Trump multiplie les sanctions pour accroître son impérialisme


Édition du 04 Mai 2019

Trump multiplie les sanctions pour accroître son impérialisme


Édition du 04 Mai 2019

CHRONIQUE. Le 2 mai 2019 est une date à inscrire dans la croisade du président des États-Unis, Donald Trump, pour accroître davantage l'impérialisme de son pays.

Déjà frappées par des tarifs douaniers injustifiés, l'outil économique fétiche du président américain, nos entreprises doivent maintenant composer avec des risques supplémentaires.

Le premier risque vise les entreprises qui font des affaires avec Cuba. Le Canada en compte un grand nombre, mais celles-ci sont réticentes à s'afficher, sachant que les États-Unis surveillent les sociétés étrangères qui y font des affaires. Le Canada a voté, en 1985, la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) pour protéger ses entreprises de l'embargo commercial américain de 1962 contre Cuba, mais les filiales canadiennes de sociétés américaines ne peuvent pas être réellement protégées par cette loi.

La dernière décision du gouvernement américain à l'égard de Cuba est de mettre en vigueur le chapitre III de la loi Helms-Burton de 1996. Selon ce chapitre, tout propriétaire d'un bien confisqué par le gouvernement de Fidel Castro après sa prise du pouvoir en 1959 pourra désormais revendiquer sa rétrocession. Les États-Unis estiment que 8 milliards de dollars américains de biens ont ainsi été recensés et certifiés, et qu'il y en aurait d'autres pour des dizaines de milliards de dollars. Devant les protestations d'Ottawa, qui a fait valoir la portée de sa LMEE, les États-Unis ont indiqué qu'il n'y aurait pas d'exception.

Cela veut donc dire que toute entreprise canadienne qui posséderait des actifs à Cuba devient susceptible d'être poursuivie pour le retour de cet actif ou pour une compensation à sa valeur d'aujourd'hui. Les personnes les plus sujettes à intenter un tel recours sont des Cubains qui ont quitté Cuba après la révolution et qui résident principalement en Floride. Ceux-ci appuient le Parti républicain, qui s'est toujours opposé à la levée de l'embargo. Le président Obama a rétabli les relations diplomatiques avec Cuba en 2015, il s'y est rendu en 2016 et il a permis certaines ouvertures pour favoriser les échanges, mais Trump a freiné ces ouvertures.

Il y a donc lieu pour les sociétés canadiennes d'être très prudentes dans leurs relations d'affaires avec Cuba. Cette intervention extraterritoriale des États-Unis est un tout petit exemple de l'impérialisme grandissant des États-Unis dans les affaires des autres pays.

Le blocus pétrolier contre l'Iran

L'autre décision américaine qui est entrée en vigueur le 2 mai est l'instauration de nouvelles sanctions à l'endroit de cinq pays - la Chine, la Turquie, la Corée du Sud et l'Inde, le Japon - qui achètent du pétrole iranien. Ils s'en procureraient pour 50 G$ US par année. Si ces exportations sont réellement bloquées, il pourrait s'ensuivre des difficultés d'approvisionnement pour certains pays et des pressions à la hausse sur les prix des produits pétroliers.

Ce blocus s'ajoute à d'autres sanctions américaines touchant d'autres secteurs (l'aéronautique, l'automobile et l'énergie notamment) et qui auraient déjà fait perdre 10 G$ US à l'Iran. Le gouvernement Trump s'est retiré en mai 2018 de l'accord signé en juillet 2015 avec l'Iran, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Donald Trump veut étouffer l'Iran, un ennemi juré de l'Arabie Saoudite, à qui il veut vendre davantage d'équipements militaires.

La plaie des sanctions extraterritoriales

Les mesures que prennent certains pays généralement au nom de leur sécurité nationale ou encore pour lutter contre le terrorisme et le blanchiment d'argent sont aussi devenues des outils d'intervention politique et économique.

Pour les États-Unis, qui en sont les grands champions, ces sanctions permettent d'étendre leur impérialisme. Leur outil pour ce faire est le dollar américain, qui est de loin la monnaie la plus utilisée au monde dans les transactions financières. Les États-Unis ont, depuis 2018, un nouvel outil, le Cloud Act, qui leur donne accès aux données hébergées par tout serveur américain, peu importe sa localisation.

Ces sanctions sont de deux types. Les sanctions primaires visent les sociétés américaines qui font affaires avec les pays sanctionnés. Les sanctions secondaires, qui ont beaucoup plus de portée, visent les personnes et les sociétés de tiers pays. Comme les grandes transactions sont financées et se font en dollars américains, les États-Unis ont la capacité d'identifier les sociétés qui ne les respectent pas et d'imposer les pénalités qu'ils jugent appropriées. C'est ce que les Européens appellent le US Nexus, ou «lien de rattachement». C'est aussi ce qui a permis d'imposer une pénalité record de 8,9 G$ US à BNP Paribas en 2015 pour avoir facilité l'exportation de pétrole iranien entre 2004 et 2012.

Il n'y a pas de moyens juridiques pour bloquer l'impérialisme de Trump. La solution est politique et elle ne pourra venir que du peuple américain.

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J’aime
Selon un relevé de ­La ­Presse, il s’est fait, en un peu plus de deux ans, plus de 48 000 chirurgies d’un jour, endoscopies ou autres procédures, dans trois cliniques privées spécialisées, soit Rockland ­MD, ­Opmedic et ­Chirurgie ­DIX30, au coût total de près de 44 M$. Ces interventions sont faites à l’heure prévue et répondent parfaitement aux attentes des patients. Il n’y a aucune raison de ne pas les maintenir.

Je n’aime pas ­
Le ministère de la ­Justice du ­Québec ne compte pas les requêtes en arrêt des procédures en matière criminelle pour délais déraisonnables. Des procès très importants sont ainsi avortés, alors que des accusés sont l’objet de délais insensés. Consternant !

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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