AEUMC : le Canada a sauvé les meubles malgré le mépris de Trump


Édition du 20 Octobre 2018

AEUMC : le Canada a sauvé les meubles malgré le mépris de Trump


Édition du 20 Octobre 2018

[Photo : 123RF]

Donald Trump méprise le Canada. Il est le seul président américain depuis très longtemps à ne pas avoir choisi le Canada pour sa première visite officielle à l'étranger. C'est tout juste si nous ne faisons pas partie des «pays de merde», expression qu'il a utilisée pour parler des pays en développement.

Trump a fait des visites officielles en Arabie Saoudite, en Israël, au Mexique, en France et au Royaume-Uni. Il a rencontré son vieil ami Vladimir Poutine à Helsinki et son nouvel ami Kim Jong-un à Singapour. En juin, il a fait une saucette au sommet du G7 à La Malbaie, d'où il est reparti avant la fin de la rencontre.

Estimant avoir été insulté par Justin Trudeau, il a répudié le communiqué final, a traité le premier ministre canadien de «très malhonnête et de faible» et a promis que le Canada allait «payer très cher» le mauvais traitement dont il aurait été victime. C'est dans cet esprit qu'a été renégocié l'ALÉNA, le «pire accord commercial à avoir été signé par les États-Unis», a répété Trump au cours de sa campagne à la présidence.

Vaniteux, arrogant et irrespectueux de l'amitié qui a marqué les rapports entre le Canada et les États-Unis depuis plus un siècle, Trump n'avait aucune gêne à s'en prendre à un pays voisin qui est aussi le principal partenaire commercial de son propre pays. Tout ce qui compte pour lui, c'est de remporter des victoires et impressionner les électeurs, même s'il faut pour cela s'en prendre à des amis.

Utilisant à profusion l'arme des tarifs douaniers pour intimider, il a placé le Canada dans une position d'où il ne pouvait se tirer sans dommage. Mais grâce aux appuis reçus de nombreuses industries américaines, de puissants lobbies d'affaires et de membres du Congrès, notre pays a sauvé les meubles en signant le nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).

De son côté, le champion des hyperboles a obtenu assez de gains pour sauver la face et dire à sa base électorale qu'il avait réalisé un «accord historique pour les trois pays».

Victoire américaine

La principale concession d'Ottawa a été faite aux dépens de nos produits laitiers. Le principe de la gestion de l'offre a été sauvé, mais le Canada a donné accès à 3,6 % de son marché au lait, aux fromages et aux autres produits américains. Il avait fait de même pour 2 % du marché canadien dans la négociation de l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne et pour 3,2 % lors de la négociation du Partenariat transpacifique. Ainsi, c'est presque 9 % de notre marché national du lait qui échappera aux producteurs canadiens, dont la moitié sont québécois. Cette perte contribuera à la consolidation de la production laitière, qui se fera aux dépens des petites fermes. Le gouvernement fédéral a promis une aide compensatoire, mais on n'en connaît pas encore la forme.

Le Canada a aussi fait une concession qui pourrait être embêtante quant à sa souveraineté. En effet, il a été convenu que le Canada et le Mexique informent préalablement les États-Unis de leur intention de négocier une entente commerciale avec un pays à économie planifiée (non-market economy) et que, si une telle entente est convenue, son texte sera divulgué aux Américains. Les États-Unis visent ainsi la Chine, avec qui ils n'aimeraient pas que le Canada conclue un tel accord.

On a fait valoir que le Canada a sauvé son industrie automobile. C'est vrai, mais les clauses qui touchent cette industrie avaient été négociées dans l'entente bilatérale conclue par les États-Unis et le Mexique. Le contenu nord-américain des véhicules exempts de tarifs douaniers a été porté de 62,5 % à 70 %, ce qui est positif pour les fabricants de composants canadiens. De plus, 40 % de ce contenu devra provenir d'usines payant un salaire horaire de 16 $ US, ce qui sera avantageux pour les industries américaines et canadiennes et pour les travailleurs mexicains, dont les salaires actuels sont beaucoup plus faibles, mais désavantageux pour les fabricants du Mexique.

Le Canada a aussi protégé le contrôle de la propriété de ses industries culturelles. Il a réussi à conserver le tribunal d'arbitrage des différends commerciaux que Donald Trump voulait éliminer et qui permet de contester les tarifs douaniers qu'il est si prompt à instaurer.

Cette entente n'est pas définitive. En plus de devoir être approuvée par le Congrès, elle pourrait être reconfigurée à la suite des élections de mi-mandat du 6 novembre. Elle devra en effet faire l'objet d'un projet de loi qui devra être voté par le Congrès. Il se pourrait donc que des amendements soient apportés au texte initial.

Il n'y a pas de grande avancée dans cette nouvelle entente. Le Canada et le Mexique y ont perdu des plumes et les États-Unis s'en sortent avec une demi-victoire. Elle a surtout été un prétexte à un gain politique pour Trump.

Le président conserve son droit d'imposer des tarifs douaniers pour n'importe quoi, comme le prouve le maintien des tarifs de 25 % sur l'acier et de 10 % sur l'aluminium, ainsi que des droits compensateurs de 20,9 % sur le bois.

Les tarifs douaniers semblent être la seule mesure économique que comprend Donald pour favoriser les entreprises américaines. C'est une hérésie, car, au bout du compte, ce sont les entreprises, par des coûts de production accrus, et les consommateurs, par des prix plus élevés, qui en feront les frais.

L'économie américaine continue sur la lancée de la période Obama. Les tarifs douaniers de Trump créent de l'inflation. S'ensuivront des taux d'intérêt plus élevés et un ralentissement de l'économie. Ce n'est pas pour rien que les marchés financiers sont inquiets.

 

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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