BLOGUE. Le vérificateur général du Québec vient de dénoncer plusieurs manquements qui auraient pu être évités si une bonne gouvernance avait été en place et si on avait appliqué de bonnes pratiques de gestion.
Voyons comment ces déficiences ont nui à Tourisme Montréal, à l'Agence métropolitaine de transport (AMT) et au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).
Tourisme Montréal (budget de 33 M$, 78 employés) : La rémunération globale excessive (398 000 $) du pdg, ses dépenses de déplacement et de représentation élevées, son allocation de voiture, alors qu'on lui en fournissait une, et son indemnité de départ indécente (654 000 $, plus une adjointe et un bureau pendant trois ans) n'auraient été connus que partiellement du président du CA. C'est inadmissible.
C'est une grave erreur que cette information n'ait pas été partagée avec les autres administrateurs. Comme la transparence est essentielle à une bonne gestion, on peut conclure que la gouvernance de Tourisme Montréal était très déficiente. Pourquoi les autres membres du CA ont-il pu accepter cela ? Ne se sentaient-ils pas redevables ? Ils l'étaient, certes, mais ils semblaient ne pas le savoir.
Agence métropolitaine de transport : La gouvernance de cette agence est organiquement déficiente. Son CA est composé de sept personnes : le pdg, qui assume aussi la présidence du conseil, trois représentants des villes, qui sont en conflit d'intérêts par définition, et trois administrateurs indépendants non rémunérés.
L'agence a un comité d'audit, mais aucun comité de gouvernance et d'éthique, de ressources humaines ou de gestion de projets d'infrastructures. Le CA n'a jamais endossé les grands projets en cours de l'Agence. Il approuve toutefois le plan triennal des infrastructures et les contrats de 250 000 $ et plus. L'information qui lui est transmise est incomplète et parfois différente des documents internes de l'organisation. Une demande d'examen des contrats deux fois par année, qui a été faite en février 2009 au vérificateur interne, est restée lettre morte jusqu'en 2013.
À sa défense, l'AMT a demandé en vain aux trois derniers ministres des Transports de revoir sa gouvernance, notamment en éliminant de sa loi le cumul de fonctions à la présidence et en augmentant le nombre d'administrateurs indépendants. Leur indifférence témoigne de leur manque d'intérêt pour doter l'AMT d'une gouvernance adéquate.
Centre hospitalier de l'Université de Montréal (budget de 900 M$, effectif de 12 000 personnes, projet d'immobilisations de 2 G$) : Précisons que les erreurs reprochées au CHUM n'ont rien de comparable avec celles du Centre universitaire de santé McGill, dont des ex-dirigeants sont accusés de fraude.
Le principal reproche fait à la gestion du CHUM a trait au fait que son directeur général gagne 430 000 $, alors que le gouvernement autorise un maximum de 350 000 $. Cette rémunération, qui n'est pas exagérée, a été établie par l'ancien président du conseil, sans que les autres membres du CA aient été informés des détails, et par l'ancien doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, où le directeur général du CHUM devait être professeur (cela ne s'est pas produit). La Fondation du CHUM aurait aussi contribué à sa rémunération pour une somme de 30 000 $, ce qui est contraire à sa mission. Le CA a approuvé de renouveler son contrat pour un an, alors qu'une clause prévoyait plutôt un renouvellement de quatre ans.
On reproche aussi au CHUM de payer des salaires trop élevés à des cadres et de manquer de rigueur dans la gestion des frais de déplacement et de représentation.
Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, menace de mettre le CHUM sous tutelle et demande de régler le cas du directeur général. Au lieu de cela, il aurait dû ajuster sa rémunération et travailler à améliorer la gouvernance de l'institution afin que les erreurs administratives du passé ne se répètent pas. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le CHUM n'avait pas jusqu'à récemment de vérificateur interne.
Même si elle est régie par une loi, la gouvernance du CHUM est déficiente, car son CA est formé de 10 personnes désignées par des groupes d'intérêt, qui ne se voient pas comme mandataires de l'institution, et de 10 bénévoles indépendants et non rémunérés.
Cette déficience s'observe dans les autres hôpitaux, les universités, les organismes publics et la majorité des sociétés d'État. La saine gouvernance est incontournable, et il urge que l'État mette sa maison en ordre.