­Est-il possible de battre les marchés ?


Édition de Mars 2018

­Est-il possible de battre les marchés ?


Édition de Mars 2018

Oui ! ­Mais la vraie question est de savoir si un même gestionnaire peut répéter l’exploit année après année.

Cette simple question suscite de nombreux débats depuis des décennies et, chaque année, il y a des annonces qui pourraient nous laisser croire qu’il doit être facile de battre les marchés. L’année 2017 n’a pas fait exception à cet égard. Le bond de 13 % d’Amazon après la publication de résultats supérieurs aux prévisions à son troisième trimestre ou la baisse de plus de 40 % de ­GE au cours de l’année indiquent que les marchés avaient probablement mal évalué ces deux entreprises. Mais ­est-ce vraiment le cas ?

Dans un marché aussi réglementé que celui des Bourses ­nord-américaines (et de la plupart des grandes places boursières mondiales), les entreprises doivent être très prudentes quant à la quantité de renseignements qu’elles divulguent et au moment où elles le font. Elles doivent éviter à tout prix de favoriser certains investisseurs en leur divulguant des informations privilégiées. Il est donc tout à fait normal qu’à certains moments, souvent lors de la publication de résultats financiers, de nouvelles informations soient révélées qui font que la valorisation d’une entreprise aux yeux des investisseurs change radicalement.

Ces événements, qui semblent être des anomalies, sont donc au contraire le reflet d’un marché qui fonctionne bien. Certains analystes ont ­peut-être remarqué ces anomalies à l’avance, par une recherche plus exhaustive par exemple, et ont su en profiter. Ce sont ces analystes que tout le monde voudrait engager pour gérer son portefeuille. La réalité, c’est que cette tâche est très difficile à réussir systématiquement sur une longue période.

Souvent, un analyste ou gestionnaire qui aura bien détecté une de ces anomalies pourra présenter des rendements exceptionnels pendant un certain temps, parfois quelques années. Ainsi, quelques gestionnaires ont été en mesure de faire des gains substantiels en 2008, ­peut-être par une analyse approfondie de la conjoncture économique, mais aussi ­peut-être par chance. Dans les deux cas, rien n’indique qu’ils ont la capacité de répéter cet exploit. Peu importe la raison, les investisseurs sont obnubilés par les rendements passés, et plusieurs études montrent qu’un rendement passé qui se démarque engendre une augmentation significative de l’actif sous gestion d’un gestionnaire.

Il arrive souvent que les meilleures années d’un gestionnaire soient établies avec peu d’actif sous gestion alors que les années décevantes en termes de rendement le soient avec beaucoup plus d’actif sous gestion. Ce phénomène explique en partie pourquoi, dans l’ensemble, les investisseurs se basant sur les rendements passés pour sélectionner un gestionnaire obtiennent de moins bons résultats que les indices de marchés sur une longue période.

L’autre aspect important à considérer est que les portefeuilles de titres individuels comportent moins de titres qu’un indice de marché. Le risque d’un tel portefeuille, par exemple composé de 10 titres, est beaucoup plus élevé que celui d’un indice, d’autant plus que les titres sélectionnés se retrouvent parfois dans un nombre limité de secteurs. Avec de tels portefeuilles concentrés, il faut plusieurs décennies avant de pouvoir établir avec confiance qu’un investisseur a vraiment un talent exceptionnel et que ses bons résultats ne sont pas dus principalement à la chance.

Puisqu’il y a des centaines de milliers d’investisseurs, il sera toujours possible d’en trouver ­quelques-uns qui semblent se démarquer, mais sans pouvoir le prouver avec certitude. Le même phénomène s’applique d’ailleurs à la sélection de fonds communs de placement.

Bref, ­est-ce possible de battre les marchés en sélectionnant quelques titres ? ­La réponse est oui sans équivoque. La bonne question à se poser est toutefois : ­est-ce probable de battre les marchés ? ­Dans ce cas, la réponse penche inévitablement vers la négative pour la majorité des investisseurs.

Que veut dire l’expression « battre les marchés » ?

Lorsqu’on parle de battre les marchés, on fait généralement référence à la capacité qu’a un investisseur ou un gestionnaire de portefeuille de battre un indice boursier bien connu, comme le S&P 500 ou l’indice composé S&P/TSX. En partant, cette précision laisse entendre que la sélection de titres individuels qui composent un portefeuille est le facteur le plus important à considérer.

Or, il est largement reconnu dans la communauté financière que l’allocation d’actif, soit la pondération attribuée à chacun des marchés et des catégories d’actifs, est bien plus importante que la sélection de titres individuels. En fait, l’allocation d’actif et les variations des marchés expliquent environ 90 % des variations d’un portefeuille. Lorsqu’on parle de battre les marchés, on fait donc référence au 10 % restant, inutile donc d’y passer tout son temps.

À propos de ce blogue

Ian Gascon est président de Placements Idema (www.idema.ca), un gestionnaire de portefeuille qui propose des solutions de placements personnalisées, à faible coût et utilisant des fonds négociés en bourse (FNB). «Les FNB démystifiés» est le premier blogue francophone dédié aux fonds négociés en bourse au Canada et Placements Idema est la première société au Canada à avoir lancé un service en ligne de gestion de portefeuille, maintenant mieux connu sous le terme «robot-conseiller».

Ian Gascon

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