Projet abusif et inutile
Quel que soit le nom qu'on lui donne, le dispositif proposé par Ottawa représente un abus de pouvoir et une intrusion dans les affaires des provinces. En effet, cela va à l'encontre du fédéralisme canadien, qui repose sur le respect des compétences respectives des deux paliers de gouvernement.
C'est aussi un projet inutile, car le «régime passeport» qu'ont créé les autorités provinciales (à l'exception de l'Ontario pour une raison évidente) pour permettre aux émetteurs de ne faire affaire qu'avec un seul régulateur fonctionne très bien. Les autorités des provinces se sont aussi dotées d'outils très efficaces, comme Sedar, pour la divulgation de l'information financière, et l'ACVM (Autorités canadiennes des valeurs mobilières), pour la réglementation.
De plus, le système canadien a été reconnu comme très performant par plusieurs organisations, dont la Banque mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économiques, Lex Mundi et le Fonds monétaire international, qui l'ont souvent classé devant les systèmes plus centralisés des États-Unis et du Royaume-Uni.
Est-il nécessaire de rappeler que les deux pays qui ont le plus durement souffert de la crise financière de 2008 ont été les États-Unis et le Royaume-Uni ? Leurs banques ont dû être renflouées massivement par leur gouvernement pour éviter la faillite. Les produits dérivés à l'origine de cette crise ont été émis avec la bénédiction de la Réserve fédérale américaine et de la Commission des valeurs mobilières des Etats-Unis. Enfin, de tous les pays du G7, le Canada est celui dont le système financier a le mieux résisté à la crise.
Vraiment, rien ne justifie ce nouveau projet d'intrusion fédérale dans les compétences des provinces. S'il voit le jour, il affaiblira encore le peu de marge de manoeuvre que possède le Québec pour développer son marché des capitaux et espérer protéger davantage ses sièges sociaux. En prime, il donnera un argument de plus aux tenants de la souveraineté. Comme l'Alberta, le Québec doit donc continuer de s'y opposer farouchement.