Apprendre à compter

Offert par Les Affaires


Édition du 10 Novembre 2021

Apprendre à compter

Offert par Les Affaires


Édition du 10 Novembre 2021

(Photo: Joshua Hoehne pour Unsplash)

CHRONIQUE. L’école servirait à apprendre à lire, à écrire et à compter, disait-on autrefois. À lire de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, il semblerait que l’école a échoué dans les grandes largeurs. Grammaire et orthographe approximatives, ainsi qu’une mécompréhension des données statistiques les plus élémentaires y sont généralisées.

Il n’est pas question de faire ici le procès des réseaux sociaux — ils ne sont que le reflet de notre société. En revanche, ces mécompréhensions ont des effets réels. Pour qu’une discussion publique puisse être éclairée et équitable entre tous les participants, il faut que les termes du débat soient compris entre tout le monde.

Or, ce n’est pas le cas pour ce qui est (notamment) des données statistiques. Depuis de nombreuses années, je constate dans mon travail auprès de journalistes et d’autres personnalités publiques à quel point de simples données économiques sont mal comprises. Taux de chômage ou d’inflation, PIB, taux d’intérêt réels, «name it», comme on dit à l’Académie française.

À titre d’exemple, il y a quelques années, la célèbre chaîne de restauration rapide A&W a mis en marché un hamburger de tiers de livre (third pound), pour faire concurrence au célèbre quart de livre (quarter pounder) de son puissant concurrent McDonald’s, au même prix. Ce fut un échec commercial lamentable. One third était perçu comme moins gros qu’un one quarter, trois contre quatre, alors que c’est évidemment l’inverse.

Ne pas comprendre une simple fraction est tout de même troublant. Ce qu’on devrait apprendre à l’école.

Ça n’est pas anodin. Ne pas savoir dériver une équation du troisième degré ou conjuguer le verbe choir au plus-que-parfait (que j’eusse chu) n’est pas essentiel à la vie quotidienne. En revanche, ne pas être capable de comprendre ce que signifie le taux d’inflation ou un taux d’intérêt peut être littéralement catastrophique pour les familles.

Nous prenons nos décisions sur la base de nos connaissances. Celles-ci seront bien évidemment toujours imparfaites. Comme le disent les économistes, il y a immanquablement une asymétrie d’information:certaines personnes maîtrisent mieux les données que d’autres, surtout. Ça n’est pas qu’une question d’avoir accès à l’information, mais d’être en mesure de l’interpréter.

C’est là où le bât blesse en matière de numératie. Nous sommes bombardés de chiffres jour après jour dans les médias, mais plusieurs d’entre nous ne sont pas en mesure d’en tirer du sens.

Pourtant, pouvoir jongler avec les données, les interpréter adéquatement constitue un des chemins vers la liberté individuelle. La connaissance est le chemin royal qui permet d’acquérir la liberté.

Malheureusement, collectivement, nous ne valorisons que très peu la maîtrise des données numériques. Elles rebutent et sont perçues comme froides et distantes. Pourtant, à peu près tout le monde connaît son poids et sa grandeur, au gramme et au centimètre près. Pourquoi ne serait-il pas de même pour les données économiques ? Les statistiques économiques ne sont pas que de froides réalités, bien au contraire. Elles nous renseignent sur notre réalité personnelle, sur les défis auxquels nous faisons face et qui peuvent influer profondément sur notre destinée. D’où l’importance de se préoccuper de la numératie de nos semblables.

À propos de ce blogue

Le monde et les temps changent. Rapidement. Le monde industriel se transforme à grande vitesse. Les régions se réinventent. Notre rapport au temps et à l’espace se bouscule très rapidement. Pour le comprendre, il faut souvent un pas de recul. C’est ce que propose cette chronique : ancrée dans l’actualité tout en portant un regard vers l’histoire qui n’est rien d’autre que notre futur. Depuis plus de 25 ans, l’économiste indépendant Ianik Marcil analyse les transformations industrielles et documente leurs impacts sur nos communautés. Ceux-ci sont multiples : économiques, bien sûr, mais aussi sociaux, environnementaux et même culturels. Sa chronique souhaite ouvrir nos horizons sur ces nouvelles réalités changeantes.

Ianik Marcil

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