Le Panoptic Studio, un dôme équipé de quelque 510 caméras, permet d'observer jusqu'à 10 personnes à la fois et de modéliser en 3D leurs moindres mouvements. [Photo : courtoisie]
Yaser Sheikh, assistant-professeur à l'Université Carnegie Mellon, a construit avec son équipe un dôme équipé de quelque 510 caméras couvrant tous les angles possibles. Le dôme permet ainsi d'observer jusqu'à 10 personnes à la fois et de modéliser en 3D leurs moindres mouvements.
Baptisé Panoptic Studio, le dôme est notamment utilisé pour étudier le comportement humain. L'une des expériences qui y ont été réalisées consistaient à inviter des étudiants à jouer au jeu du menteur à l'intérieur du dôme. En modélisant leur comportement, il est apparu que les groupes où il y avait un menteur formaient une ellipse, alors que les groupes d'étudiants ne jouant pas au menteur formaient un cercle. Les menteurs, apparemment, préféreraient se tenir à l'écart du cercle.
Il va s'en dire qu'il n'est pas nécessaire de disposer de 500 caméras pour faire de telles observations. L’avantage que pourrait procurer la compilation d’autant d’images réside dans l’automatisation de la capture de mouvements, qui nécessite avec les autres approches le port de vêtements spécialisés. Grâce à cette technologie, on peut imaginer une salle d’interrogatoire dotée des mêmes caractéristiques que notre dôme ou, pourquoi pas, des lieux publics.
Yaser Sheikh espère que ses travaux ne seront pas utilisés afin à des fins de surveillance, mais reconnaît qu’il s’agit là d’une application potentielle. La détection automatisée de l’autisme est une autre application potentielle qu’il préférerait davantage voir émerger.
Malgré le coût prohibitif du Panoptic Studio et les limites actuelles de la reconnaissance d’image, je n’ai pas pu m’empêcher d’être pris d’un frisson en pénétrant dans le dôme, situé sur le campus de Carnegie Mellon, à Pittsburgh.
Après tout, on s’approche dangereusement du jour où un algorithme pourra déterminer des comportements suspicieux à partir d’images 3D. Si on met de côté l’algorithme, c’est un futur envisagé par George Orwell dans 1984, un futur où les caméras étaient omniprésentes et où on vivait sous la menace d’être accusé d’un crime de la pensée.
De plus, qui a dit qu’on a besoin de 500 caméras pour détecter un crime de la pensée? Déjà, rares sont les lieux publics où il n'y a personne avec un téléphone mobile équipé de caméras dans ses mains. Et c'est sans compter ceux qui portent des caméras Narrative sur leurs vêtements.
Même dans notre salon, on échappe rarement à l'oeil inquisiteur des caméras. Plusieurs de nos téléviseurs et de nos consoles de jeux vidéos sont en effet équipés de caméras 3D. Comme quoi le télécran de 1984, un appareil servant à diffuser de la propagande tout en permettant à la police de la pensée de surveiller les citoyens, n’est pas si loin de nous. Sans le savoir, vous en avez peut-être reçu en cadeau pour Noël.