Profitons de l'après-COVID-19 pour s'attaquer résolument à la persévérance scolaire


Édition du 19 Janvier 2022

Profitons de l'après-COVID-19 pour s'attaquer résolument à la persévérance scolaire


Édition du 19 Janvier 2022

(Photo: Jeswin Thomas pour Unsplash)

CHRONIQUE. Comme ce fut le cas dans le secteur de la santé, la COVID-19 a eu des répercussions importantes dans les services d’éducation.

Après avoir annoncé en mars 2020 que les élèves de nos écoles primaires et secondaires allaient pouvoir prendre des « vacances » et que des trousses pédagogiques allaient être envoyées aux parents et mises en ligne, ce n’est qu’à partir du 11 mai que les élèves du primaire ont pu retourner en classe. Les élèves du secondaire ont eu des cours à distance jusqu’à l’été et sont retournés en classe en septembre 2020. Dans les cégeps, l’enseignement à distance a prévalu pendant toute l’année scolaire 2020-2021.

L’enseignement à distance a présenté un défi énorme à la fois pour les élèves, qui devaient être rivés à leur écran plusieurs heures par jour, pour les parents, qui, souvent, travaillaient eux aussi à la maison, et pour les enseignants qui ont dû maîtriser de nouvelles technologies et garder l’attention de leurs élèves.

Puisque le système d’éducation n’était pas prêt à affronter une telle situation, il en résultera des dommages, tant sur le plan des apprentissages qu’en ce qui a trait à la persévérance scolaire. Dans les cégeps, les abandons de cours ont été nombreux.

 

Succès et décrochage 

Alors que nos élèves du secondaire se classent parmi les meilleurs au monde dans l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) en mathématique (cinquième rang mondial), en science (huitième rang) et en lecture (neuvième rang) selon les tests de 2018, le Québec affiche le plus faible taux de diplomation au secondaire du Canada (selon des données de 2013 à 2017). Par exemple, les taux de diplomation des élèves de l’Ontario ont été de sept à neuf points de pourcentage supérieurs à ceux du Québec au cours de cette période. Autre constat alarmant, un élève du Québec sur quatre n’a pas obtenu son diplôme d’études secondaires dans les temps prévus en 2017, soit 28 % de plus que l’Ontario.

Ces données sont tirées d’un petit livre super intéressant. Intitulé «Réflexions d’un directeur d’école pour injecter une dose de persévérance scolaire au Québec», il a été écrit par David Bowles, directeur général du collège Charles-Lemoyne, un établissement sans but lucratif qui accueille 3000 élèves du préscolaire jusqu’à la cinquième secondaire dans deux campus de la Rive-Sud, dans la région de Montréal. Ce collège se fait un devoir d’admettre au secondaire 40 % d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Tous les élèves du secondaire doivent choisir une concentration sportive, artistique ou scientifique. Des programmes de sports-études et d’éducation internationale y sont offerts.

 

Vivre la persévérance 

L’ouvrage de David Bowles est une remarquable analyse des pratiques et de certaines lacunes du système scolaire, pour lesquelles l’auteur propose des solutions concrètes et simples, tout en étant relativement faciles à mettre en place avec la pleine collaboration de l’ensemble des acteurs : les enseignants, les bureaucrates du système et le pouvoir politique.

L’espace limité de cette chronique ne permet pas de traiter les 55 recommandations formulées par David Bowles. Certaines sont en lien avec l’après-COVID-19 et requièrent de l’investissement dans l’aide, la récupération et le rattrapage pour les élèves en difficulté. Pourquoi ne pas organiser des camps pédagogiques au cours des prochains étés ?

Des recommandations visent les enseignants : valoriser davantage la profession, accroître leur rémunération, rémunérer leurs stages, les évaluer rigoureusement avant de leur donner leur permanence, accompagner les nouveaux professeurs, les jumeler à des enseignants d’expérience, assurer leur formation continue.

