Plan vert : il ne suffit pas de miser sur la bonne volonté


Édition du 25 Novembre 2020

Plan vert : il ne suffit pas de miser sur la bonne volonté


Édition du 25 Novembre 2020

En 2035, au Québec, on cessera de vendre des automobiles à essence. (Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Le ­Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement ­Legault est certainement un effort louable dans le contexte canadien. Il livre plus que ce qu’il a promis. Aucune province n’a encore proposé un tel plan. C’est mieux aussi que le gouvernement ­Trudeau, qui en fait beaucoup moins que ce qu’il a promis. Il a certes introduit une taxe sur le carbone, que l’Alberta conteste en ­Cour suprême. Ironiquement, ­Québec appuie cette province pour protéger ses droits constitutionnels.

Même s’il qualifie de « très grave » le réchauffement climatique et qu’il se fait un « devoir moral » d’agir, ­François ­Legault se refuse toutefois à imposer des mesures contraignantes, préférant les subventions et les mesures incitatives. Pas certain que ce soit suffisant.

Pour ne pas accroître les taxes, ­Québec rejette l’idée d’un système fiscal de ­bonus-malus, qui encouragerait l’achat d’un véhicule écologique et pénaliserait l’achat d’une voiture énergivore, comme on le fait en ­Europe. Québec continuera plutôt d’utiliser les impôts de l’ensemble des contribuables pour encourager les automobilistes à s’acheter des ­Tesla, mais il ne découragera pas les acheteurs de grosses cylindrées. Pas question d’enlever des voitures sur les routes. L’étalement urbain n’en sera que facilité.

Le ­Québec fait déjà certains prélèvements écofiscaux, mais, selon la ­Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de ­Sherbrooke, ­ceux-ci ne représentent que 1,2 % de son ­PIB, en regard de 2,2 % en moyenne pour les pays de l’OCDE et de 1,7 % pour ceux du ­G7.

Électrification des transports

L’essentiel du plan québécois repose sur l’électrification des transports (le parc automobile, le camionnage, le transport collectif, le transport ferroviaire, les taxis), un programme multidimensionnel évalué à 3,6 milliards de dollars (G$) de 2021 à 2026. C’est 54 % des 6,7 G$ que doit coûter le plan quinquennal. À cela s’ajoutent des investissements en infrastructures de transport collectif de 15,8 G$ en dix ans.

On estime que 1,5 million de véhicules électriques circuleront sur nos routes en 2030. Mais c’est seulement en 2035 que l’on cessera, au ­Québec, de vendre des automobiles à essence. On investira 1,3 G$ pour promouvoir l’achat de véhicules électriques et installer des bornes de recharge. Il importe de miser sur les transports, qui représentent 43,3 % des ­GES produits au ­Québec.

On espère aussi d’importantes retombées économiques de ce secteur. Grâce à nos ressources en lithium, on veut aussi créer une chaîne complète d’approvisionnement et de fabrication des batteries électriques. Globalement, on prévoit que les investissements visant la transition énergétique ajouteront 2,2 G$ au ­PIB du ­Québec d’ici 2030.

Les autres mesures du ­Plan visent principalement la conversion énergétique des entreprises (768 millions de dollars [M$]), la décarbonisation de bâtiments (398 M$), la production et la distribution de gaz renouvelable (213 M$) et l’aménagement du territoire (verdissement, îlots de chaleur, risques d’inondation, d’érosion côtière et de glissements de terrain [307 M$]). On investira aussi dans les filières de l’hydrogène vert et des bioénergies (48 M$), le développement de véhicules électriques (30 M$) et le recyclage des batteries (20 M$). On consacrera 88 M$ au reboisement et les communautés autochtones recevront 19 M$ pour la transition climatique.

Un plan en étapes

C’est la première phase d’un plan de dix ans, au terme duquel, en 2030, le ­Québec devrait avoir réduit ses ­GES de 37,5 % par rapport à 1990. On produirait alors 54 mégatonnes (Mt) de ­GES, soit 29 ­Mt de moins que les 83 ­Mt qui seraient alors produits sans les mesures annoncées.

Ce résultat inclut 15 ­Mt de droits d’émissions de ­GES qui devraient être achetés par nos grandes entreprises polluantes par la bourse du carbone ­Québec-Californie. Mais comme il faudra acheter ces crédits d’émissions, c’est autant d’argent que l’on n’aura pas pour investir dans notre propre transition énergétique.

Aspect intéressant du plan, ­Québec s’engage à l’actualiser chaque année et d’en adapter les cibles pour les cinq années subséquentes. Cela permettra aux citoyens de suivre sa mise en œuvre et d’intervenir pour en faire corriger le tir.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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