Pour justifier son projet, le ministre a aussi dit qu'il s'était inspiré du modèle Kaiser Permanente (KP), un système intégré de soins considéré comme très efficace surtout dans l'ouest des États-Unis. C'est de la poudre aux yeux.
Voyons ce qu'il en est. Le KP est un système privé à but non lucratif regroupant plus de 9 millions de membres, 17 000 médecins, 43 000 infirmières, 167 000 employés, 38 hôpitaux et 600 cliniques. Il est cogéré par trois parties : la Kaiser Foundation, l'assureur des soins ; les hôpitaux ; et les médecins. Pour limiter les soins, la prévention des maladies est une priorité. Afin de limiter les coûts, les patients sont d'abord dirigés vers des cliniques plutôt que vers des hôpitaux. Les médecins du KP sont salariés et admissibles à un petit boni annuel basé sur des résultats collectifs. Contrairement au système québécois, le KP n'incite pas à la surconsommation de soins.
Les médecins associés au modèle KP sont intimement liés à la cogestion de l'organisation et sont imputables des services de santé préventive et curative du groupe dont ils sont responsables. À l'opposé, nos médecins sont des entrepreneurs payés à l'acte, et leurs rapports avec l'État s'exercent surtout par l'intermédiaire de leurs syndicats. Ils n'ont pas de responsabilité collective à l'égard de la santé de la population, qui reste l'apanage de l'État, et qui, en raison de leur mode de rémunération, serait un enjeu majeur dans une vraie réforme de notre système.
Il est probable que le projet de loi 10 ne soit qu'un élément d'un ensemble plus substantiel. Or, il serait important de le savoir, ce qui pourrait aider à mieux comprendre la vision du ministre. Si ce projet n'est pas amendé substantiellement, il risque d'être beaucoup plus nuisible que porteur relativement à l'efficacité de notre système de santé. Le ministre doit faire acte d'humilité et considérer l'adoption de plusieurs suggestions qui lui ont été faites.