Le Klondike de la réalité virtuelle


Édition du 30 Janvier 2016

Le Klondike de la réalité virtuelle


Édition du 30 Janvier 2016

Le jeu Time Machine VR, développé par le studio montréalais Minority, permettra aux propriétaires de casques de réalité virtuelle de vivre des expériences immersives.

La semaine dernière, je me suis retrouvé aux commandes d'un petit sous-marin. Des tortues géantes me frôlaient les pieds lorsqu'un prédateur marin a surgi, à ma gauche, pour les dévorer comme des hors-d'oeuvre. J'ai terminé mon aventure dans la bouche d'un poisson géant, dont j'ai scanné les parois intérieures afin de remplir ma mission. Après avoir enlevé mon casque Oculus Rift, je comprenais mieux la raison pour laquelle Minority Media, un studio montréalais de 30 employés, avait décidé de mettre tous ses autres projets en suspens pour produire des jeux destinés aux casques de réalité virtuelle.

«J'ai un casque à la maison et je vis en mode réalité virtuelle depuis que Minority a fait le virage il y a deux ans ; j'aurais de la misère à retourner en arrière à titre personnel, sans l'immersion», lance Vander Caballero, pdg de Minority Media. Le studio devrait lancer Time Machine VR, le jeu que j'ai eu l'occasion d'essayer, à temps pour la sortie de l'Oculus Rift en mars. Il s'agira du premier jeu en réalité virtuelle du studio.

Fondée en 2010, Minority Media développait initialement des jeux pour les consoles et, n'eut été de l'Oculus Rift, le casque de l'entreprise américaine Oculus VR, elle en ferait probablement encore autant aujourd'hui.

Le casque de réalité virtuelle était une découverte pour plusieurs lorsque le produit a amassé 2,4 millions de dollars américains sur Kickstarter en 2012.

Pour Vander Caballero, qui avait eu l'occasion d'expérimenter la réalité virtuelle dès les années 1990 lorsqu'il travaillait pour l'ancien centre de divertissement Métaforia à Montréal, c'était plutôt un signal fort que l'heure de la réalité virtuelle grand public avait enfin sonné. Un constat que semble avoir aussi tiré Facebook, qui a allongé deux milliards de dollars américains pour acheter Oculus VR en 2014.

Au début des années 2000, Vander Caballero était revenu à la réalité virtuelle. Il était alors associé du studio 4-Elements, dont le fondateur de Softimage, Daniel Langlois, était aussi l'un des associés. À l'époque, il en coûtait toutefois quelque 700 000 $ en matériel informatique pour offrir une expérience de réalité virtuelle. Inutile de dire que 4-Elements, qui faisait initialement dans la visualisation architecturale, s'est finalement détourné de la technologie, jugée trop coûteuse.

Montréal se positionne

Les casques de réalité virtuelle PlayStation VR, HTC Vive et Oculus Rift sortiront tous au courant des prochains mois. Leur entrée dans les salons des consommateurs semble donc imminente. Si cela s'avère, les studios comme Minority Media pourraient bénéficier du même avantage concurrentiel que le lancement de l'iPhone en 2007 avait procuré aux studios de jeux mobiles.

Du moins, c'est ce qu'entrevoit Sylvain Croteau, cofondateur du studio de jeux mobiles Ludia, qui s'est joint à Minority Media au moment où cette dernière prenait le virage : «On avait pris le [même type de] risque chez Ludia, car on faisait des jeux mobiles au tout début de la vague, là où l'occasion se prêtait le mieux à créer de la valeur dans une entreprise». Pour Sylvain Croteau, c'est exactement la même occasion d'affaires qui s'offre à son entreprise aujourd'hui dans l'univers de la réalité virtuelle.

Minority Media n'est pas la seule entreprise qui se positionne pour profiter de ce virage technologique à Montréal. Font partie du lot Retinad, qui offre un logiciel d'analytique destiné aux éditeurs de contenus de réalité virtuelle, Felix & Paul, une des premières boîtes à se spécialiser dans le tournage d'expérience de réalité virtuelle, et Zandel Media, une autre entreprise de jeu vidéo fondée par un ancien de 4-Elements.

