Valeurs mobilières : échafaudage réglementaire abusif du fédéral


Édition du 19 Juillet 2014

Valeurs mobilières : échafaudage réglementaire abusif du fédéral


Édition du 19 Juillet 2014

Après s'être fait dire par deux cours d'appel et par la Cour suprême que son projet de loi créant une commission nationale des valeurs mobilières était inconstitutionnel et injustifié, le gouvernement Harper revient à la charge par la porte d'en arrière.

À la suite de l'ex-ministre des Finances Jim Flaherty, qui avait rebaptisé son projet de «régime coopératif», voilà que son successeur, Joe Oliver, annonce que la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick ont adhéré à l'idée, à laquelle avaient précédemment souscrit l'Ontario et la Colombie-Britannique. Fort de l'appui de quatre provinces qui représentent un peu plus de 50 % du marché des capitaux, Joe Oliver a annoncé la présentation prochaine d'un nouveau projet de loi.

L'appui des deux dernières provinces au régime fédéral ne s'est toutefois pas fait dans la gloire. Le ministre a en effet ajouté à la structure de gouvernance du nouveau régime «deux régulateurs en chef adjoints pour tenir compte des petites provinces». L'un d'eux représentera les petites provinces de l'Ouest et des Territoires du Nord-Ouest et sera en poste en Saskatchewan, et l'autre représentera les provinces de l'Atlantique et sera établi au Nouveau-Brunswick.

Voilà deux beaux petits cadeaux qui permettront aux gouvernements de ces provinces d'expliquer à leurs citoyens pourquoi ils ont accepté le plat de lentilles offert par Ottawa. Évidemment, ces deux provinces ne pèsent pas lourd dans le dispositif canadien de régulation des marchés des capitaux, contrairement au Québec et à l'Alberta, qui contrôlent 40 % de ce marché et qui continuent de s'opposer au projet.

Il y a du pour et du contre dans cet enjeu, mais l'acharnement fédéral repose sans doute surtout sur son désir de gagner des votes en Ontario. En même temps, il renforcerait la capitale financière canadienne, Toronto, qui hériterait du nouvel organisme.

Ottawa fait valoir que le Canada est le seul pays du G7 à ne pas avoir de régulateur national de ses marchés financiers et qu'une telle commission lui permettrait de mieux se coordonner avec les autres pays sur le plan de la surveillance des marchés des capitaux et de la lutte à la criminalité financière. Ottawa prétend qu'une structure centralisée permettrait d'attirer plus de capitaux étrangers au Canada et de faciliter le financement des entreprises. Ce n'est pas sûr.

Ottawa estime également que l'industrie bénéficierait d'économies d'échelle, mais il s'agit probablement là d'une fumisterie, puisque l'organisme fédéral aurait aussi au moins six bureaux régionaux, qui s'ajouteraient aux organismes existants. Ottawa créerait aussi un tribunal d'arbitrage et un mécanisme de gestion du risque systémique (effondrement du marché provenant de la faillite d'un géant de la finance), un enjeu mentionné par la Cour suprême.

Or, ce risque est déjà surveillé par les autorités existantes. En effet, comme l'a fait Ottawa pour les grandes banques, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a identifié Desjardins comme représentant un risque systémique et a accru sa surveillance du groupe financier québécois.

Projet abusif et inutile

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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