[Photo : 123RF/gajus]
C'est confirmé. Le gouvernement Trudeau créera la Banque de l'infrastructure du Canada (BIC). Promise lors de la campagne électorale, sa structure a été précisée depuis que le Conseil consultatif sur la croissance économique, présidé par Dominic Barton, associé principal de McKinsey & Company, en a recommandé la création. Le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, faisait aussi partie de ce groupe.
L'objectif de la BIC sera de réaliser des projets d'infrastructures transformationnels d'une valeur d'au moins 100 millions de dollars. Cette société ne s'occuperait pas des projets courants, qui sont financés conjointement par le fédéral, les provinces et les municipalités.
Selon ce qui a été annoncé par le ministre des Finances, Bill Morneau, la future banque bénéficiera d'un apport gouvernemental de 35 milliards de dollars sur 10 ans. Ottawa y injectera 20 G $ en capital-actions, montant auquel s'ajouteront 15 G $ en prêts ou garanties de prêts. Selon le ministre, la BIC pourra attirer 4 $ d'investissements privés pour 1 $ injecté par la BIC. C'est donc dire que 175 G$ de projets d'envergure pourraient être financés grâce à ce dispositif.
Sur les 35 G$ qui seront confiés à la BIC, 15 G$ sont déjà prévus pour appuyer des projets de transport en commun, d'infrastructures vertes et d'infrastrutures sociales et sont inclus dans les 186 G$ que le fédéral a déjà promis d'investir en 12 ans pour participer à des projets d'infrastructures. Cet important programme a le potentiel de donner à notre économie un nouvel élan, au moment où il faut aussi affronter les changements climatiques et le protectionnisme.
Les avantages de cette formule
La création de la BIC est une bonne idée, mais son succès dépendra de certaines conditions, dont nous traiterons plus loin. Voyons-en d'abord les principaux avantages :
> définir les grands besoins d'infrastructures du pays dans une perspective de rehaussement de notre compétitivité globale, de la productivité de nos entreprises et de notre capacité d'innovation. Le Canada arrive au 15e rang du Global Connectivity Index, derrière les États-Unis (ler), plusieurs pays européens (dont la Suède et la Suisse), certains pays asiatiques (Singapour, Corée du Sud, Japon), l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Rien de bien glorieux ! Le pays améliorerait grandement sa capacité concurrentielle globale s'il possédait de meilleures infrastructures de transport de marchandises, d'énergie et de données.
L'apport de l'État dans ce domaine n'a rien de nouveau. C'est grâce au gouvernement canadien si nous avons de bonnes infrastructures de transport de marchandises par voie ferrée et par eau. Par contre, il en va bien autrement quant aux interconnectivités de transport d'électricité entre les provinces (par exemple, entre le Québec et ses voisines, ou entre l'Alberta et la Colombie-Britannique). Nous avons aussi besoin d'une plus grande capacité de transport de données et d'accès à Internet. Par ailleurs, nos grandes agglomérations sont aux prises avec des embouteillages qui coûtent une fortune aux personnes et aux entreprises ;
> recourir au financement privé pour bâtir ces grandes infrastructures, ce qui permet d'alléger la dette publique. Les investisseurs privés peuvent mieux évaluer les risques ;
> se doter d'une expertise de calibre mondial quant à la planification de grands projets, à leur gestion, à leur financement, à la rédaction de contrats et à leur négociation ainsi qu'à la construction et l'exploitation de grandes infrastructures. Ces projets prennent souvent la forme de partenariats public-privé et nécessitent souvent un partage de coûts entre les exploitants eux-mêmes, l'État et les utilisateurs, ce qui exige des connaissances particulières ;
> gérer à meilleur coût les infrastructures mises en place. Le secteur privé, qui est à risque et qui a des comptes à rendre aux investisseurs et aux prêteurs, est plus efficace que l'État. Air Canada et le CN n'ont rien à envier à leurs concurrents depuis leur privatisation.
Conditions du succès
La mise en place et l'exploitation de la BIC peuvent susciter des inquiétudes. De nombreuses aventures étatiques ont mal tourné. Toutefois, il est possible d'en faire une réussite si l'on s'assure de bien faire les choses. Il faudra que le gouvernement :
> s'assure de recruter des gestionnaires reconnus pour leurs compétences, sans égard à leur provenance et à leur affinité politique ;
> mette en place une gouvernance à toute épreuve en nommant des administrateurs dont les compétences, l'expérience et l'intégrité sont indiscutables ;
> s'assure que la BIC soit gérée de façon transparente et que sa reddition de comptes soit irréprochable face l'État et à la population.
La BIC permettra au gouvernement Trudeau de passer à l'histoire... pour le meilleur s'il en fait un succès, ou pour le pire si elle est un échec.
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Bravo à ceux qui ont divulgué l'information sur l'énorme fraude présumée survenue à l'ancienne Société immobilière du Québec. L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a terminé son enquête. Qu'attend le ministère de la Justice ?
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Après le Hells Angel Savatore Cazetta, qui avait été accusé de trafic de cigarettes, voilà que Luigi Coretti (ex-propriétaire de BCIA), qui était accusé de fraude, bénéficie lui aussi d'un arrêt des procédures en raison du délai déraisonnable entre le dépôt des accusations à l'été 2012 et la tenue d'un procès. On peut maintenant se demander si l'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, qui est accusé de gangstérisme depuis mai 2013, et si l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, accusé de corruption depuis l'été 2012, échapperont à un procès pour la même raison. Et dire qu'on se demande pourquoi la population est cynique...