Faisons de l’âgisme entrepreneurial

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Juillet 2017

Faisons de l’âgisme entrepreneurial

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Édition du 22 Juillet 2017

La saison est propice au ralentissement. Prenons donc le temps de voir à quoi ça peut bien servir, justement, de prendre son temps.

Je tente une réponse : principalement, prendre son temps permet de durer.

Prenez le cas de Saputo. Dans son reportage sur la multinationale québécoise, François Normand explique comment Saputo est passée d'une petite fromagerie familiale à un empire laitier. Une histoire qui a débuté en 1954. Oui, il y a 63 ans.

Ça peut sembler beaucoup, 63 ans, à notre époque. Ça peut même sembler exagéré. Maintenant que tout va vite et que les succès quasi instantanés se multiplient, Saputo n'est-elle pas un peu petite pour son âge ? Si on mesure la valeur accumulée par Facebook en une dizaine d'années, on serait porté à penser que le succès se bâtit désormais plus vite qu'avant.

Je n'en crois rien. En règle générale (et bravo à tous ceux qui l'infirmeront), le succès, le vrai, celui qui dure, nécessite du temps et de la patience.

Un bon indicateur que cet énoncé n'est pas loin de la vérité, c'est l'âge moyen des entreprises qui figurent dans notre classement annuel des 500 plus grandes entreprises du Québec. D'après les données colligées au printemps, les grands employeurs du Québec ont en moyenne 55,3 ans. Ce ne sont plus exactement des débutants... Bâtir une grande entreprise prend de nombreuses années.

C'est encore plus vrai si on prend l'échantillon des 50 plus grandes capitalisations québécoises à la Bourse : la moyenne d'âge du top 50 au Québec est de 62,8 ans, et Molson, fondée au 18e siècle, est la doyenne.

J'ai cherché quelques références internationales. Le Monde écrivait en mars que les 70 plus grandes capitalisations françaises à la Bourse étaient âgées de 137 ans. Il faut dire qu'avec une doyenne comme Saint-Gobain, fondée en 1665 par nul autre que Colbert, ministre de Louis XIV, la moyenne monte vite. Et le quotidien français de déplorer que l'écart se creuse entre une industrie française qui se fossilise et des États-Unis toujours plus dynamiques : les 150 plus grandes entreprises américaines cotées n'auraient plus «que» 91 ans.

Plus de gros succès rapides, plus de nouvelles venues sur les marchés, une économie qui se renouvelle de fond en comble. Très bien, j'en suis. Cependant, souhaitons qu'après la relève de la garde, la moyenne d'âge reparte à la hausse. Ce sera le signe que les nouvelles venues sauront braver les crises, comme leurs aïeules avant elles.

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.