Fiscalité : ne soyons pas des victimes consentantes

Offert par Les Affaires


Édition du 14 Octobre 2017

Fiscalité : ne soyons pas des victimes consentantes

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Édition du 14 Octobre 2017


À l’heure où le gouvernement canadien s’enorgueillit d’être le premier pays à obtenir de Netflix qu’elle investisse quelques millions dans la production locale, il y a quelque chose de salutaire de voir cette autre femme, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, se tenir debout une fois de plus devant les géants du Web. 
En août 2016, la Commission avait ordonné que l’Irlande récupère plus de 13 milliards d’euros (19 milliards de dollars) d’impôts impayés d’Apple. L’Irlande n’a pas obéi. La Commission s’est lassée d’attendre : «Nous avons décidé aujourd’hui [le 4 octobre] d’assigner l’Irlande devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-exécution de notre décision», a déclaré la danoise Margrethe Vestager. 
Le même jour, one-two-punch, elle annonçait que la Commission européenne exigeait d’Amazon qu’elle rembourse 250 millions d’euros (368 millions de dollars) au Luxembourg, où Amazon a son siège social européen. Par le jeu de «subventions déguisées», près de 75% des bénéfices d’Amazon aurait échappé à l’impôt. L’américaine dément. Le Luxembourg réfléchit. Margrethe Vestager poursuit. 
En poste depuis 2014, la commissaire fait pleuvoir les amendes sur les multinationales, tout particulièrement technologiques et américaines, pour échappatoires fiscales ou abus de position dominante. Elle a face à elle des armées d’avocats mandatés par ces entreprises; normal. Mais la fonctionnaire voit aussi se dresser devant elle certains États européens eux-mêmes, victimes complaisantes, voire consentantes, de l’optimisation fiscale. Des États qui estiment sans doute que l’investissement privé dans, disons, un nouveau siège social, vaut bien qu’ils se privent de percevoir leur juste part de taxes.
Le 21 septembre, la Commission européenne publiait un document de 11 pages [https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/1_en_act_part1_v10_en.pdf] visant à tracer la voie vers une imposition juste de l’économie numérique. Intention sous-jacente : unifier l’Europe sur cette question, pour que cessent les fuites dans ces États jugés complaisants (Luxembourg, Irlande, Pays-Bas, Malte, etc.). 
Selon Bruxelles, le taux d’imposition effectif des entreprises numériques dans l’Union serait deux fois moins élevé que celui appliqué aux entreprises traditionnelles et souvent bien inférieur. La Commission rapporte aussi qu’entre 2008 et 2016, les revenus des cinq plus gros détaillants en ligne ont augmenté de 32% par an, tandis que les revenus du secteur du commerce du détail européen gagnait 1% par an. Fait le lien qui veut. 
Ce n’est pas la première fois que Bruxelles tente de régler le problème. En 2016, par exemple, la Commission avait tenter d’harmoniser les règles fiscales en son sein. [http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/09/07/apres-l-amende-infligee-a-apple-la-commission-veut-accelerer-l-harmonisation-fiscale-europeenne_4993664_3214.html] Souhaitons que ses tentatives répétées aboutissent. Moderniser la fiscalité pour l’adapter à l’économie numérique est une urgence nationale. En Europe comme ici. Le Canada attendratil que l’Europe légifère ou bien auratil le courage d’être parmi les premiers sur la piste de danse ?

À l’heure où le gouvernement canadien s’enorgueillit d’être le premier pays à obtenir de Netflix qu’elle investisse quelques millions dans la production locale, il y a quelque chose de salutaire de voir cette autre femme, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, se tenir debout une fois de plus devant les géants du Web. 

En août 2016, la Commission avait ordonné que l’Irlande récupère plus de 13 milliards d’euros (19 milliards de dollars) d’impôts impayés d’Apple. L’Irlande n’a pas obéi. La Commission s’est lassée d’attendre : «Nous avons décidé aujourd’hui [le 4 octobre] d’assigner l’Irlande devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-exécution de notre décision», a déclaré la danoise Margrethe Vestager. 

Le même jour, one-two-punch, elle annonçait que la Commission européenne exigeait d’Amazon qu’elle rembourse 250 millions d’euros (368 millions de dollars) au Luxembourg, où Amazon a son siège social européen. Par le jeu de «subventions déguisées», près de 75% des bénéfices d’Amazon aurait échappé à l’impôt. L’américaine dément. Le Luxembourg réfléchit. Margrethe Vestager poursuit. 

En poste depuis 2014, la commissaire fait pleuvoir les amendes sur les multinationales, tout particulièrement technologiques et américaines, pour échappatoires fiscales ou abus de position dominante. Elle a face à elle des armées d’avocats mandatés par ces entreprises; normal. Mais la fonctionnaire voit aussi se dresser devant elle certains États européens eux-mêmes, victimes complaisantes, voire consentantes, de l’optimisation fiscale. Des États qui estiment sans doute que l’investissement privé dans, disons, un nouveau siège social, vaut bien qu’ils se privent de percevoir leur juste part de taxes.

Le 21 septembre, la Commission européenne publiait un document de 11 pages visant à tracer la voie vers une imposition juste de l’économie numérique. Intention sous-jacente : unifier l’Europe sur cette question, pour que cessent les fuites dans ces États jugés complaisants (Luxembourg, Irlande, Pays-Bas, Malte, etc.). 

Selon Bruxelles, le taux d’imposition effectif des entreprises numériques dans l’Union serait deux fois moins élevé que celui appliqué aux entreprises traditionnelles et souvent bien inférieur. La Commission rapporte aussi qu’entre 2008 et 2016, les revenus des cinq plus gros détaillants en ligne ont augmenté de 32% par an, tandis que les revenus du secteur du commerce du détail européen gagnait 1% par an. Fait le lien qui veut. 

Ce n’est pas la première fois que Bruxelles tente de régler le problème. En 2016, par exemple, la Commission avait tenté d’harmoniser les règles fiscales en son sein. Souhaitons que ses tentatives répétées aboutissent. Moderniser la fiscalité pour l’adapter à l’économie numérique est une urgence nationale. En Europe comme ici. Le Canada attendratil que l’Europe légifère ou bien auratil le courage d’être parmi les premiers sur la piste de danse ?

Julie Cailliau
Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.