La charte sur la laïcité, l'égalité et la neutralité en 13 mots clés


Édition du 16 Novembre 2013

La charte sur la laïcité, l'égalité et la neutralité en 13 mots clés


Édition du 16 Novembre 2013

BLOGUE. Si elle devient loi, la «Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement» transformera en profondeur la société québécoise.

Voici donc 13 mots clés pour comprendre et évaluer la portée de ce projet issu du gouvernement péquiste de Pauline Marois :

Accommodement : Les organismes et établissements publics et privés précisés dans la Charte pourront accorder un «accommodement raisonnable» à une personne ou à un groupe si ceux-ci ne leur imposent pas une contrainte excessive, eu égard au respect des droits d'autrui, à la santé et à la sécurité des personnes, à leur bon fonctionnement et aux coûts qui s'y rattachent. Les balises définissant ce qui est raisonnable sont à venir, et celles-ci risquent de susciter bien des controverses. Par exemple, comment saura-t-on si un menu halal servi dans une garderie a pour but d'amener les enfants à apprivoiser un précepte religieux (ce qui serait interdit) ?

Constitutionnalité : Puisque la Charte limitera les libertés religieuses et d'expression, Ottawa va en faire vérifier la constitutionnalité. Si la Cour suprême l'invalide, le gouvernement péquiste pourrait utiliser cette rebuffade comme argument dans un éventuel référendum sur l'indépendance du Québec.

Discrimination : Les personnes portant un objet, couvre-chef ou vêtement associés à une religion et jugés ostentatoires (par exemple, il faudra mesurer un crucifix porté comme bijou pour le savoir) ne pourront pas accéder à un emploi dans le secteur public. Elles ne pourront pas non plus espérer travailler dans une garderie (les garderies ont leur propre chapitre dans le projet de loi), une école ou un établissement de santé, même si leur statut n'est pas celui d'un employé (ce qui est le cas des médecins). Pire, l'article 10 du projet de loi prévoit que toute personne ou société avec laquelle le gouvernement «conclut un contrat de service ou une entente de subvention» sera assujettie aux mêmes obligations. C'est du délire.

Égalité : On ajoutera le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le préambule de la Charte québécoise des droits et libertés, même s'il est déjà inscrit à l'article 10.

Électoralisme : N'ayant cherché aucun appui auprès de la Coalition avenir Québec, le gouvernement a agi comme s'il pouvait imposer ce projet. Où voudrait-il plutôt que celui-ci soit défait par les trois partis d'opposition ? Le Parti québécois pourrait alors déclencher des élections en accusant les autres partis d'avoir bloqué son projet, espérant ainsi séduire assez de «pure laine» pour obtenir une majorité.

Harmonie : Terme utilisé à profusion par Pauline Marois pour nier la division provoquée par la Charte. Ce projet a contribué à augmenter les cas d'intimidation contre les femmes voilées. La police a renforcé la sécurité autour de la première ministre.

Laïcité : L'État ne promeut aucune religion, mais on tolérera les éléments emblématiques et toponymiques du patrimoine culturel du Québec et de son parcours historique.

Minorités culturelles : Des membres des minorités culturelles se sentent de moins en moins chez eux au Québec et envisageraient de partir si la Charte avait force de loi.

Mise en oeuvre : Tous les organismes visés devront adopter une politique et des règles de mise en oeuvre des préceptes de la Charte, à défaut de quoi le ministre les imposera.

Misogynie : Les femmes sont déjà et seront les principales victimes collatérales de la future Charte, car ce sont elles qui portent les vêtements les plus controversés.

Neutralité : Tous les employés des organismes couverts seront tenus à un devoir de neutralité en matière religieuse, ce qui inclut le port de tout objet, couvre-chef et vêtement associés à une religion s'ils sont jugés ostentatoires.

Transition : L'interdiction des signes religieux débutera un an après la sanction de la loi, mais les municipalités, les universités, les cégeps et les établissements de santé pourront bénéficier d'une période de transition allongée.

Xénophobie : L'interdiction de signes et de vêtements associés à d'autres religions que la leur rejoint le vieux fond xénophobe encore présent dans le subconscient de bien des francophones pure laine et catholiques.

Mme Marois répète que sa charte améliorera notre «mieux vivre ensemble». Malheureusement pour notre économie et notre société, ce n'est pas du tout ce qui se dessine.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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