Ces Montréalais veulent livrer votre cerveau aux annonceurs

Publié le 15/01/2014 à 12:31, mis à jour le 15/01/2014 à 16:33

Ces Montréalais veulent livrer votre cerveau aux annonceurs

Publié le 15/01/2014 à 12:31, mis à jour le 15/01/2014 à 16:33

De gauche à droite, Guillaume Fortin, pdg de Neurométric, et son associé Louis-Alexandre Carrier.

La plupart des multinationales auraient recours au neuromarketing, une discipline hybride en explosion depuis 2008. C’est du moins ce que soutient Guillaume Fortin, doctorant en neurosciences à l’Université de Montréal, qui vient de fonder la boîte de recherches marketing Neurométric avec le publicitaire Louis-Alexandre Carrier. Leur ambition est d’initier les entreprises québécoises à cette approche. Ils ont accepté de m’expliquer les trucs du métier, bref, comment les neurosciences permettent aux entreprises de nous vendre toujours plus de trucs.

Concrètement, le neuromarketing permet de transcender les limites des recherches marketing traditionnelles, qui se contentent généralement d'interroger le consommateur via des groupes de discussions ou des sondages. Les adeptes du neuromarketing, quant à eux, mesurent les réactions du consommateur par l’entremise de critères moins subjectifs. Par exemple, ils peuvent mesurer les régions du cerveau qui s’activent grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).

Ces techniques ne permettent pas pour autant d’hypnotiser les consommateurs : « Ces outils-là ne contrôlent pas la pensée, mais permettent aux entreprises d’avoir des données supplémentaires pour prendre des décisions », fait valoir Guillaume Fortin, pdg de Neurométric. On est loin des messages subliminaux popularisés par une expérience menée dans une salle de cinéma américaine en 1957. Des messages invitant à boire du Coca-Cola, insérés dans le film à l’insu des spectateurs (car leur durée était trop courte), avaient alors significativement augmenté les ventes du produit.

Ce qu’ont en commun les crèmes L’Oréal et le crack

Guillaume Fortin a découvert le neuromarketing par hasard, en assistant à un congrès sur les neurosciences en 2010. Il a alors découvert que son expertise pourrait être utile dans ce domaine en ébullition. En effet, sa thèse de doctorat, qu’il compte déposer au courant des prochaines semaines, portera sur la dopamine, un neurotransmetteur associé à la motivation et aux récompenses. Notamment, la cocaïne et son cousin le crack multiplient l’effet de la dopamine, qui est par ailleurs essentielle au bon fonctionnement du cerveau.

Or, les marques veulent toutes être associées au plaisir, et les recherches en neuromarketing leur permettent de le faire avec plus de précision. Guillaume Fortin cite l’exemple de L’Oréal, qui est l’une des entreprises les plus avant-gardistes en matière de neuromarketing. L’entreprise aurait ses propres neurologues et aurait même dépensé des millions pour mettre la main sur des machines IRM, qui sont si coûteuses que les firmes comme Neurométric les louent généralement aux hôpitaux le soir, lorsqu’elles ne sont pas utilisées. [Mise à jour : Le pdg de Neurométric, Guillaume Fortin, tient à préciser que son entreprise n’utilise pas cette technologie.]

En testant ses produits sur des sujets, les chercheurs de L’Oréal se sont rendu compte qu’un simple changement de texture dans une crème avait pour résultat d’activer davantage les zones de plaisir chez les sujets. La molécule associée à cette texture aurait par la suite été utilisée dans de nombreuses autres crèmes de L’Oréal.

Le déficit d’attention des consommateurs

Au-delà du plaisir, le neuromarketing sert aussi à déterminer si un message ou un étalage dans une grande surface attirera l’attention du consommateur. L’attention du consommateur moderne, qui serait exposé à 1200 messages publicitaires par jour, est en effet difficile à capter. Les casques EEG, en mesurant l’activité électrique du cerveau, permettent de déterminer le degré d’attention des sujets. Guillaume Fortin explique qu’on peut ainsi mesurer l’efficacité d’une publicité en la présentant à des sujets équipés d’un tel casque.

L’oculométrie permet elle aussi aussi aux entreprises d’éviter de perdre l’attention du consommateur. Notamment, elle permet d’éliminer les distractions d’une page Web ou d’un lieu de vente, en mesurant le parcours du regard de sujets et ce qu’ils regardent le plus longtemps. De cette manière, on s’assure que le consommateur regarde avant tout le produit qu’on souhaite lui vendre ou encore qu’il comprenne comment payer sur un site Web au premier coup d’œil.

À propos de ce blogue

DE ZÉRO À UN MILLION est le blogue de Julien Brault, qui a fondé la start-up Hardbacon en juin 2016. L’ancien journaliste de Les Affaires relate ici chaque semaine comment il transforme une idée en entreprise. Dans ce blogue, Julien Brault dévoile notamment chaque semaine ses revenus. Une démarche sans précédent qui est cohérente avec les aspirations de Hardbacon, qui vise à aider les gens à investir intelligemment en faisant voler en éclat le tabou de l’argent. Ce blogue sera ainsi alimenté jusqu’à ce que Hardbacon, qui n’avait aucun revenu lors de la publication du premier billet, génère un million de dollars en revenu annuel.

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