L’ESG, qui compte pas moins de 15 000 étudiants et 600 professeurs et chargés de cours, aspire à devenir une université à part entière. [Photo : Julien Brault]
L'École des sciences de la gestion (ESG), l’école de commerce affiliée à l’UQÀM, aspire désormais à devenir une université indépendante au sein du réseau de l’Université du Québec. Du moins, c’est avec cet objectif que son doyen, Stéphane Pallage, a amorcé ce matin un processus de consultation auprès des parties prenantes de l’ESG, qui compte pas moins de 15 000 étudiants et 600 professeurs et chargés de cours. Je l’ai interviewé de manière à comprendre pourquoi la concurrente de HEC Montréal aspirait désormais à l’indépendance. Il s’avère que cela a beaucoup à voir avec la concurrence internationale accrue et les transformations technologiques qui secouent le monde de l’éducation supérieure.
Julien Brault : Vous avez entamé un processus de consultation qui pourrait déboucher sur l’indépendance de l’ESG parce que l’UQÀM refusait de vous octroyer une autonomie accrue. Que vouliez-vous obtenir concrètement ?
Stéphane Pallage : Ce qu’on demande depuis très longtemps, c’est l’autonomie à l’intérieur de l’UQÀM. Mes prédécesseurs se sont tous battus pour obtenir plus d’autonomie au sein de l’UQÀM. Ce qui est différent, dans mon cas, c’est que mon élection était basée sur cet objectif d’autonomie à l’intérieur de l’UQÀM. Ce qu’on souhaite, c’est la décentralisation des revenus, de sorte qu’on pourrait garder les revenus que l’école génère. On paierait par ailleurs à l’UQÀM le coût des services que nous utilisons ainsi qu’une péréquation.
JB : Pourquoi voulez-vous plus d’autonomie? Qui en bénéficierait?
SP : Je pense que c’est l’UQÀM en entier bénéficierait d’un tel modèle. Ce que vous avez écrit il y a deux semaines dans votre texte Universités : évoluer ou disparaître, c’était très provocateur, mais c’était très très vrai. Ce dont on a besoin, c’est d’être agile, et nos structures administratives actuelles sont hyper lourdes. Changer de technologie, il faut y penser pendant deux ans, on l’achète l’année suivante et, à ce moment, la technologie est déjà dépassée. Il n’y a aucune marge de manœuvre au niveau budgétaire à l’UQÀM et l’ESG doit être agile; elle doit être capable de répondre rapidement aux changements qui se produisent dans son environnement
JB : Qui va décider du sort de l’ESG? Est-ce que c’est l’UQÀM qui a le dernier mot ?
SP : Le jour où la communauté de l’ESG se sera prononcée en faveur de quitter l’UQÀM, ce n’est plus l’UQÀM qui sera notre interlocuteur, c’est la Ministre Hélène David et le réseau de l’Université du Québec. Si le conseil des gouverneurs se prononce favorablement et que la Ministre émet un décret autorisant le réseau à nous donner nos lettres patentes, nous aurons à ce moment-là un statut similaire à celui de l’ÉTS.
JB : L’internationalisation du marché de l’éducation supérieure affecte les écoles de gestion plus sévèrement encore que les autres facultés. Qu’est-ce qu’un statut d’université indépendante au sein du réseau de l’Université du Québec vous permettrait de faire?
SP : On pourrait avoir des bureaux dans certaines villes pour faire du recrutement ou faire des tournées internationales, comme le font les universités américaines. On est souvent absent de ces grands forums par manque de fonds, parce qu’il y a plein de possibilités qu’on ne peut explorer aujourd’hui. Cela dit, on est déjà très international. On offre notre MBA dans 12 pays, incluant la Chine, la Pologne, la France et le Cameroun. On a des ententes de partage de revenus avec les universités locales dans ces pays. Et je peux vous dire que la taxe de l’UQÀM est gigantesque.
JB : L’internationalisation des campus des écoles de commerce date de plusieurs années. Mais que faites-vous en matière d’éducation en ligne?
SP : Ça, c’est un énorme défi et c’est l’une des priorités de l’ESG, mais on n’a aucun soutien de l’UQÀM à ce niveau-là. Ce qui veut dire que tout doit être autofinancé, et je vous avoue que l’autofinancement, ce n’est pas simple. On est très loin de ce qu’on devrait faire. C’est évident qu’on doit être là, et qu’on doit être là vite.
JB : Selon vous, est-ce que le gouvernement du Québec devrait revoir ses politiques en matière d’éducation supérieure et de financement des universités?
SP : Je ne sais pas si le gouvernement devrait se pencher là-dessus, mais les universités elles-mêmes doivent se pencher là-dessus. Il faut qu’on revoie nos manières de faire. Disons-nous la vérité; il faut qu’on change. Si nous ne le faisons pas, je trouverais ça dommage que ce soit le gouvernement qui le fasse à la place des universités.
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