L'industrie des jeux vidéos est comme celle des journaux

Publié le 13/11/2014 à 16:55

L'industrie des jeux vidéos est comme celle des journaux

Publié le 13/11/2014 à 16:55

[Photo : Bloomberg]

L’industrie du jeu vidéo n’est pas le créneau d’avenir que le gouvernement du Québec y voyait à la fin des années 1990. En outre, la généreuse politique de crédits d’impôt de Québec envers l’industrie n'est plus unique: aujourd'hui, quelque 21 États américains et six provinces canadiennes offrent de tels attraits.

Dans ce contexte, la réduction des crédits d’impôt pour R-D au Québec pourrait pousser plusieurs studios montréalais dans les bras de l’Ontario, dont les crédits d’impôt sont désormais plus alléchants. Avant de déchirer notre chemise, on devrait toutefois se demander si le jeu vidéo constitue véritablement un créneau d’avenir pour le Québec.

Tandis que l’industrie des jeux de consoles est arrivée à maturité, pour ne pas dire qu’elle est en déclin, la croissance, elle, vient essentiellement des jeux mobiles. Or, ces jeux, quoique peu coûteux à produire, se révèlent plus difficiles que prévu à monétiser. Jason Della Rocca, un vétéran de l’industrie, en sait quelque chose. Execution Labs, l’incubateur de start-ups de jeux mobiles qu’il a fondé à Montréal en 2012, n’a pas encore connu de succès conséquent.

Execution Labs, qui vient d’obtenir un financement de six millions de dollars, accepte désormais les candidatures de start-ups dont les jeux ne sont pas mobiles. Jason Della Roca, avec qui j’ai discuté en marge du MIGS en début de semaine, croit malgré tout qu’investir dans le jeu vidéo puisse rapporter. «Avec notre savoir-faire, on pense qu’on est en mesure d’augmenter les chances de succès de nos start-ups. Grâce à nous, ce n’est pas une chance sur un million, mais une chance sur mille, par exemple.»

L’ancien directeur général du studio montréalais d’Ubisoft, Alain Tascan, a lui aussi découvert de première main que les jeux mobiles n’étaient pas une panacée. Trois ans après avoir fondé Sava Transmedia, une boîte spécialisée en jeux mobiles et sociaux, l’homme d’affaires a dû se résoudre à fermer boutique plus tôt cette année.

Éditeurs malmenés en Bourse

Même les éditeurs des jeux mobiles et sociaux les plus populaires ont des difficultés. Zynga (FarmVille) déçoit les investisseurs trimestre après trimestre, tandis que King (Candy Crush) est elle aussi malmenée en Bourse depuis son premier appel public à l'épargne.

La difficulté de se renouveler dans un environnement extrêmement concurrentiel est en cause dans les deux cas. Seulement dans l’App Store, pas moins de 1,3 million d’applications sont offertes, dont 18 % seraient des jeux mobiles. Ces centaines de milliers de jeux sont issus de l’imagination de nombreux développeurs indépendants de tous âges, dont la plupart ne font pas d’argent grâce à leurs jeux.

Le revenu médian à vie d’un développeur de jeu mobile publiant sur l’App Store s’élèverait à seulement 3000$, tandis que 25% d’entre eux généreraient moins de 100$. Considérant qu’il en coûte 99$ par année pour avoir le privilège de publier dans l’App Store, aussi bien dire que des milliers de développeurs créent des jeux bénévolement.

La multiplication des textes, écrits par des bénévoles et publiés sur des blogues, sur Facebook, Linkedin et compagnie, a largement contribué à rendre caduc le modèle d’affaires des groupes de presse traditionnels. Le même phénomène, quoique moins prononcé, semble être à l’œuvre dans le créneau des jeux mobiles. 

Aussi, l’avenir de l’industrie du jeu vidéo semble plutôt morose, tant du côté des jeux pour console, dont les ventes plafonnent, que de celui des jeux mobiles, de plus en plus difficiles à monétiser de manière pérenne. À la lumière de cette réalité, est-ce dans l’intérêt de Québec de surenchérir pour garder cette industrie?

À propos de ce blogue

DE ZÉRO À UN MILLION est le blogue de Julien Brault, qui a fondé la start-up Hardbacon en juin 2016. L’ancien journaliste de Les Affaires relate ici chaque semaine comment il transforme une idée en entreprise. Dans ce blogue, Julien Brault dévoile notamment chaque semaine ses revenus. Une démarche sans précédent qui est cohérente avec les aspirations de Hardbacon, qui vise à aider les gens à investir intelligemment en faisant voler en éclat le tabou de l’argent. Ce blogue sera ainsi alimenté jusqu’à ce que Hardbacon, qui n’avait aucun revenu lors de la publication du premier billet, génère un million de dollars en revenu annuel.

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