Pas de réconciliation sans respect, ouverture d’esprit et empathie

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Octobre 2021

Pas de réconciliation sans respect, ouverture d’esprit et empathie

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Octobre 2021

(Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Les premiers explorateurs européens qui ont débarqué dans les Amériques n’ont pas trouvé les épices et l’or qu’ils cherchaient. Ils y ont trouvé des athées qui parlaient des langues incompréhensibles et qui avaient des coutumes étranges.

Les colonisateurs qui s’y installèrent entreprirent de les « civiliser », c’est-à-dire de les évangéliser et de les asservir, mais ces derniers refusèrent de se soumettre.

Aux États-Unis, les colons anglais qui s’établirent dans le sud recoururent à des esclaves africains sans défense pour exploiter les terres qu’ils avaient prises aux Autochtones. Les 11 États confédérés qui participèrent à la guerre de Sécession (1861‑1865) ont exploité jusqu’à quatre millions d’esclaves. Non payés et privés de droits, ils ont créé une richesse inestimable, qui a immensément profité à l’économie américaine. Mais ils ne furent jamais compensés pour cette contribution et leurs descendants luttent encore pour la pleine reconnaissance de leurs droits.

 

La Loi sur les Indiens

Il y a eu beaucoup moins d’esclavage au Canada, ce qui ne veut pas dire que la vie fut plus facile pour nos Autochtones que pour ceux des États-Unis. On les repoussa avec force et souvent avec violence dans les deux pays chaque fois qu’on a eu besoin de leurs terres, pour lesquelles ils n’ont rien reçu. Leurs descendants vivent surtout dans des réserves et ils se battent encore pour leurs droits.

N’est-il pas éminemment paternaliste et symbolique que l’on ait encore au Canada une Loi sur les Indiens ? Instituée en 1876 pour les confiner dans des réserves et les assimiler, cette loi fut plusieurs fois modifiée pour en atténuer certains effets pervers, mais elle limite toujours certains droits. C’est en vertu de cette loi que furent créés par Ottawa les pensionnats pour Autochtones, dont la gestion fut confiée à des communautés religieuses. Quelque 150 000 enfants, enlevés de leurs parents, y ont séjourné et y ont subi des violences. Des milliers y sont morts sans laisser de trace. La Commission de vérité et réconciliation en a montré les atrocités.

En 1885, le Métis Louis Riel fut pendu pour trahison après avoir résisté au transfert au Dominion du Canada de la « Terre de Rupert » qu’habitaient des Autochtones et des Métis. Réhabilité, Louis Riel est maintenant honoré par une immense statue face au Parlement du Manitoba et une journée fériée (18 février) lui est dédiée.

À Québec, le premier ministre François Legault a refusé de faire du 30 septembre une fête légale pour reconnaître les horreurs subies par les enfants des pensionnats. Sans en faire un jour férié, pourquoi ne pas souligner autrement cette triste période de notre histoire ? Le premier ministre Justin Trudeau, qui a fait du 30 septembre une journée de commémoration des victimes des pensionnats, a préféré aller à la plage au lieu d’accepter l’invitation de la cheffe d’une nation autochtone de participer à une telle commémoration. C’est pourtant important, les symboles.

 

Devoir de mémoire

Un devoir de mémoire pour les dépossessions, les humiliations, la discrimination, la violence et les crimes dont ont été victimes les Autochtones depuis cinq siècles s’impose.

Au Québec, seulement cinq mesures sur les 142 appels à l’action du rapport de la commission Viens sur les relations entre les Autochtones et certains services publics ont été réalisées, selon le comité de suivi de la mise en œuvre de ces recommandations. Des démarches ont été entreprises pour 62 appels à l’action, mais rien n’aurait été fait pour les 75 autres. Le gouvernement du Québec soutient que davantage de progrès a été fait. Néanmoins, une somme de 125 millions de dollars (M $) sur un budget de 200 M $ a été engagée pour mettre en œuvre les recommandations du rapport Viens.

Un net progrès depuis la nomination du ministre Ian Lafrenière aux Affaires autochtones.

