«Aucune preuve de bulle persistante sur le bitcoin»

Publié le 06/12/2017 à 12:26

«Aucune preuve de bulle persistante sur le bitcoin»

Publié le 06/12/2017 à 12:26

Faites-moi une fleur quand on jase du bitcoin, arrêtez de me parler de tulipes! Le monde bourgeonne soudainement d’historiens des marchés financiers, avec pour champ d’expertise la vente de plantes bulbeuses dans la Hollande du XVIIe siècle. Dans le métro, à la télé, à la radio, au café, sur les réseaux sociaux… je n’avais plus autant entendu le mot tulipe depuis ma dernière visite à Keukenhof.

Oui, la plus célèbre des cryptomonnaies affiche tous les symptômes d’une fièvre acheteuse. Et les docteurs ès sciences économiques ne manquent aucune occasion de diagnostiquer une spéculation toxique et contagieuse. «Le bitcoin a la courbe de prix la plus verticale que j’ai vue de toute ma carrière», s'étonnait encore récemment Stephen Roach, maître de conférence à Yale et ancien économiste en chef de Morgan Stanley. 

Tout ça paraît tellement évident à l’heure où le BTC se fraie un chemin vers les 13000 $US. Un produit d’investissement qui a bondi de plus de 1150% en moins d’un an défie les lois de la gravité ou encore la théorie de l’efficience des marchés. Et si l’évolution du bitcoin était mesurée plus précisément qu’à vue de nez sur un graphique en bâton de hockey? Et si les indices d’une bulle étaient collectés au niveau économique, mathématique, statistique?

Voilà justement l’enquête menée tout récemment par trois chercheurs de trois écoles de commerce de Dublin et de Chelmsford. Contrairement aux recherches précédentes, ils se sont penchés sur les fondamentaux censés dicter les prix de la devise numérique, afin de détecter et d'inventorier les phénomènes de bulle.

Pour vous, chers lecteurs pressés, on sautera ici les sept pages de méthodologie basées sur la technique de Phillips et al., présentée comme particulièrement efficace pour dénicher des bulles (une sorte de système d’alarme capable de repérer l’exubérance des prix d’un actif lors d’épisodes inflationnistes).

Surtout si vous n'êtes pas sensibles à ce genre d'explications:

Passons donc directement au plat de résistance, la conclusion de l'étude.

Après analyse, «nous concluons qu’il n’y a pas de preuve claire d’une bulle persistante sur le marché du bitcoin», notent les auteurs, précisant sans intermède que «cela n’implique pas que le prix soit correct». Voilà, c'est dit. Les disciples de la «secte bitcoin», comme les dénigrent les esprits conservateurs les moins tolérants, deviendront probablement extatiques à la lecture de ces quelques lignes.

De précieuses nuances s'imposent toutefois, comme le démontre le graphique ci-dessous: si la croissance explosive de la monnaie digitale n'a pas été systématiquement accompagnée de signaux d'alerte, depuis le franchissement du seuil de 1000$ au début de l'année, il y a des intervalles distincts à considérer comme des bulles.

(Attention, passage technique) Depuis la création des cryptomonnaies, la littérature a tendance à retenir 3 composants pour expliquer la structure des prix: la difficulté de trouver un nouveau bloc dans la chaîne (reflétée par l’intensité de minage que cela requiert); la vitesse d’exécution pour compléter une opération dans le protocole (le taux de hashage; plus il est élevé, plus l’opportunité de trouver le bloc suivant et de recevoir un paiement est grande); et enfin, la liquidité des échanges.

L'enseignement qu'il faut tirer de tout ça, c'est donc que le bitcoin est bien plus qu'un attrape-nigaud à la Ponzi pour épargnants en mal de richesse. Il n'y a pas que la hausse du prix qui explique... la hausse du prix.

On se gardera néanmoins une dernière petite remarque pour la fin. L'étude rapportée ici a enregistré le comportement du bitcoin sur une période courant du 10 janvier 2010 au 9 novembre 2017. Quelque 3200 récoltes de données. Mais, depuis cette date, le prix a accessoirement gonflé de 5000$...

Si ça ce n’est pas de la belle bulle, ça mousse fort quand même!

 

À propos de ce blogue

Une nouvelle ruée vers l’or, numérique cette fois? Une arnaque, un piège sans fonds? Le débat s'est intensifié fin 2017 alors que la valeur des «monnaies virtuelles» a rapidement passé le cap des 200 milliards de dollars. De la blockchain aux kitties, en passant par le bitcoin, qui ne voudrait pas exploiter ces filons technologiques? Mine de rien est un blogue qui cherche les pépites de l’info dans le monde de la crypto.

François Remy