Énergie : l’autre transition

Offert par Les Affaires


Édition du 24 Septembre 2016

Énergie : l’autre transition

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Édition du 24 Septembre 2016

Christoph Frei, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, était l’invité du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) le 15 septembre. [Photo : Sylvie-Ann Paré]

Derrière la transition énergétique qui nous fera passer – rapidement, espérons-le – des sources fossiles aux sources renouvelables, il y a une autre transition : celle du modèle commercial de tout un secteur.

Si je vous dis énergie, vous penserez sans doute Hydro-Québec, pétrolières, exploitants de champs d’éoliennes... Or, ces énormes acteurs sont maintenant flanqués d’une myriade de petits producteurs. « N’importe qui peut devenir un acteur dans le marché énergétique aujourd’hui », a lancé Christoph Frei, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, invité du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) le 15 septembre.

Les barrières à l’entrée disparaissent, et le coût marginal de production tend vers zéro, a-t-il expliqué. Des propos qui rappellent ceux tenus par l’auteur américain Jeremy Rifkin dans son livre The Zero Marginal Cost Society: The Internet of Things, the Collaborative Commons, and the Eclipse of Capitalism, paru en 2014. Les nouvelles technologies permettent à tout un chacun de produire, les prix chutent, les entreprises capitalistes traditionnelles écopent. Ceux qui étaient autrefois des consommateurs deviennent des producteurs, concurrents de leurs anciens fournisseurs. Avec pour résultat d’ébranler le modèle commercial des acteurs traditionnels. On l’observe dans le secteur de l’énergie, mais dans combien d’autres !

Un cas probant dans le secteur énergétique, selon Christoph Frei, est celui d’E.On. En janvier, le géant allemand a choisi de se délester de ses activités traditionnelles de production et de distribution d’énergie dans une nouvelle entreprise distincte, Uniper. E.On se concentrera désormais sur les sources d’énergie renouvelables, les réseaux d’énergie et les services aux consommateurs.

Un virage client semblable à celui pris par la française GDF Suez, qui ne se voit plus comme un fournisseur de commodités, mais comme un consultant en efficacité énergétique.

Cette nouvelle donne a toutefois le mérite d’ouvrir la voie à de petites entreprises innovantes. Par exemple, une vingtaine de start-up profitables alimentent en énergie des habitants de régions éloignées, un marché d’un milliard de personnes, selon Christoph Frei. Il cite l’exemple de Mobisol, une petite entreprise allemande qui vend des panneaux solaires à environ 300 $, permettant d’alimenter un frigo, un chargeur de téléphone et une télé. La beauté du modèle, c’est qu’il est parfaitement adapté aux habitants de régions hyperéloignées, souvent pauvres, car le paiement de l’installation se fait par des miniversements par téléphone cellulaire, étalés sur trois ans.

La décentralisation du secteur a aussi l’avantage de le rendre globalement plus résilient, par exemple vis-à-vis des catastrophes climatiques et du cybercrime. Si un gros producteur défaille, des milliers de foyers sont dans le noir. Si un petit producteur défaille, des milliers de ses pairs prennent le relais. « Le smart grid [réseau électrique intelligent] deviendra votre assurance contre le cyberrisque », dit Christoph Frei. Et, espère-t-il, un moyen d’accélérer la décarbonisation de l’économie.

Julie Cailliau 
Rédactrice en chef
julie.cailliau@tc.tc

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À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.