Villes: le problème de fond est la rémunération globale des salariés


Édition du 30 Août 2014

Villes: le problème de fond est la rémunération globale des salariés


Édition du 30 Août 2014

Même s'il est à la fois complexe et très mal reçu par les syndicats représentant les employés municipaux, le projet de loi sur la réforme de leurs régimes de retraite n'en est pas moins nécessaire.

Cela ne signifie pas que le projet de loi 3 doive être adopté tel quel et qu'il ne peut pas être amendé pour tenir compte de la situation particulière de municipalités ou de groupes d'employés. Toutefois, il serait plus évident de revoir certains éléments du projet de loi si les syndicats proposaient des assouplissements, au lieu de s'y opposer en bloc, de faire des menaces, d'intimider les élus et de vandaliser la propriété d'autrui. Bien sûr, il ne faut pas trop se surprendre de ces vieilles pratiques, car elles ont été payantes dans le passé.

De leur côté, les villes n'ont toujours pas les moyens de se défendre face aux manoeuvres musclées des syndicats. Elles n'ont pas droit au lock-out et, contrairement à Québec, ne peuvent pas forcer un retour au travail en cas de grève.

C'est ce qui explique que, selon une enquête de l'Institut de la statistique du Québec, la rémunération globale (salaires et avantages sociaux) des employés des grandes villes du Québec (25 000 habitants et plus) était de 37,9 % supérieure à celle des salariés du gouvernement du Québec en 2013. Par rapport à la rémunération globale des salariés du secteur privé, l'écart était de 39,6 % (17,2 % par rapport aux salariés syndiqués du secteur privé, et 47,3 % par rapport aux non-syndiqués).

Dans ces écarts, la composante «régime de retraite» est majeure : en 2013, ce poste comptait pour 22,9 % des salaires payés par les municipalités, en regard de 7,36 % pour le secteur privé et de 6,6 % pour le gouvernement du Québec.

Selon les dernières évaluations actuarielles, le déficit global des régimes de retraite de l'ensemble des employés municipaux atteignait 3,9 milliards de dollars, même si certains régimes affichaient des surplus.

Plusieurs causes expliquent cette situation : les retraités vivent plus longtemps que prévu ; certains régimes prévoient des prises de retraite après 25 ans de service ou à 55 ans ; les taux d'intérêt ont beaucoup baissé, ce qui nuit aux rendements escomptés des rentes à payer ; et l'impact de la crise financière, qui a plombé les rendements des placements. Les marchés financiers affichent de meilleurs rendements depuis quelques années, mais cela ne change pas l'enjeu fondamental de la rémunération excessive des employés municipaux, quand on la compare à celles d'autres salariés, et du coût grandissant de la composante «régime de retraite» dans leur rémunération.

Autre dimension à considérer : les régimes de retraite des employés municipaux offrent des rentes déterminées et garanties par l'employeur, qui assume aussi la totalité du déficit. Or, ces régimes sont en voie de disparition dans le secteur privé, où ils sont remplacés par des régimes à cotisations déterminées, qui font assumer le risque de la rente par les salariés. Les rentes, qui ne sont pas garanties, dépendent du rendement des placements.

De plus, comme la moitié des travailleurs québécois n'ont pas de régimes de retraite d'employeur, il va sans dire que l'absorption de la totalité des déficits des régimes de retraite municipaux par les contribuables pose un problème d'équité.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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