Notre fiscalité doit encourager le travail, l'épargne et l'investissement


Édition du 17 Mai 2014

Notre fiscalité doit encourager le travail, l'épargne et l'investissement


Édition du 17 Mai 2014

Tout indique que le gouvernement Couillard créera un groupe d'étude sur la fiscalité.

Cette initiative est souhaitable, mais il ne faut pas en attendre des résultats mirobolants à court terme. La fiscalité est une affaire complexe, et la mise en oeuvre des recommandations proposées, aussi pertinentes qu'elles puissent être, représentera un défi.

Pour saisir les enjeux de notre fiscalité, il faut d'abord savoir comment celle-ci se compare à celle de nos voisins, à celle des pays avec qui nous entretenons des relations commerciales et même avec la structure fiscale des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la grande référence en ce domaine.

Il faut en effet veiller à ce que notre fiscalité soit concurrentielle, qu'elle tienne compte des grandes tendances dans le monde industrialisé, qu'elle appuie nos politiques économiques et qu'elle soit liée à nos valeurs sociales.

Une étude récente des fiscalistes Luc Godbout et Suzie St-Cerny, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, a déjà comparé les grands paramètres de notre fiscalité avec ceux de la fiscalité d'autres pays. L'étude ne fournit toutefois pas de comparaisons avec la fiscalité des provinces voisines, qu'il faut bien comprendre à cause de son influence sur les décisions d'investissement des entreprises et de choix de lieux de résidence des personnes.

Objectifs souhaitables

Une bonne politique fiscale doit encourager le travail sans égard au revenu gagné, ainsi que l'épargne et l'investissement, qui sont à la base de notre prospérité et du financement de nos programmes de santé et d'éducation. Elle doit aussi être concurrentielle par rapport à celle des voisins, de façon à attirer des capitaux étrangers, à inciter les sociétés à réinvestir chez nous et à décourager l'exode de nos citoyens.

Deux grandes questions viennent à l'esprit. En demande-t-on trop aux citoyens, et ce fardeau est-il réparti équitablement ? Le Québec a un indice de pression fiscale de 36,1 %, ce qui est supérieur aux 34,1 % observés dans l'ensemble des pays de l'OCDE et aux 30,4 % pour l'ensemble du Canada. Cet indice est la part de tous les prélèvements fiscaux obligatoires sur le produit intérieur brut (PIB). Les États-Unis sont à 24 %, mais cet indice dépasse 40 % dans les pays européens.

En vertu d'un taux d'imposition marginal maximal de 49,97 % de son impôt sur le revenu des particuliers, le Québec semble atteindre un maximum à cet égard. Ce taux est de 40,6 % dans l'ensemble de l'OCDE. Au fil des ans, le Québec a réduit à 35,6 % la part de ses recettes fiscales provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers, mais cette part est bien supérieure à la proportion qui prévaut en Suède (27,7 %) et aux 24,1 % de l'ensemble des pays de l'OCDE. Il s'agit de données de 2011. L'impôt sur le revenu des particuliers représente 12,9 % du PIB québécois, par rapport à 8,5 % pour l'OCDE.

Par ailleurs, le Québec tire de l'impôt sur les bénéfices 14,1 % de ses recettes fiscales, comparativement à 10,5 % pour l'ensemble de l'OCDE. De plus, cet impôt totalise 5,1 % du PIB du Québec, tandis qu'il correspond à 3,6 % pour l'OCDE.

C'est en matière de taxes à la consommation que le Québec (avec 19 % de ses recettes fiscales) semble le moins gourmand, puisque cette part atteint 28,2 % dans l'ensemble de l'OCDE et qu'elle frise les 30 % dans la plupart des pays scandinaves, pourtant réputés pour leur approche sociale-démocrate. Ces taxes représentent 6,9 % du PIB du Québec, comparativement à une moyenne de 9,6 % pour l'OCDE.

Stimuler la croissance économique

Notre régime fiscal est-il optimal ? Nos dépenses fiscales (déductions, aides et crédits fiscaux), qui dépassent 3,2 milliards de dollars par année, sont-elles toutes justifiées ? Ne prélève-t-on pas une trop grande part de l'impôt sur le revenu des particuliers et sur les bénéfices ? Pourtant, on peut le penser quand on se compare aux autres compétences. Ainsi, le Québec utilise pour se financer beaucoup plus l'impôt de ces deux sources et beaucoup moins les taxes à la consommation que les pays de l'OCDE.

Or, il est prouvé que ce n'est pas tant le poids de la fiscalité (la plupart des pays scandinaves, malgré une pression fiscale élevée, affichent bonne croissance de leur économie) que la composition de l'assiette fiscale qui influence le plus la croissance économique.

On sait aussi que les taxes sur le capital productif et les bénéfices des sociétés nuisent fortement à la croissance économique. De plus, il a aussi été démontré qu'une utilisation plus importante des taxes à la consommation ne crée pas d'inégalité, alors que l'impôt sur le revenu des particuliers décourage le travail et l'épargne.

Ces constats montrent des options pour une réforme fiscale qui pourrait cibler des moyens de stimuler la croissance économique et réduire les effets pervers du système actuel. Il est donc indiqué de créer une commission à cet effet, malgré les défis que cette initiative représente.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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