Dette publique : il faut maintenir les objectifs du Fonds des générations


Édition du 11 Novembre 2017

Dette publique : il faut maintenir les objectifs du Fonds des générations


Édition du 11 Novembre 2017

[Photo : 123RF]

La Chaire en fiscalité et en finances publiques rattachée à l'Université de Sherbrooke vient de publier une étude intéressante, écrite par Yves St-Maurice, économiste, Luc Godbout, fiscaliste, et Suzie St-Cerny, chercheuse, sur le Fonds des générations. Cette étude rapporte qu'au moment de sa création par le gouvernement de Jean Charest, en 2006, la dette totale du Québec représentait alors 42,7 % du produit intérieur brut (PIB) du Québec, alors que le ratio d'endettement moyen des autres provinces était de 25,4 %.

Autre aberration, près de 75 % de cette dette était constituée d'emprunts faits pour payer des dépenses courantes (salaires, subventions, etc.), appelées communément des «dépenses d'épicerie», par opposition à des investissements faits pour des infrastructures et des immobilisations qui, parce qu'elles ont une longue durée de vie, servent aussi aux générations futures. Cette situation créait donc une iniquité intergénérationnelle qui se devait d'être corrigée.

L'objectif initial du Fonds était de réduire le ratio de la dette publique à 25 % du PIB en 2025. Cet objectif a été changé quelques années plus tard, après qu'il a été décidé d'inclure les passifs des réseaux de la santé et de l'éducation dans la dette publique, qui intégrait déjà les déficits des régimes de retraite de l'État. Cette réforme a ajouté 21 milliards de dollars à la dette de l'État. On a alors introduit le concept de dette brute et déterminé deux nouveaux objectifs pour le Fonds à la fin de l'exercice 2025-2026 : amener cette dette à 45 % du PIB et les déficits cumulés, à 17 % du PIB.

Au fil des ans, des sources de financement du Fonds ont été modifiées et ajoutées, notamment par le ministre des Finances Nicolas Marceau, une indication de l'engagement du gouvernement de Pauline Marois envers cet outil pour réduire la dette publique.

On dépose maintenant dans ce Fonds les redevances hydrauliques d'Hydro-Québec (HQ) et des producteurs privés, les revenus de HQ liés à l'indexation du bloc patrimonial, une contribution annuelle additionnelle de 215 millions de dollars par HQ, les redevances minières, un montant annuel de 500 M $ provenant de la taxe sur les boissons alcooliques, les biens non réclamés, les dons, legs et autres contributions reçues par le ministère des Finances ainsi que les revenus de placement du Fonds.

Géré par la Caisse de dépôt, le Fonds aurait obtenu, selon la Chaire, un rendement annuel moyen de 7,15 % de sa valeur marchande (valeur établie dans l'hypothèse de sa liquidation) entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2016.

Excellents résultats

Alors que le ministère des Finances a déjà publié une estimation des revenus du Fonds jusqu'en 2022, la Chaire a poussé la prévision jusqu'en mars 2026. En présumant qu'il maintient ses sources de revenus actuelles et que l'État n'y fait aucun retrait, le Fonds fera alors baisser à 41,8 % le ratio de la dette brute sur le PIB et à 15,8 % celui des déficits cumulés, ce qui est mieux que les objectifs de 45 % et de 17 % fixés en 2010 pour 2026. Ces ratios étaient respectivement de 53 % et de 30 % le 31 mars 2017.

Selon ce scénario, le Fonds aurait alors une valeur comptable de 46,8 G $, et la dette brute de l'État serait de 216 G $ en incluant l'apport du Fonds, soit une somme semblable à celle des cinq années précédentes, et de seulement 9 G $ supérieure à celle de mars 2017. En excluant le Fonds, la dette de l'État serait alors de 263 G $.

Si ces hypothèses se réalisent, le Fonds se sera révélé un dispositif efficace pour la réduction de la dette publique, qui avait atteint près de 100 % du PIB en incluant la part du Québec de la dette fédérale. Il faut souhaiter que ses objectifs soient maintenus au moins jusqu'en 2026.

Évidemment, la gestion serrée des finances publiques par le gouvernement Couillard a eu un impact sur les crédits de certains ministères, en particulier sur les budgets des réseaux de la santé et de l'éducation, mais on récolte aujourd'hui le fruit de cet effort. La situation budgétaire du Québec est l'une des meilleures du pays, comme le reconnaît Standard's & Poors en haussant de A+ à -AA sa notation du crédit du Québec, ce qui le place devant l'Ontario, une première depuis 50 ans. Cette meilleure évaluation entraîne un coût de financement plus bas pour notre dette publique. Ce coût atteint cette année 9,9 G $, soit 9,3 % des revenus du gouvernement, comparativement à 12,7 % en 2006. C'est le troisième poste de dépenses après la santé (38 %) et l'éducation (21 %), autant d'argent que l'État pourrait utiliser pour aider les plus démunis, soutenir les familles et réduire les impôts. Après avoir vécu au-dessus de nos moyens pendant des décennies, une lumière apparaît au bout du tunnel. Ce n'est pas le temps de lâcher prise sur la maîtrise de notre endettement.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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