Penser autrement le logement autochtone

Publié le 17/10/2022 à 11:03

Penser autrement le logement autochtone

Publié le 17/10/2022 à 11:03

On ne doit pas exiger des Autochtones qui choisissent d’habiter dans leurs communautés des efforts plus grands que ceux demandés aux citoyens canadiens, pour des avantages comparables. (Photo: La Presse Canadienne)

BLOGUE INVITÉ. «La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent», est une phrase célèbre d’Albert Einstein qui s’applique parfaitement aux questions de logement pour les autochtones.

La crise du logement est encore pire dans les communautés autochtones qu’ailleurs au Canada et le surpeuplement dans les maisons entraîne tous les problèmes sociaux imaginables. Il faut agir!

Selon l’Assemblée des Premières Nations du Canada, des investissements de l’ordre de 60 milliards $ seraient nécessaires pour construire les infrastructures et les unités d’habitation requises pour satisfaire les besoins des communautés.

Au pays, on s’interroge à savoir si le logement est un droit pour les Autochtones et une obligation fiduciaire du fédéral en vertu de la Loi sur les Indiens. Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je doute qu’un gouvernement allongera autant de billets sur la table pour combler tous les besoins. La solution est ailleurs.

 

Les programmes actuels ne fonctionnent pas

La solution n’est pas dans les programmes en habitation, complètement dépassés. Parce que la Loi sur les Indiens interdit de saisir les biens d’un Indien situés dans une réserve, ces programmes exigent tous que les gouvernements locaux autochtones absorbent les pertes sur prêts à même leurs budgets d’exploitations, pourtant déjà insuffisants. Demanderait-on à la Ville de Montréal de cautionner toutes les hypothèques de ses citoyens? Poser la question c’est y répondre. Pourtant, c’est ce qu’on demande aux Autochtones.

Ces programmes ont pour limite — largement dépassée — la capacité financière des Premières Nations.

Qu’en est-il des programmes ponctuels de construction de maisons? Annoncés en grande pompe, à coup de centaines de millions de dollars, ils ne comblent qu’une infime fraction des besoins une fois ramenés dans chaque communauté. Sans compter le mauvais message que ces quelques maisons gratuites envoient à une majorité d’Autochtones qui n’auront pas cette chance. Un miroir aux alouettes qui détourne l’attention des vraies solutions.

 

L’habitation, une responsabilité partagée

La Société d’épargne des Autochtones du Canada (SÉDAC), en partenariat avec l’Association nationale des sociétés de financement autochtones (NACCA), offre une solution qui sort des sentiers battus en proposant que toutes les parties prenantes assument leur part de responsabilité, pour des résultats probants en matière de logement. Afin de changer de paradigme, la solution proposée pour améliorer l’état actuel du logement autochtone repose sur les postulats suivants :

  • La qualité des maisons doit refléter l’apport requis des propriétaires ou des locataires;
  • Les gouvernements autochtones doivent moderniser leurs politiques d’habitation et de gestion des terres pour que les membres qui en ont les moyens puissent se construire une maison;
  • Les prêteurs ne doivent plus compter sur l’endossement des gouvernements autochtones et ils doivent assumer une part de risque raisonnable et en accepter les conséquences;
  • Les financiers autochtones doivent livrer des solutions viables de financement du logement et solliciter le capital disponible sur les marchés financiers;
  • Le gouvernement fédéral doit établir des règles du jeu équitables en termes d’infrastructures, d’abordabilité du logement et d’accès au financement. Et les budgets en capital disponibles, au lieu d’être utilisés pour financer à 100% des nouvelles maisons, devraient plutôt servir comme levier pour attirer des capitaux privés afin de construire plus d’unités d’habitation.

On ne doit pas exiger des Autochtones qui choisissent d’habiter dans leurs communautés des efforts plus grands que ceux demandés aux citoyens canadiens, pour des avantages comparables.

Prévoyons une phase de transition pour soutenir la conception et la mise en œuvre de solutions durables pour permettre à toutes les parties d’assumer leurs responsabilités, tout en préservant l’esprit des traités et des obligations de la Couronne envers les Autochtones.

Il faut enfin garder à l’esprit que la mise en chantier de nouvelles unités d’habitation constitue un excellent stimulant pour l’économie locale en favorisant la création d’emplois et le démarrage d’entreprises reliées au secteur de la construction de même que celles qui y sont reliées en matière de fourniture de biens et de services. En réglant les problèmes reliés à l’habitation, on participe du même coup à l’effort de réconciliation économique avec les Autochtones.

Somme toute, tant pour les Autochtones que pour les financiers et le gouvernement, chaque partie prenante doit assumer sa part de responsabilité, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne laissée pour compte.

À propos de ce blogue

Jean Vincent, CSM, FCPA, FCA, GFAA (Québec) est président du conseil d’administration de la Société de crédit commercial autochtone (SOCCA). La société offre du financement commercial à des entreprises autochtones en phase de démarrage ou en expansion. Jean Vincent est aussi président du conseil d’administration de la Société d’épargne des Autochtones du Canada (SÉDAC). Cette société offre aux Autochtones des produits d’épargne et des prêts dans les secteurs immobilier, institutionnel et commercial. Jean Vincent a été vice-grand chef de la Nation huronne-wendat de 2008 à 2018. Il a participé à la création de la National Aboriginal Capital Corporations Association (NACCA) dont il est l’actuel président. Il a également été membre fondateur de l’Association des agents financiers autochtones du Canada et vice-président de son conseil d’administration. En début de carrière, il a travaillé pour la Banque Nationale du Canada et pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Jean Vincent a un brevet de pilote et il est membre de l’Association canadienne des propriétaires et pilotes d’aéronefs.

Jean Vincent
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