C'est avec surprise qu'on a appris le remerciement du grand patron de SNC-Lavalin, Robert Card, et son remplacement par le chef de l'exploitation, Bruce Neil. Pourquoi M. Card doit-il partir ? Il se pourrait que ce soit à la suite d'une décision qu'on cautionnait à l'époque, et qui nous aurait probablement valu aussi d'être remercié.
À la première croisée des chemins, Robert Card n'avait pas fait forte impression. C'était à l'assemblée annuelle de SNC, au printemps 2013, et le grand patron ne savait pas que son entreprise ne pouvait plus soumissionner aux contrats d'Hydro-Québec (parce qu'elle avait décroché le projet de Muskrat Falls, concurrente d'Hydro). C'était pourtant en une de La Presse... le matin de l'assemblée.
Notre impression allait cependant évoluer au fil des rencontres. C'est un Robert Card beaucoup plus charismatique et semblant avoir les commandes bien en mains qui rencontrait l'équipe éditoriale de Les Affaires, six mois plus tard.
La stratégie était cette fois nettement plus claire que lors de l'assemblée des actionnaires. SNC comptait se départir d'un certain nombre de ses concessions - des placements comme celui dans le transporteur d'électricité albertain AltaLink (vendu depuis) et celui dans l'autoroute 407 - afin de financer de nouveaux investissements dans le secteur de l'ingénierie et de la construction. Les concessions avaient permis de sauver le fleuron québécois au moment de la crise de gouvernance, leur valeur rassurant le marché. Mais le rendement sur l'investissement qu'elles étaient susceptibles d'offrir dans l'avenir était inférieur à celui d'investissements en ingénierie-construction.
L'objectif : doubler la taille de SNC sur environ cinq ans.
Par la suite, on allait apprendre à mieux apprécier encore M. Card pour son style direct et franc. À la différence de bon nombre de chefs de direction, il ne cherchait pas à esquiver les questions et répondait sans trop de détours.
Pourquoi part-il ?
Si sa stratégie était bonne, et si son style plaisait, alors pourquoi part-il ?
Les résultats de SNC-Lavalin ont été inégaux sous sa gouverne. Teintés par de vieux contrats de l'ancien régime qui amenaient des pertes, mais dont on ne pouvait interrompre l'exécution. Au dernier trimestre 2015, les choses se sont compliquées pour lui. Quelques contrats obtenus pendant qu'il était en poste ont commencé à engendrer des pertes, en raison d'imprévus dans l'exécution et la planification (l'Evergreen Line de Colombie-Britannique et l'achèvement de la phase 1 de l'autoroute 407 Est).
Le réflexe est de dire qu'avec l'obtention récente de deux contrats majeurs, le pont Champlain à Montréal et le transport léger sur rail d'Eglinton, il n'était plus question de courir de risques et il valait mieux installer un nouveau contremaître.
Pas vraiment. Les administrateurs de SNC ont en effet commencé à parler à M. Card d'un processus de transition (il reste conseiller spécial) il y a... neuf mois !