Twitter et le Madison Square Garden


Édition du 24 Septembre 2016

Twitter et le Madison Square Garden


Édition du 24 Septembre 2016

[Photo : Bloomberg]

Quelle est l'étape la plus difficile pour un chroniqueur ? Généralement, la difficulté se présente dès le départ : «sur quel sujet écrire ?»

C'est une chose d'avoir une idée, c'en est une autre d'être capable de l'exprimer en 800 à 900 mots sans trop s'adonner à l'étiolement qui fait bâiller.

«Il y a 3-4 affaires qui se promènent dans ma tête. Pfff...» n'ai-je pu retenir, un peu découragé, il y a quelques jours.

- Et pourquoi vous ne feriez pas simplement ça sur ces 3-4 affaires ? a rétorqué le collègue Stéphane Rolland.

Et pourquoi pas, effectivement ! Voici donc deux options d'investissement qu'on a examiné au cours des derniers jours.

Twitter peut-elle être relancée ?

La société a de la difficulté à faire croître le nombre de ses usagers, mais aussi à générer des revenus publicitaires à la hauteur des attentes du marché.

Les nouvelles ententes que Twitter (TWTR, 19,11 $ US) vient de signer avec quatre circuits professionnels nord-américains - la NFL, la LNH, les Ligues majeures de baseball et la NBA - suscitent beaucoup d'espoir.

On se promettait bien d'être à l'antenne le 15 septembre pour le premier de ces événements : le match opposant les Jets de New York aux Bills de Buffalo, de la NFL. Malheureusement, Rogers a imposé son veto sur la diffusion intégrale au Canada. Impossible de visionner.

Les échos de la presse américaine sont généralement positifs, du moins côté technique (bonne qualité d'image, intéressante présentation visuelle, etc.). Les chiffres d'audience ne sont cependant pas encore connus. Et même s'ils étaient bons, la grande question est de savoir ce que donnera la suite. Une hirondelle ne fait pas le printemps.

Si l'expérience fonctionne, le titre pourrait reprendre une force significative, à la faveur d'une reprise de la croissance du nombre d'usagers et d'une accélération des revenus publicitaires.

Qu'arrivera-t-il si l'expérience achoppe ? Cantor Fitzgerald croit que ce pourrait bien être le dernier tour de piste de la direction et que des actionnaires institutionnels feraient alors pression sur le conseil pour que la société soit mise en vente ou privatisée.

Quel est le potentiel à la hausse et celui à la baisse ?

Le titre se négocie actuellement à environ 14 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA). À titre de comparaison, Yahoo et AOL, deux entreprises qui affichaient des croissances léthargiques, ont été acquises par Verizon à 6 et 9 fois le BAIIA. C'est le scénario de référence en cas d'échec. L'ampleur du recul potentiel semble à première vue assez prononcée, mais il faut faire attention. Bien qu'inférieure à ce que souhaiterait le marché, la croissance des bénéfices de Twitter est toujours supérieure à celle qu'affichaient Yahoo ! et AOL (le consensus prévoit 25 % en 2016 et 15 % en 2017).

À l'opposé, LinkedIn est un bon repère en ce qui concerne le scénario de réussite. Elle vient d'être acquise à 25 fois le BAIIA, tandis que la croissance prévue de son bénéfice par le marché était de 35 % pour cette année et de 20 % pour la suivante.

Conclusion ?

À 14 fois le BAIIA, le titre de Twitter semble actuellement un peu trop fortement évalué en cas d'échec des initiatives. Un multiple de 11 ou 12 serait probablement plus approprié, ce qui représente un risque de chute de 15 à 20 %. L'évaluation semble toutefois trop faible en cas de réussite. Un multiple de 18 s'installerait probablement, une progression d'autour de 30 %, sans tenir compte du bond du bénéfice.

On a personnellement le feeling que ça fonctionnera. Mais le placement est davantage de l'ordre du pari sportif.

Et le Madison Square Garden ?

Si Twitter et d'autres grands diffuseurs s'intéressent à de grands événements, peut-être y aurait-il lieu de jouer les titres des producteurs de ces événements, alors ?

Il n'y a pas beaucoup d'outils qui le permettent, mais un a attiré notre attention : Madison Square Garden (MSG, 171,35 $ US). La société est propriétaire du légendaire amphithéâtre de New York, des Rangers, de la LNH, des Knicks, l'équipe de basketball de la NBA, de même que des deux clubs-écoles. Elle détient aussi le Chicago Theatre, le L.A. Forum, le Beacon Theatre et le Wang Theatre, où elle produit un certain nombre de spectacles.

La NBA amorce cette année un nouveau contrat pour les droits télé qui s'étendra jusqu'en 2024-2025. Cette nouvelle entente contient des majorations significatives : les droits annuels à verser au circuit passent de 930 M$ US à 2,6 G$ US par année.

Pendant ce temps, l'entente de 2011 de la LNH sur les droits de télé aux États-Unis arrive à mi-chemin, et son renouvellement, en 2021, devrait normalement aussi conduire à une forte hausse de redevances versées aux Rangers. L'entente canadienne intervenue avec Rogers et Québecor en 2013 est deux fois plus importante que l'entente américaine de 2011.

Sachant que les deux équipes représentent à elles seules 44 % des flux de trésorerie opérationnels actuels de Madison Square Garden, il semble y avoir là un intéressant potentiel de création de richesse au cours des prochaines années.

Allons-y tout de suite ? Humm...

Les titres des équipes professionnelles se négocient à des niveaux d'évaluation qui sont souvent déconnectés des valeurs économiques traditionnelles. Elles se négocient à des prix très élevés pour la rentabilité qu'elles affichent.

Sur la base de ces forts multiples, en intégrant les retombées attendues de la nouvelle entente avec la NBA, la maison Loop Capital calcule que la valeur de l'action de Madison Square Garden devrait se situer à 216 $ US. Elle en fait sa cible. JP Morgan et FBN Securities ont des cibles apparentées.

Le hic est que la plus-value du contrat de la NBA est déjà intégrée dans les cibles des analystes et qu'on n'est pas très sûr que les hauts multiples sur lesquels s'appuient ces cibles tiendront jusqu'au nouveau contrat de la LNH.

Les Braves d'Atlanta, auxquels Forbes accorde une valeur de 1,17 G$ US en se basant sur ces hauts multiples (stade inclus), n'affichent aujourd'hui en Bourse qu'une capitalisation d'environ 610 M$ US (BATRA, 17,20 $ US). Les Braves sont une des pires équipes du baseball majeur. Mais si une contre-performance sportive est l'équivalent d'une récession, l'exemple illustre qu'en cas de récession, l'ajout de valeur du nouveau contrat de la NBA et de celui à venir de la LNH pourrait fort bien être plus qu'effacé par la diminution de l'intérêt pour les trophées de chasse.

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Twitter (TWTR, 19,11 $ US)

28 Conserver

4 Acheter

2 Vendre

2 Surperformance

5 Sous-performance

Cours cible : 16,40 $ US

Source : Bloomberg

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?