Dure période pour la crédibilité du Dr Gaétan Barrette


Édition du 28 Janvier 2017

Dure période pour la crédibilité du Dr Gaétan Barrette


Édition du 28 Janvier 2017

[Photo : Shutterstock]

Sept provinces et territoires ont signé des ententes de financement de leurs services de santé avec le gouvernement fédéral. Il ne reste plus que six membres du front commun initial : le Québec, l'Ontario, le Manitoba, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard.

Chaque fois qu'une province ou un territoire se range aux arguments du fédéral, le ministre Gaétan Barrette monte aux barricades. Il parle de «fédéralisme prédateur», de «dictature du minoritaire» et de «chantage auprès des provinces vulnérables». Il en appelle aux pressions de l'opinion publique. À une autre époque, ce qui se passe maintenant aurait amené les politiciens et les commentateurs à dénoncer haut et fort le comportement du fédéral.

Ottawa a offert aux provinces d'accroître de 3,5 % par année pendant 5 ans ses transferts pour la santé et d'ajouter 11 milliards de dollars en 10 ans pour les services à domicile et la santé mentale. Le ministre Barrette juge insuffisante l'offre fédérale et dénonce l'intrusion d'Ottawa dans le choix des soins à financer.

Malheureusement, les dénonciations du ministre tombent à plat. D'une part, les Québécois sont fatigués des chicanes fédérales-provinciales et, d'autre part, ils n'ont pas confiance dans la gestion des sommes allouées pour la santé. Ils savent maintenant que grâce au Dr Barrette, qui a été président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, ceux-ci ont été les grands bénéficiaires de la hausse des crédits consentis pour la santé ces dernières années. Les médecins spécialistes du Québec gagnent maintenant plus que ceux de l'Ontario, une province qui est plus riche que le Québec et où le coût de la vie est plus élevé. Cette ponction s'est produite en vertu de l'entente de financement précédente, qui a permis d'accroître de 6 % par année les transferts fédéraux pour la santé.

Et puisque le ministère de la Santé et des Services sociaux n'est pas transparent sur la façon dont il dépense ses crédits, on ne sait même pas si le gouvernement du Québec a vraiment attribué aux soins de santé la totalité de la croissance des sommes reçues du fédéral.

Le panier de crabes des frais accessoires

Ce manque de transparence explique en partie la demande que la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, a faite au Québec de lui donner le total des frais accessoires payés aux omnipraticiens et aux spécialistes par les patients québécois et qui sont estimés à 18 millions de dollars et à 65 millions de dollars respectivement. En même temps, Jane Philpott réagissait à la requête en mandamus présentée par l'avocat Jean-Pierre Ménard afin de forcer Ottawa à réduire ses transferts au Québec de l'équivalent des frais accessoires, qui sont illégaux selon la Loi canadienne sur la santé. Coincé, M. Barrette s'est rapidement engagé à abolir ces frais, mais après avoir dit que ceux-ci devaient être intégrés à la rémunération des professionnels de la santé.

Au moment d'écrire cet article, il était impossible de savoir ce qui arrivera le 26 janvier, date limite choisie par le ministre Barrette pour l'abolition de ces frais. On peut toutefois être sûr que leur abolition, qui est souhaitable en principe, réduira l'accès aux soins de santé.

Des frais mineurs pourront sans doute être abolis, mais un grand nombre ne pourront l'être totalement, à moins de consentir aux médecins, aux dentistes, aux spécialistes de la vue et aux pharmaciens une rémunération additionnelle.

Les professionnels de la santé qui travaillent dans des cabinets reçoivent des honoraires de l'État pour les examens et les soins administrés aux patients, mais non pour l'amortissement des équipements (par exemple, en gastro- entérologie), certains produits (stérilets, plâtres en fibre de verre, etc.) et certains traitements particuliers (vasectomies, traitements à l'azote, échographies, prélèvements sanguins avec résultats sur-le-champ, injections d'anti-inflammatoires, etc.).

À moins d'une compensation financière de l'État, l'interdiction de facturation des patients pour ces services et ces traitements réduira l'accès aux soins. À prévoir : réduction de l'offre de services, fermeture de cliniques et désengagement de médecins du régime public des soins de santé.

Quant aux patients qui en bénéficiaient, ils devront se diriger vers des hôpitaux, où les listes d'attente sont déjà trop longues. Il s'ensuivra des délais additionnels, comme une augmentation de l'attente avant d'avoir accès à certains soins et résultats d'examen, ce qui est loin d'être banal. Bien sûr, davantage de médecins et de spécialistes seront appelés à travailler dans les établissements publics, mais ce transfert demandera des ajustements dans les milieux hospitaliers, qui sont déjà encombrés.

Est-ce que ce dossier a été bien géré ? Non, à en juger par l'improvisation qui a précédé le bras de fer auquel se livrent le ministre et les professionnels de la santé. Est-ce que l'accès aux soins sera amélioré ? Non. Ces constats seront à porter au bilan éventuel de la réforme des soins de santé du ministre Gaétan Barrette.

J'aime

L'Autorité des marchés financiers versera finalement 200 000 $ à une victime de l'ex-conseiller financier Michel Marcoux. D'autres demandes de dédommagement ont été déposées. M. Marcoux a perdu son permis de pratique en 2014, mais une audition sur les accusations portées contre lui doit avoir lieu en avril 2017.

Je n'aime pas

Comme son nom l'indique, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement devrait s'en tenir aux enjeux relatifs à la protection de l'environnement. Quand il a étudié le projet de train de la Caisse de dépôt et placement, il a examiné les aspects commerciaux (achalandage, rentabilité, etc.) de ce projet, qui dotera Montréal d'une infrastructure de transport urbain comparable à celles qui existent dans plusieurs villes du monde. Le gouvernement devrait profiter de l'occasion pour dire au BAPE de se mêler de ses affaires.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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