Quand les voyageurs ont l'occasion de comparer les infrastructures d'accès à l'aéroport Montréal-Trudeau avec celles d'autres grandes villes partout dans le monde, ils ne peuvent que se désoler.
Est-il besoin de rappeler que l'échec lamentable du développement de l'aéroport de Mirabel a été en partie causé par l'absence d'une liaison ferroviaire avec le centre-ville de Montréal, ce qui avait pourtant été promis. Est-il besoin de signaler que le nouvel échangeur Dorval, dont la construction a été annoncée en mai 2005 au coût de 150 millions de dollars, un montant revu à 507 M$ en 2012, ne sera livré qu'en 2019 ? Est-il besoin de mentionner qu'on aura investi en quelques années des centaines de millions de dollars pour rafistoler le pont Champlain et éviter qu'il ne précipite ses usagers dans le fleuve d'ici à ce que le nouveau pont soit construit ? Est-il besoin de constater que le SRB (service rapide par bus) prévu sur Pie-IX ne sera en place qu'en 2020, alors qu'on travaille sur ce projet depuis 2007 ? S'ils étaient informés de tous ces délais, plusieurs décideurs d'Europe et d'Asie auraient une bien mauvaise opinion de notre vision et de notre capacité d'exécution.
Des projets structurants
C'est pourquoi il faut accueillir avec enthousiasme les projets de construction de deux trains SLR (système léger sur rail) proposés par la Caisse de dépôt et placement : 1. une liaison Brossard-centre-ville de Montréal en passant sur le nouveau pont Champlain ; 2. une liaison Ouest-de-l'Île-centre-ville qui reliera l'Aéroport Montréal-Trudeau et le coeur de la métropole.
Par ailleurs, dans un mémoire qu'elle vient de déposer, Aéroports de Montréal propose de relier les deux liaisons qui bénéficieraient d'une gare commune au centre-ville. On pourrait ainsi imaginer un trajet reliant le Dix30, quartier multifonctionnel situé à l'angle des autoroutes 10 et 30 à Brossard, et Pointe-Claire qui comprendrait une dizaine de stations intermédiaires situées le long de ce parcours. Grâce à la flexibilité du SLR, qui peut rouler en surface, dans un tunnel ou même sur une voie surélevée, on peut facilement imaginer que les trains utiliseraient le même matériel de transport (wagons, système de communications, etc.), ce qui permettrait des économies d'échelle. C'est une suggestion très structurante pour l'économie de la région.
Capter la plus-value de la valeur foncière
Le projet de loi 38, qui permettra à la Caisse de dépôt d'investir dans de telles infrastructures, devrait être adopté sous peu. Ce projet de loi, qui a reçu des commentaires favorables de nombreux intervenants, détermine le cadre général et les conditions qui permettront à la Caisse de commencer la planification des projets de SLR et de travailler avec les gouvernements (fédéral, provincial, municipaux) et tous les organismes qui ont leur mot à dire à propos des différents enjeux (localisation des infrastructures, acceptabilité sociale, environnement, choix des équipements, financement, tarification optimale, etc.) associés à la réalisation des projets et à la gestion du nouveau réseau de transport.
Un aspect clé du projet de loi 38 est la possibilité qui sera donnée à la Caisse de capter la plus-value de la valeur foncière des terrains où seront érigées les stations. Peu utilisé maintenant, ce concept a permis au Canadien Pacifique de construire son chemin de fer et au Canadian Northern Railway de creuser le tunnel sous le Mont-Royal. Le CP avait obtenu les droits sur un corridor de 48 milles de largeur le long de son tracé, et le CNR avait obtenu des droits sur une zone, devenue par la suite Ville de Mont-Royal.
Selon une étude réalisée par la Banque Nationale et George Hazel d'Édimbourg, un expert du domaine reconnu mondialement, la captation de la plus-value de la valeur foncière pourrait atteindre jusqu'à 35 % du coût des infrastructures, ce qui est substantiel. S'il faut exproprier des terrains, c'est le ministère des Transports qui le fera pour la Caisse. L'indemnisation accordée aux propriétaires sera la valeur des terrains, sans tenir compte de la plus-value résultant de l'annonce des projets.
Ces projets représentent sans doute un certain risque pour la Caisse, mais raisonnable, compte tenu de l'actif de 230 milliards de dollars de celle-ci. Par contre, il est rassurant que la Caisse détienne des participations dans des infrastructures de transport sur rail (The Canada Line reliant l'aéroport de Vancouver et le centre-ville, le Heathrow Express à Londres et le train reliant l'aéroport de Gatwick et le centre de Londres).
Jusqu'à maintenant, ces projets ont reçu un accueil favorable malgré leur complexité, leur coût et les différends qu'ils peuvent susciter. Espérons que tous les intervenants concernés par ces projets adhéreront avec enthousiasme à l'idée de doter notre collectivité de ces infrastructures et qu'ils travailleront à ce que leur réalisation se fasse dans un laps de temps raisonnable. Il en va de l'économie de Montréal et de l'image qui la propulsera parmi les meilleures villes du monde.