général de la Coupe du monde et elle est devenue la seule skieuse de bosses à réaliser le grand chelem dans son sport en remportant tous les grands titres. La résilience mentale développée par Mme Heil lui a été tout aussi utile lors de sa retraite du ski.

«Lorsque je parle du besoin de résilience, cela s'applique vraiment à la dernière décennie de transition hors du sport, de réorientation vers le monde, de perte énorme de votre communauté, et de devenir un parent en plus de cela tout en cherchant à construire une nouvelle carrière».

Aujourd'hui, Mme Heil continue à appliquer ses valeurs fondamentales de flexibilité et de persévérance dans ses activités professionnelles. En tant qu'ancienne vice-présidente du développement du sport pour viaSport BC et maintenant conseillère stratégique pour l'organisation qui soutient le développement équitable par le sport, elle a joué un rôle essentiel dans la mise en place d'une structure qui s'attaque aux abus et au harcèlement dans le sport. Le réseau de soutien complet sera officiellement lancé ce mois-ci. 

Grâce à une vie entière consacrée au contrôle de son métier et de ses compétences, Mme Heil s'est affirmée comme un modèle infatigable, tant sur la piste qu’en dehors. Au-delà de son travail au sein de viaSport sport, Mme Heil est la co-fondatrice de B2ten, une organisation qui applique des principes commerciaux au financement et à la formation des espoirs olympiques. Elle est également en train de coproduire deux documentaires sur les femmes dans le monde du sport et souhaite retourner à l'école pour obtenir une maîtrise en ingénierie des systèmes l'année prochaine. 

Lien vers le balado (en anglais seulement)

Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Marie Labrosse, étudiante à la maîtrise en langue et littérature anglaises à l’Université McGill. L’entrevue intégrale fait partie de la plus récente saison de The CEO Series et est disponible en baladodiffusion

À propos de ce blogue

Chaque semaine, Karl Moore, professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, s’entretient avec des dirigeants d’entreprise de calibre mondiale au sujet de leur parcours, les dernières tendances dans le monde des affaires et l’équilibre travail-famille, notamment.

Karl Moore
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