Il faut répliquer à l'intimidation commerciale de Trump


Édition du 16 Juin 2018

Il faut répliquer à l'intimidation commerciale de Trump


Édition du 16 Juin 2018

Donald Trump bénéficie de la passivité déshonorante des sénateurs et des représentants républicains du ­Congrès. [Photo: Pixabay]

Dans The Art of the Deal, qu'il a cosigné avec le journaliste Tony Schwarz, Donald Trump se décrit comme le meilleur négociateur du monde.

Alors que ce livre serait truffé de mensonges selon Schwarz, le locataire de la Maison-Blanche ne recule devant rien pour en arriver à ses fins. Il ne cherche pas une solution gagnante pour les deux parties, mais il veut tout pour sa personne, quitte à écraser l'adversaire s'il le faut.

Il ne faut donc pas se surprendre de son comportement par rapport à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et aux relations commerciales de son pays. Il n'agit pas de façon rationnelle, mais instinctive, imprévisible et brutale, à la manière d'un enfant gâté.

C'est ainsi qu'il a décidé d'imposer des tarifs douaniers respectifs de 25 % et de 10 % sur l'acier et l'aluminium importés du Canada, des pays européens et d'autres alliés, alors qu'il a épargné la Chine, qui est le plus important producteur de ces métaux, qui dispose d'une capacité excédentaire de fabrication de ces produits et qui fait du dumping, c'est-à-dire en vendant à l'étranger à un prix inférieur à ses coûts de production, une pratique illégale selon l'Organisation mondiale du commerce.

Les tarifs imposés sur l'acier et l'aluminium canadiens sont d'autant plus insensés sur les plans économique et politique que le Canada est le plus important partenaire commercial des États-Unis, que ces derniers sont en surplus commercial avec le Canada, que leurs secteurs manufacturiers sont très imbriqués et que ceux-ci sont des alliés de longue date, ayant participé ensemble à plusieurs missions de paix et à plusieurs guerres à l'étranger.

En même temps qu'il attaquait le Canada et les pays européens, Trump acceptait récemment une trève commerciale avec la Chine après l'avoir menacée des tarifs punitifs de 50 milliards de dollars. La Chine, qui affiche un surplus commercial de 375 G$ US avec les États-Unis, a répliqué avec la menace d'imposition de tarifs de 50 G$ sur 128 produits américains, dont le soya, dont elle achète 50 % de la production américaine.

Le mirage d'un prix Nobel

Il se peut que le virage à 180 degrés du président américain à l'égard de la Chine soit une façon de l'avoir de son côté dans ses efforts d'une entente sur le désarmement nucléaire de la Corée du Nord, ce qui pourrait l'aider à obtenir lui aussi un prix Nobel de la paix. Il lui est sans doute insupportable que son prédécesseur ait pu obtenir un tel prix.

Même si les guerres et les représailles commerciales sont condamnables, le Canada ne doit pas rester passif par rapport aux attaques illogiques du président américain.

Devant un être aussi malhonnête, incohérent et ignare, Justin Trudeau n'avait pas le choix de répliquer dent pour dent, comme l'a fait la Chine. Le Canada compte ainsi exiger, à compter de juillet, des sanctions de 16,6 G$, soit la valeur des tarifs que Washington a décidé de lever sur l'acier et l'aluminium canadiens. Ces tarifs cibleront des produits fabriqués dans des États représentés au Congrès par des républicains, comme entend aussi le faire l'Union européenne pour une somme de 7,5 G$. Quant au Mexique, il a annoncé des mesures de représailles de 3 G$.

L'enjeu de l'ALÉNA

Les attaques commerciales de la Maison- Blanche contre le Canada et le Mexique visent aussi à faire pression pour obtenir des concessions dans la renégociation de l'ALÉNA. Trump offre maintenant de négocier deux ententes commerciales, l'une avec le Canada, avec qui il pourrait sans doute s'entendre plus facilement, et l'autre avec le Mexique, un pays qu'il méprise, avec lequel le déficit commercial des États-Unis est très élevé et à la frontière duquel il veut ériger un mur.

Avec raison, le Canada entend résister à cette tentative de manipulation, d'autant plus que l'ALÉNA continuera d'exister aussi longtemps que l'on n'en sera pas arrivé à un nouvel accord ou que le Congrès ne l'aura pas dénoncé.

L'agressivité commerciale de Trump s'explique aussi par son besoin de montrer ses muscles à sa base électorale et de faire les nouvelles tous les jours, d'où les tweets qu'il prend soin d'envoyer au lever du jour pour s'assurer que toutes les émissions du matin parlent de lui. Entouré d'une équipe dont la qualité première est la loyauté, Trump règne sur la Maison-Blanche comme il gérerait une émission de téléréalité dont il serait le héros.

Indigne de sa fonction, ce président est une honte pour son pays, qu'il contribue à diviser, et une source d'inquiétude pour le monde entier. Autre aspect navrant de cette présidence rocambolesque, Trump bénéficie de la passivité déshonorante des sénateurs et des représentants républicains du Congrès, qui se montrent plus soucieux de leur réélection que du mieux-être de leur peuple.

 

J’aime
L’Autorité des marchés financiers a imposé des sanctions totalisant 44,3 millions de dollars à 142 individus et sociétés en 2017. Il faut poursuivre et condamner sans relâche les fraudeurs et autres tricheurs si l’on veut conserver la confiance du public dans nos institutions et notre système financier.

Je n’aime pas
Une bonne idée de la rémunération excessive des PDG de sociétés en Bourse nous est donnée par la comparaison suivante : ­Mayo ­Schmidt, PDG d’Hydro ­One (transport et distribution d’électricité en ­Ontario, 7 400 employés, rev. de 6 G$, bén. de 0,7 G$), a gagné 6 M$ en 2017. Pour sa part, Éric ­Martel, PDG d’Hydro-Québec (production, transport et distribution d’électricité, 19 800 employés, rev. de 13,5 G$, bén. de 2,8 G$) a gagné 815 000 $, soit 13,5 % du PDG ontarien. Si vous cherchez l’erreur, sachez qu’elle n’est pas du côté du ­Québec.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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