Tensions sociales et espoirs déçus à prévoir chez nos voisins


Édition du 19 Novembre 2016

Tensions sociales et espoirs déçus à prévoir chez nos voisins


Édition du 19 Novembre 2016

[Photo : 123RF/Christopher Penler]

Après le tremblement de terre électoral du 8 novembre, certains se consolent en se disant qu'une fois en fonction, le président élu Donald Trump sera moins radical et moins hargneux, qu'il sera plus réaliste face à ses engagements simplistes, bref qu'il deviendra plus présidentiable.

C'est rêver en couleur. Trump a toujours été un narcissique, un menteur, un vaniteux, un xénophobe et un misogyne, des traits de personnalité qui ne peuvent pas être effacés du jour au lendemain. Puisqu'il ne doit son élection à personne, il cherchera à régner en maître absolu. Il semble d'ailleurs voir le gouvernement américain comme sa propre chose, puisqu'il a nommé trois de ses enfants et son gendre au comité de transition, dont la mission est de l'aider à choisir les ministres et les hauts fonctionnaires de son gouvernement.

Il aura du mal à accepter les conseils des autres, qu'il considère généralement comme moins intelligents que lui, ce qui n'est pas rassurant. N'a-t-il pas dit qu'il savait mieux que les généraux comment vaincre l'État islamique ? Il risque toutefois d'avoir des différends avec le Congrès, où il a des ennemis, ce qui créera des tensions dans la gestion de l'État américain.

Trump devra respecter un bon nombre de ses promesses électorales, même si plusieurs d'entre elles sont farfelues. Il tiendra les engagements qui serviront ses intérêts et qui rassureront la droite de son parti, comme les baisses d'impôt pour les riches et les entreprises, l'augmentation des investissements dans les infrastructures, le gel de l'emploi dans la fonction publique fédérale, la privatisation de services publics et probablement le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique.

Trump a fait du remplacement de l'Obamacare une de ses grandes promesses, mais il ne pourra priver d'assurance maladie des millions de familles qui ne bénéficient pas d'un tel service de leur employeur. Il a aussi promis de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais, là encore, le résultat pourrait être plus cosmétique que réel. En effet, de nombreuses entreprises industrielles américaines s'approvisionnent en composants fabriqués dans des milliers d'usines mexicaines.

Freiner les exportations mexicaines accroîtrait le prix de nombreux produits américains et les rendrait moins concurrentiels à l'exportation. S'il visitait des usines d'assemblage de voitures, Trump se rendrait compte que les emplois disparus ont été remplacés par des robots qui font un travail impeccable en plus de coûter beaucoup moins cher. Il ne voudra pas rendre cette industrie moins concurrentielle.

Même chose pour d'autres grandes industries. Le mur tant promis à la frontière du Mexique pourrait bien n'être qu'un muret... payé par l'oncle Sam !

Trump a promis de rouvrir les mines de charbon pour produire l'électricité thermique. Or, c'est le marché qui a engendré le remplacement du charbon par le gaz de schiste. Et il a aussi dit qu'il voulait accroître la production de ce gaz. On peut donc croire que les mines de charbon ne seront pas relancées.

Trump a dit vouloir semoncer la Chine sur la valeur dépréciée de sa monnaie, mais ses propres entreprises ne profitent-elles pas du bas prix de l'acier chinois, tout comme l'immense industrie américaine de la construction ? Même sa fille Ivanka fait fabriquer en Chine des produits de consommation qu'elle distribue dans les réseaux de détail américains.

Il faut s'attendre à beaucoup de déception parmi les chômeurs qui, en votant pour Trump, ont pensé qu'ils allaient récupérer leur emploi.

Les riches seront épargnés

Après quelques hésitations, les marchés financiers ont compris que l'auteur de Trump, the Art of the Deal aimait, comme eux, négocier, brasser des affaires, faire de l'argent. Ils y ont vu de nouvelles occasions de faire davantage de fric et de payer moins d'impôt.

Trump doit aussi alléger la réglementation de l'industrie bancaire, réduire le rôle de l'État et éliminer des irritants environnementaux. Malgré ses promesses, il ne faut pas penser qu'il réduira l'influence de Wall Street, qui a ses appuis au Congrès. Autre indicateur de ce que sera la présidence de Trump, son équipe de transition comprend plusieurs lobbyistes de grandes industries (télécommunications, énergie, finance, transport, etc.) qui veillent déjà aux intérêts de leurs maîtres. Cela commence mal pour quelqu'un qui a promis de vider Washington de ses lobbyistes. Si changement il y a, les riches en seront épargnés.

Les laissés-pour-compte, les indignés d'Occupy Wall Street et les désespérés de la classe moyenne, qui ont vu en Trump le sauveur de leur pays (certains l'ont même vu comme l'envoyé de Dieu), constateront qu'ils se sont fait avoir une autre fois. Déjà, des tensions sociales sont exacerbées à la fois par des racistes qui se croient libres de harceler les gens de couleur et par des électeurs déçus qui manifestent leur colère.

Bref, rien de rassurant au cours des prochaines années pour nos voisins du Sud.

J'aime

Le programme BioMed Propulsion, que vient de lancer le gouvernement du Québec, offrira des prêts de 500 000 $ à 10 millions de dollars aux PME des secteurs de la biotechnologie humaine et des technologies médicales pour les aider à commercialiser leurs découvertes. Excellent !

Je n'aime pas

Les deux navires que la Société des traversiers du Québec (STQ) fait construire par Chantier Davie pour relier Baie-Sainte-Catherine et Tadoussac pourraient coûter 100 M$ de plus que les 125 M$ prévus selon le contrat clés en main. Non seulement Davie ne respecte pas l'échéancier prévu, mais elle demande au gouvernement du Québec de payer ce dépassement. Un compromis aurait été proposé : l'achat par Davie des bateaux, qu'elle louerait ensuite à la STQ. Puisque le diable est dans les détails, n'y a-t-il pas un danger que les contribuables se fassent avoir une autre fois ?

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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