Pour la création d'une commission sur les soins aux personnes âgées


Édition du 13 Mai 2020

Pour la création d'une commission sur les soins aux personnes âgées


Édition du 13 Mai 2020

(Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Ce n'est pas le temps de chercher des coupables, a dit François Legault, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas commencer la réflexion sur les suites à donner à l'hécatombe qui a frappé nos centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

Comme d'autres gouvernements, celui du Québec a été pris de court par la virulence et la vitesse de propagation du coronavirus. Il n'avait pas de stratégie pour faire face à une telle pandémie ni assez d'équipements pour l'attaquer avec force.

Le fait qu'environ 80 % des décès dus à la COVID-19 soient survenus dans des CHSLD et d'autres résidences pour aînés nous interpellent sur l'organisation et la gestion de nos soins de santé.

Les deux dernières réformes de notre système de santé ne sont pas étrangères à l'insuffisance des soins aux aînés :

1. Celle du ministre Philippe Couillard, en 2003, qui a fusionné les centres locaux de services communautaires (CLSC), les CHSLD et les hôpitaux ;

2. Celle du ministre Gaétan Barrette, en 2014, qui a fait disparaître les régies régionales et a regroupé des centaines d'établissements en centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et en centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). On y a même intégré la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Les PDG de ces superstructures sont nommés par le ministre et relèvent du sous-ministre du ministère de la Santé et des Services sociaux. On a mis en place un CA ; il est sans pouvoir réel. Cette chaîne de commandement est efficace pour faire exécuter des ordres, comme on l'a vu récemment avec le report des chirurgies électives et le transfert dans des CHSLD de patients des hôpitaux pour y libérer 7 000 lits.

Cependant, comme les CHSLD sont des services auxiliaires d'un système centré sur les hôpitaux, on s'est peu préoccupé du manque de ressources dans ces résidences. D'ailleurs, les salaires de 13 $ à 14 $ l'heure payés dans les CHSLD privés en disent long sur le désintérêt du système pour ces établissements. Aussi, on se soucie peu du conflit d'intérêts propre à ces centres, qui doivent à la fois offrir des soins de qualité et maximiser les revenus des propriétaires.

La réforme Barrette en a été une de structures et de réduction des coûts. Alors que les CLSC avaient été les perdants de la réforme de 2003, les CHSLD et la DPJ ont écopé de celle de 2014 en se faisant avaler par les CISSS et les CIUSSS.

Alors que la mort tragique d'une fillette de Granby a mené à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la DPJ, la flopée de décès dus à la COVID-19 justifie d'en lancer une autre à la fois sur les raisons de la mauvaise organisation des soins aux personnes âgées et sur les solutions à trouver pour les traiter dignement quand leur perte d'autonomie apparaît.

À l'instar de la commission présidée par Michel Clair, qui avait proposé en 2000 une politique des soins de santé axée sur la prévention plutôt que sur l'hospitalisation et un renforcement des régies régionales, et d'un certain François Legault, alors ministre d'État à la Santé, qui avait proposé en 2002 de renforcer les services de proximité (CLSC, CHSLD, soins et services à domicile), la future commission devrait se pencher sur la décentralisation du système, la mise en place d'une véritable gouvernance régionale et la responsabilisation accrue des dirigeants des entités offrant des soins et des services.

Autre question : doit-on vraiment se lancer dans des «Maisons des aînés» à 500 000 $ la place, alors qu'il y a tant à faire pour rafistoler certains CHSLD ? Comment expliquer que l'on continue de négliger l'aide pour les soins à domicile, alors que les aînés veulent vieillir chez eux et que celle-ci coûte moins cher que les CHSLD, où les résidents meurent d'ennui, dépérissent et sont bourrés d'antidépresseurs ? Peut-on imaginer des établissements où les aînés termineront leur vie dans la dignité ? Les ravages de la COVID-19 dans certains CHSDL ont démontré de graves lacunes dans les soins et les services aux aînés et l'aveuglement honteux de notre société envers eux. C'est un problème sur lequel le gouvernement a le devoir de se pencher. Espérons que François Legault se souviendra de ses propositions de 2002.

***

J'aime

Plusieurs CHSLD bénéficient du dévouement inestimable d'un grand nombre d'immigrants et de membres des minorités culturelles. Une plus grande ouverture à l'immigration profiterait à notre société en plus d'offrir un meilleur avenir à des personnes qui veulent un meilleur futur pour eux et leur famille. Qu'attend-on pour cesser les expulsions des immigrants irréguliers et régulariser leur statut ?

Je n'aime pas

La récession qui s'annonce provoquera des faillites d'entreprises dont le régime de retraite pourrait être déficitaire. Il se peut alors que leurs retraités deviennent des victimes collatérales de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui traite les régimes de retraite comme des créanciers ordinaires. Ottawa pourrait donner un rang supérieur aux rentes promises, mais les banques s'y opposent.

 

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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