Commerce électronique : laisser-faire néfaste des gouvernements


Édition du 12 Août 2017

Commerce électronique : laisser-faire néfaste des gouvernements


Édition du 12 Août 2017

À l'instar du Conseil québécois du commerce de détail et de plusieurs commerçants, Marwah Rizqy, professeure de droit fiscal à l'Université de Sher- brooke, vient de demander à nos gouvernements de taxer les ventes en ligne faites par des sociétés étrangères aux particuliers.

L'étude qu'elle vient de publier présente le modèle de taxation adopté par l'Australie. Ce pays, qui ressemble beaucoup au Canada, perçoit depuis le 1er juillet 2017 une taxe de vente de 10 % sur les transactions électroniques de fournitures intangibles (téléchargement de films, de musique, de jeux, de livres numérisés) et de services professionnels (consultation, conseil juridique, comptabilité, services financiers, etc.) faites avec des particuliers par des sociétés étrangères. Canberra a aussi passé une loi visant la taxation, toujours au taux de 10 %, des ventes de moins de 1 000 $ AU (1 $ AU = 1 $ CA) sur des produits vendus à des particuliers. Cette taxe ne sera toutefois implantée que le 1er juillet 2018 pour laisser aux entreprises le temps de s'adapter à la mesure. Ce plafond de 1 000 $ pour la nouvelle taxe s'explique par le fait qu'une TPS sur les produits importés de 1 000 $ et plus est déjà perçue par les services frontaliers.

Les sociétés étrangères qui ont un chiffre d'affaires de 75 000 $ et plus (150 000 $ pour les OSBL) doivent s'enregistrer auprès d'une agence. Les entreprises visées sont les fabricants, les détaillants et les distributeurs utilisant des plateformes de commerce électronique, comme eBay, Alibaba, Amazon, Etsy, etc.

Le gouvernement australien s'attend à recueillir 70 millions de dollars (M$) de revenus de cette source en 2017-2018, ainsi que 100 M$ et 130 M$ respectivement au cours des deux années suivantes. L'autre objectif de cette initiative est de mettre sur un pied d'égalité les entreprises australiennes qui doivent percevoir une TPS sur les produits vendus à des particuliers et les sociétés étrangères qui échappaient à cette taxe sur les produits et services livrés de l'étranger aux citoyens. Les entreprises établies en Australie ne sont pas visées puisqu'elles sont déjà assujetties à la TPS. Une taxe semblable instituée au Canada pourrait rapporter au moins une fois et demie les revenus estimés par l'Australie puisque sa population équivaut aux deux tiers de celle du Canada. À un taux combiné de 15 % pour la TPS et la TVQ, une telle taxe rapporterait 50 % de plus.

Laisser-aller inacceptable

Contrairement au Canada, qui ignore le grave préjudice subi par nos commerçants, producteurs et fabricants face aux géants qui vendent de l'étranger des produits et des services sans percevoir de TPS et de TVQ, plusieurs pays ont instauré des taxes de vente sur des transactions électroniques. Toutefois, cette statégie a été mise en place très lentement si l'on en juge par le fait que l'OCDE l'avait proposée en 1998. L'OCDE réunit 35 pays industrialisés du monde libre, dont le Canada.

Parmi les États qui taxent le commerce électronique depuis l'étranger, on compte la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l'Afrique du Sud, le Brésil, la Suisse, la Russie et l'Union européenne, qui a créé un portail central à cette fin.

Pas de taxe Netflix

L'indifférence d'Ottawa devant la concurrence déloyale subie par nos sociétés face aux géants étrangers du commerce en ligne a été confirmée le 15 juin, quand la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a déclaré qu'il n'y aurait «pas de taxe Netflix» au Canada. Elle commentait le rapport d'un comité parlementaire qui venait de recommander d'imposer une taxe de 5 % sur l'Internet à haute vitesse, ce qui aurait inclus les films distribués au Canada par Netflix, alors que ses concurrents canadiens, comme Club Illico et Tou.tv Extra, doivent ajouter les taxes de vente canadiennes sur les produits qu'ils distribuent.

Dans le secteur des médias, la puissance commerciale des géants Google et Facebook qui, en partie grâce à leurs privilèges fiscaux, auraient empoché plus de 3 milliards de dollars de revenus publicitaires en 2015, est en train de faire un véritable carnage. Or, aucun gouvernement canadien ne semble vouloir s'attaquer à cette concurrence affreusement nocive pour la démocratie.

En effet, alors que le quart des Canadiens ont fait des médias sociaux leur principale source d'information, les journaux et les médias électroniques traditionnels voient leur survie menacée, faute de revenus suffisants pour payer des salaires de journalistes et produire de vraies nouvelles et des reportages. Certains gouvernements se montrent sensibles aux enjeux financiers des médias, mais aucun ne semble vouloir attaquer de front le monstre du commerce électronique issu des géants étrangers.

C'est incompréhensible, incohérent, inéquitable et dangereux pour notre économie.

 

J'aime
Québec a mis fin à l'exploration des hydrocarbures à l'île d'Anticosti. C'est une bonne décision, mais il est difficile d'évaluer la justesse des montants accordés à Junex (5,5 M$), à Maurel & Prom (16,2 M$) et à Corridor Resources (19,5 M$). Cette dernière avait déjà reçu 13,3 M$ lors de la création du partenariat avec le gouvernement du Québec en 2014. Québec devra aussi compenser Petrolia, la société la plus active à Anticosti, ce qui risque de coûter cher. Une autre aventure issue de bonnes intentions qui a mal tourné.

Je n'aime pas
Le coût estimé des deux navires que la Société des traversiers du Québec fait construire pour la liaison Tadoussac-Baie-Sainte-Catherine est rendu à 250 M$, au lieu des 125 M$ prévus. Les bateaux doivent être livrés en 2018, trois ans après la date prévue. Comme le contrat a été signé sans cautionnement, les dépassements de coûts pourraient être payés par les contribuables. Un beau gâchis !

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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