Puisque le décrochage touche surtout les élèves en difficulté, il faut plus de techniciens en éducation spécialisée à tous les échelons, des CPE jusqu’à la fin du secondaire. Et pour s’assurer de faire le suivi des plans d’intervention à tous les échelons aussi, l’auteur propose de créer pour chaque élève un dossier électronique qui sera accessible à toutes les étapes de son parcours scolaire de façon à ne rien échapper à toutes les phases de son accompagnement.

Pour les garçons, qui décrochent davantage, l’auteur propose de créer des compétitions et des concours, de les suivre davantage dans les activités de sports-études, de leur fournir des tuteurs. Cela a été testé et ça marche. D’ailleurs, le suivi attentif de TOUS les élèves et leur accompagnement sont au cœur de la démarche éducatrice de David Bowles. Rien de sorcier là-dedans !

À l’instar des programmes de DEC-BAC (reconnaissance de cours menant à des DEC dans les études menant au BAC) dans certaines formations techniques, l’auteur propose des programmes DEP-DEC pour permettre à des étudiants dans certains métiers d’accéder à des études menant à un diplôme d’études collégiales. Pour ne pas décourager des élèves à risque qui se dirigent vers un DEP, l’auteur suggère d’éliminer certains cours prérequis. Il faut aussi rendre plus accessibles les écoles dites pour adultes, qu’il propose de renommer. En effet, au lieu de condamner des élèves au décrochage, pourquoi ne pas consentir à certains accommodements ? N’y a-t-il pas trop de rigidité dans certains programmes ? Ne vaudrait-il pas mieux en revoir certains pour sauver des élèves sur le point de devenir des marginaux et des chômeurs chroniques ? Ne manque-t-on pas de main-d’œuvre ?

Pour s’attaquer résolument à des réformes qui visent vraiment la réussite, il faut sortir des sentiers battus, s’affranchir des acquis, tuer les vaches sacrées. Il est aberrant que les réformes de programmes prennent des années, quand elles ne sont pas abandonnées en cours de route. Manquerait-on de courage et de conviction ?

Les réflexions de David Bowles s’appuient sur ses compétences pédagogiques et ses 20 ans d’expérience en enseignement et en gestion scolaire. Elles méritent d’être étudiées par tous les intervenants du système, par les politiciens, qui pourraient s’en inspirer dans leur plateforme électorale, et par les parents pour exiger des actions concrètes plutôt que des promesses creuses.

Et pourquoi, comme le propose David Bowles, ne pas commencer par instituer une commission parlementaire non partisane sur la persévérance scolaire, où pourraient être discutées sereinement plusieurs de ses propositions ?

 

*** 

J’aime 

Sylvain Caron, chef du Service de police de Montréal, veut fermer certains de ses 30 postes de quartier actuels. Compte tenu des outils technologiques d’aujourd’hui, ce modèle, qui existe depuis 25 ans, n’est plus aussi nécessaire et ne procure pas l’agilité requise des services policiers. L’idée est d’avoir plus de policiers dans la rue et de réduire les coûts immobiliers du service. Ce projet rencontrera sûrement de la résistance, mais toute organisation doit savoir évoluer et s’adapter aux besoins actuels et futurs de ses clients et commettants. 

Je n’aime pas 

Après avoir fait euthanasier au CO2 près de 1 million de poulets lors d’un conflit de travail à l’usine d’abattage d’Exceldor, à Saint-Anselme, l’été dernier, des producteurs de volailles recourent de nouveau à ce moyen extrême pour arrêter la croissance de ces bipèdes, dont le poids ne peut dépasser trois kilos pour ne pas briser les équipements de l’usine. On en fera donc de la farine animale. La raison de cette destruction : la pénurie d’attrapeurs de poulets dans les poulaillers. Cette tâche, sur laquelle nos chômeurs lèvent le nez, est souvent le lot de travailleurs étrangers temporaires (TET). Or, le gouvernement canadien met de plus en plus de temps avant de délivrer ces permis de travail. Bonne nouvelle, toutefois, la proportion de TET dans la main-d’œuvre des entreprises du secteur est passée de 10 % à 20 % le 9 janvier 2022.

 

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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