SNC-Lavalin: le cadeau à monsieur Duhaime

Publié le 04/04/2012 à 09:18, mis à jour le 04/04/2012 à 09:18

SNC-Lavalin: le cadeau à monsieur Duhaime

Publié le 04/04/2012 à 09:18, mis à jour le 04/04/2012 à 09:18

Le moins que l'on puisse dire c'est que SNC-Lavalin en traverse une difficile. Après l'affaire des fonds disparus il y a une semaine, et celle du Bangladesh lundi, en voici une troisième: le cadeau à Pierre Duhaime.

La circulaire de l'entreprise révèle que l'ex-chef de direction recevra une indemnité de départ de plus de 4,9 M$. Tout aussi surprenant: tandis que les dirigeants de SNC soutenaient la semaine dernière que monsieur Duhaime avait remis sa démission, la circulaire indique plutôt qu'il a été "relevé de ses fonctions".

"Relevé de ses fonctions", mais "pour une raison autre que pour un motif valable", lit-on aussi dans les notes de bas de page.

SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

Comment peut-on relever quelqu'un de ses fonctions pour une raison autre qu'un motif valable? C'est fréquent. Deux gestionnaires ont de la difficulté à s'entendre sur les orientations d'une entreprise, l'un devra évidemment quitter. On mettra fin à son contrat pour une raison autre qu'un motif valable et il sera indemnisé.

Pour Pierre Duhaime, la chose est cependant différente. Il a commis une faute en décidant d'approuver unilatéralement des paiements de 56 M$ pour des motifs dont on ne connaît toujours pas la finalité. Savait-il à quoi était destiné cet argent? Pourquoi a-t-il approuvé ces paiements? On ne le sait toujours pas, et il est difficile de savoir s'il a commis une simple erreur de négligence (ce qui n'efface pas juridiquement son droit à une indemnité) ou une faute lourde (ce qui a de grandes chances de l'effacer).

Il y a une semaine, le président du conseil laissait entendre que la faute de monsieur Duhaime en était davantage une de négligence dans le feu de l'action et que son départ était surtout commandé par un motif d'imputabilité. Une faute, mais pas lourde. D'où l'indemnité.

Il y a une semaine, la société parlait aussi malheureusement d'une démission plutôt que d'un congédiement. C'est toute une différence. Si bien qu'en matière de crédibilité, le conseil d'administration souffre actuellement d'un important déficit.

Dans le contexte, la possibilité d'une faute lourde ne peut être écartée et les actionnaires institutionnels de SNC-Lavalin qui ont à cœur une saine gouvernance devraient demander des comptes et des détails supplémentaires au conseil sur ce qu'a dit monsieur Duhaime lors de l'enquête. La divulgation de SNC ne va pas assez loin sur ses agissements.

En l'absence de ces détails, l'indemnité de départ versée à l'ancien chef de direction est susceptible de donner l'impression soit d'un cadeau fait à quelqu'un qu'on aimait bien, soit d'un achat de silence.

Le dévoilement des détails permettrait de mieux apprécier la gravité de la faute. Si celle-ci est d'une nature davantage liée à l'imputabilité, la crédibilité du conseil y gagnera. Il sera difficile de l'attaquer et de dire qu'il devait totalement renier les clauses prévues au contrat d'embauche de monsieur Duhaime en cas de cessation d'emploi. S'il s'avère cependant que la faute est lourde, l'actionnariat devra se demander s'il n'y a pas lieu de réfléchir à quelques réaménagements au conseil d'administration.

 

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?