«C'est la marque de commerce internationale de Montréal d'être à la rencontre des arts et de la technologie, comme en font foi nos forces en jeu vidéo, en effets spéciaux et en postproduction», lance Frédéric Guarino, qui a fondé VR Valley, une boîte d'événementiel ayant l'ambition d'organiser une foire internationale de la réalité virtuelle à Montréal.

Christian Eve-Levesque, pdg de SpherePlay, fait partie des entrepreneurs montréalais qui ont fait le même calcul. «La réalité virtuelle, ça demande des compétences qu'on a en abondance à Montréal», soutient-il. Issue de la dernière cohorte de l'accélérateur FounderFuel, SpherePlay a conçu une application mobile permettant de transformer n'importe quel téléphone Android en casque virtuel, pourvu qu'on le place dans un casque en carton tel que le Google Cardboard. Peu coûteux à produire, de tels casques ont déjà été distribués gratuitement dans le New York Times et dans les boîtes de céréales Kellogg's en Nouvelle-Zélande.Le marché de la réalité virtuelle devrait s’élever à 6,7 milliards de dollars américains en 2016 et à 70 G$ US en 2020. Source : TrendForce

Bertrand Nepveu, pdg de Vrvana, travaille sur son casque de virtuelle depuis déjà neuf ans. [Photo : Julien Brault]

Le côté sérieux de la réalité virtuelle

L'impact de la réalité virtuelle pourrait se faire sentir dans une grande variété d'industries, et pas seulement dans celle du jeu. Acheter un condo sur plan pourrait devenir une relique du passé, alors qu'il sera possible de visiter des modèles 3D physiquement avec le HTC Vive qui, grâce à ses caméras, permet à ses utilisateurs de se déplacer sans danger dans un univers virtuel.

Cette technologie pourrait aussi changer la manière dont les designers travaillent. Le logiciel Tilt Brush, de Google, que j'ai eu l'occasion d'essayer avec un HTC Vive sur la tête, est aussi facile à utiliser que Microsoft Paint, mais permet de dessiner en 3D. La montréalaise Hybridlab, pour sa part, a conçu un logiciel d'ébauches aux propriétés similaires, destiné aux firmes d'architecture et baptisé Hyve-3D. Contrairement à Tilt Brush, toutefois, le logiciel a été conçu pour être utilisé avec un écran incurvé plutôt qu'avec un casque.

La réalité virtuelle pourrait aussi faire baisser le coût des simulateurs, tout en les rendant plus réalistes. «Il y a beaucoup d'entreprises en simulation à Montréal, comme CAE, et il est évident que ce domaine bénéficiera beaucoup de la réalité virtuelle», lance Bertrand Nepveu, pdg de Vrvana, une start-up montréalaise qui a conçu un casque de réalité virtuelle haut de gamme destiné au marché des entreprises.

Grâce à ses caméras externes et à sa technologie d'imagerie, le casque de Vrvana permet d'allier la réalité augmentée à la réalité virtuelle. En d'autres termes, le casque peut transposer une couche virtuelle au champ de vision de l'utilisateur, de sorte qu'on pourrait imaginer un jeu faisant apparaître des zombies dans la maison. HoloLens, les lunettes de Microsoft dont le lancement ne surviendra pas avant 2017, devrait aussi offrir cette possibilité, mais en passant par un écran transparent plutôt que par des caméras.

Pour illustrer les avantages de son casque, Bertrand Nepveu évoque un programme de formation dont la dernière étape serait de piloter de la vraie machinerie avec un casque qui afficherait à l'utilisateur les gestes à accomplir et lui donnerait des conseils. À moins que, d'ici là, les robots nous aient déjà remplacés au bureau.

Suivez Julien Brault sur Twitter @julienbrault

À propos de ce blogue

DE ZÉRO À UN MILLION est le blogue de Julien Brault, qui a fondé la start-up Hardbacon en juin 2016. L’ancien journaliste de Les Affaires relate ici chaque semaine comment il transforme une idée en entreprise. Dans ce blogue, Julien Brault dévoile notamment chaque semaine ses revenus. Une démarche sans précédent qui est cohérente avec les aspirations de Hardbacon, qui vise à aider les gens à investir intelligemment en faisant voler en éclat le tabou de l’argent. Ce blogue sera ainsi alimenté jusqu’à ce que Hardbacon, qui n’avait aucun revenu lors de la publication du premier billet, génère un million de dollars en revenu annuel.

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