De tous les rapports de commissions, de comités, de groupes de travail et les livres blancs produits depuis 50 ans sur la fiscalité au Québec, aucun n'a présenté une étude aussi globale et un ensemble de recommandations d'aussi grande portée que celui de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise qu'a présidée le fiscaliste Luc Godbout.
Tous les aspects de la fiscalité québécoise ont été analysés, ce qui explique que les 71 recommandations de ce rapport de 700 pages touchent des enjeux qu'aucun gouvernement n'a osé attaquer jusqu'à maintenant. Par exemple, celui de trouver un meilleur équilibre entre l'impôt sur le revenu des particuliers et les taxes à la consommation, et celui de faire le ménage dans des dizaines de mesures fiscales disparates qui ont souvent été mises en place pour plaire à des clientèles particulières, dont la finalité est parfois discutable ou qui constituent des privilèges.
Impacts importants
Les impacts des mesures proposées sont majeurs : les particuliers verraient leur impôt baisser de 4,4 milliards de dollars (soit 3,4 G$ découlant du réaménagement des tables d'impôt, 734 millions de dollars résultant de l'abolition de la taxe santé et 225 M$ provenant de la hausse du montant personnel).
Pour payer cela, on propose de faire passer la taxe de vente de 9,975 % à 11 %, d'accroître les taxes sur le tabac, la bière, l'alcool et les voitures de 50 000 $ et plus, et de hausser en deux ans de 0,8 cent le kilowattheure (kWh) le tarif sur le bloc patrimonial d'électricité, de l'indexer par la suite et d'ajouter une taxe de 10 % sur l'excédent de 80 kWh par jour.
Les entreprises bénéficieraient d'une diminution de leur facture fiscale nette de 1,1 G$, résultant d'une baisse du taux d'impôt de 11,9 à 10 % des bénéfices, de la réduction de la taxe sur la masse salariale de 2,7 à 1,6 % (- 430 M$) et d'une hausse globale de 500 M$ de leur facture d'électricité.
Le rapport a été bien reçu par plusieurs observateurs et leaders d'opinion, qui y ont vu une réflexion intelligente et fondée sur l'utilisation de la fiscalité pour relever des enjeux importants de l'économie québécoise : sa faible croissance, une fiscalité qui décourage le travail des bénéficiaires de crédits sociofiscaux (prime au travail, crédit d'impôt pour la solidarité, etc.), la taxation excessive du travail, le sous-investissement des entreprises, le fardeau fiscal excessif de la classe moyenne ainsi que l'évasion et l'évitement fiscaux.
Si elle était adoptée dans sa totalité, la réforme produirait, selon la commission, des retombées importantes : 1,9 G$ de croissance du PIB, 592 M$ de revenu disponible (ce qui reste dans les poches des contribuables après paiement des impôts et des taxes), 484 M$ d'investissements par les entreprises et 20 505 emplois créés. Toutefois, ces montants sont théoriques, puisqu'il est sûr que toutes ces mesures ne seront pas mises en place globalement.
Le rapport est audacieux et novateur. Il propose en effet plusieurs mesures favorables aux contribuables les moins fortunés et de la classe moyenne : hausse du revenu exonéré d'impôt de 14 281 $ à 18 000 $, prime au travail accrue, hausse de 310 M$ du crédit d'impôt pour la solidarité, introduction d'un bouclier fiscal pour réduire le taux implicite d'imposition des revenus de travail jusqu'à 75 000 $, baisse de 1 000 $ à 2 000 $ de l'impôt à payer pour un couple avec deux enfants gagnant moins de 100 000 $, grâce au réaménagement de la table d'imposition, qui passe de quatre à neuf échelons.