La commission Viens avait été déclenchée à la suite d’un reportage télévisé sur les comportements abusifs de policiers à l’endroit de femmes autochtones de l’Abitibi. Merci Radio-Canada.

Il y a un an, Joyce Echaquan, une Atikamekw de Manawan, est décédée à l’hôpital de Joliette après s’être fait injurier par des infirmières. Elle a eu l’intelligence de filmer ces injures. La coroner Géhane Kamel a conclu qu’il existait du racisme systémique dans cet hôpital. Des sanctions ont été prises.

Les réformes avancent lentement également du côté fédéral : seulement 15 % des 94 appels à l’action du rapport de la Commission de vérité et réconciliation sur les pensionnats pour Autochtones ayant été réalisés, selon une enquête de CBC. Mais Ottawa soutient plutôt que 80 % des recommandations visant sa juridiction ont été mises en œuvre.

Rien ne se règle sur le plan des compensations. Ottawa vient de se faire dire par la Cour d’appel de cesser de contester la décision du Tribunal canadien des droits de la personne, rendue en 2019, d’accorder une compensation de 40 000 $ à chacun des enfants qui furent retirés de leur famille et confiés aux pensionnats. Environ 50 000 enfants et leur famille seraient admissibles à cette compensation.

Autre rebuffade, la Cour d’appel a aussi demandé au fédéral de cesser de contester la décision du même tribunal d’accorder aux enfants autochtones vivant hors des réserves ou non inscrits selon la Loi sur les Indiens les mêmes services de santé que ceux dont bénéficient les autres enfants canadiens. Ottawa et les provinces se chicanent pour savoir quel gouvernement devrait payer pour ces services.

Autre dossier qui s’éternise, la promesse de l’élimination, à compter du 31 mars 2021, des avis d’insalubrité à long terme de l’eau potable dans les réserves n’a pas été réalisée, 32 communautés en étant toujours privées.

Malgré ces lenteurs, les procédures légales abusives, la bureaucratie tatillonne et la discrimination raciale et le manque d’empathie de certains gestionnaires et décideurs à l’endroit des Autochtones, ceux-ci continuent de faire preuve d’une résilience étonnante.

Le temps est pourtant venu de cesser de bafouer leurs droits personnels et territoriaux, de partager les retombées de l’exploitation des ressources présentes sur leurs terres, bref, de les respecter. C’est la seule façon de bâtir la confiance mutuelle nécessaire à la réconciliation et la cohabitation harmonieuse entre nos communautés.

 

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J’aime

Pour contrer l’offensive de TCI, qui veut lui imposer un nouveau PDG et de nouveaux administrateurs, le Canadien National a présenté un plan stratégique qui prévoit plusieurs mesures destinées à créer plus de valeur pour les actionnaires : rachat de 6 milliards de dollars d’actions d’ici la fin de 2022, réduction du programme d’immobilisations à 17 % des revenus d’exploitation en 2022 et hausse de la productivité par des mises à pied. Ce plan vise à faire passer son ratio d’exploitation à 57 % en 2022. Le CN et TCI ont convenu de tenir une assemblée extraordinaire des actionnaires le 22 mars 2022. On saura alors qui, du CN ou de TCI, réussira à imposer la bataille des procurations pour faire élire les administrateurs de son choix.

 

Je n’aime pas

Il est de plus en plus difficile pour les jeunes familles de se loger à un prix abordable et d’accéder à la propriété. Les gouvernements multiplient les promesses, mais le rythme de construction et de rénovation d’habitations résidentielles ne suit pas la croissance de la population. Les mesures facilitant l’achat d’une maison et son financement qui sont proposées n’ont pas d’impact à la baisse sur les prix des propriétés, qui ne cessent de monter. Malgré cette conjoncture, plusieurs municipalités haussent quand même leurs droits de mutation, qui doivent être payés lors de l’achat d’une propriété. Cette taxe, qui croit avec le coût de la transaction, est inéquitable puisqu’elle ne frappe que les acquéreurs d’une propriété. Avec le temps, elle est aussi devenue un frein à l’achat d’une première propriété dans plusieurs villes.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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