Pouliot - Régimes de retraite: Labeaume, Montréal et la passe du coyote

Publié le 19/12/2013 à 14:52

Pouliot - Régimes de retraite: Labeaume, Montréal et la passe du coyote

Publié le 19/12/2013 à 14:52

BLOGUE. Vous trouvez qu'il y a de la confusion dans le dossier des régimes de retraite? Vous croyez que le maire de Québec, Régis Labeaume, exagère avec sa demande de partage du déficit passé à 50-50 avec les employés? Attachez bien votre tuque, ce n'est pas du tout ce qu'il demande. Et il se pourrait bien que Montréal ait finalement demandé nettement plus au gouvernement sans que personne ne s'en aperçoive.

La ministre Agnès Maltais nous a un peu pris par surprise, il y a quelques jours, en annonçant que les municipalités ne seraient finalement pas soumises à la méthode de la capitalisation améliorée pour évaluer la hauteur de leur déficit actuariel.

Le développement est passé à peu près inaperçu, mais il est majeur. L'adoption de la capitalisation améliorée visait à diminuer le risque de déficits futurs. Mais elle avait eu pour effet de faire doubler les déficits actuariels du passé, à la fois à Montréal et à Québec. Vous avez bien lu, doubler.

C'est ce qui fait que l'on trouvait logique la demande de Régis Labeaume de réclamer une séparation de la facture avec les employés. Depuis quelques années, celle-ci avait beaucoup monté pour le contribuable et il était défendable que l'on refuse un nouveau bond.

Nouvelle surprise cependant. Le jour de l'annonce, monsieur Labeaume répète qu'il demande un partage 50-50 du déficit passé.

Étonnante position, qui ne cadre plus du tout avec notre lecture de la situation. C'est une chose de demander 50-50 quand votre déficit va doubler, c'en est une tout autre de tenter de couper en deux le renflouement que l'on fait déjà. Le maire de Québec serait-il en train de tenter une passe du coyote pour renvoyer de l'argent aux citoyens ou encore réinvestir des économies éventuelles dans d'autres services?

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Échanges de courriels avec la Ville de Québec, et finalement, entretien avec le maire.

Nouvelle surprise. Non, le maire n'est pas en train de tenter la passe du coyote. Malgré l'impression générale, il ne demande pas aux employés actuels d'assurer 50% du déficit passé, mais, plutôt… 12%!

La Ville avait initialement présenté cette revendication quelques semaines avant le rapport D'Amours, a-t-on pu constater en remontant les communiqués.

Mais, en commission parlementaire sur le rapport D'Amours, monsieur Labeaume n'avait pas jugé à-propos d'apporter ces nuances. Il était allé au plus simple en indiquant que ce qu'il désirait c'était la capitalisation améliorée et un partage du déficit 50-50. Même chose en campagne électorale.

D'où vient ce 12%?

Sur la base de la dernière évaluation actuarielle officielle, le déficit de la Ville est de 516,5 M$. Il comprend en fait trois déficits: celui de l'ex-Ville, celui des retraités et bénéficiaires, et celui des employés actifs. La Ville demande un partage 45-55 du déficit des employés actifs (131,2 M$). Elle est prête à continuer d'assumer totalement le déficit de l'ex-Ville de Québec (234,1 M$). Elle veut négocier avec les employés retraités et les bénéficiaires pour une réduction de l'indexation pour leur portion de déficit (151,2 m$). La contribution recherchée des employés actifs est donc de 12% du total.

Les chiffres vont un peu changer, parce que la Ville a annoncé cette semaine que son déficit actuariel se situait à 485 M$ (évaluation non officielle), grâce à une meilleure performance des marchés. Rien pour modifier significativement ce qu'on vient d'expliquer toutefois.

Oui, mais, à 485 M$, vaut-il encore la peine de chiquer la guenille?

Avec la nouvelle baisse du déficit actuariel (de 516 à 485 M$), les renflouements nécessaires de la Ville devraient théoriquement baisser. Dans ce contexte, est-il sage de continuer à chiquer la guenille avec les employés?

La difficulté est que, en raison de l'entrée en vigueur de nouvelles tables de mortalité, l'administration prévoit que le déficit actuariel grimpera à 860 M$ en 2014.

C'est un bond assez prodigieux. Et il semble ici que la Ville joue d'une prudence excessive dans ses hypothèses, prudence qui a pour effet de gonfler à excès le nouveau déficit anticipé. Elle prévoyait en effet dans sa dernière évaluation que les changements aux tables de mortalité feraient augmenter le déficit entre 60 M$ et 160 M$ (le passif grimperait de 3 à 8%). En retenant la pire des hypothèses, on arrive à un déficit qui gonflerait plutôt entre 645 et 676 M$ en 2014.

Quoi qu'il en soit, au final, monsieur Labeaume peut toujours plaider qu'il cherche encore à protéger le contribuable d'une nouvelle hausse. Que le déficit passe de 516 M$ à 645-675 M$, plutôt qu'à 860 M$, le bond demeure tout de même appréciable.

Le plus comique de l'histoire

Le plus comique de toute cette histoire, c'est que pendant qu'il se faisait tout un tabac à Québec pour un renflouement de caisse qui, dans le fond, ne représentait que 2% de la masse salariale, Montréal semblait adopter une position conciliante.

Or, en commission parlementaire, tout juste avant les élections, l'administration montréalaise demandait de pouvoir réduire de façon unilatérale, pour tous les groupes d'employés, les prestations jusqu'à un maximum équivalent à 20% du passif actuariel de capitalisation. C'était l'équivalent de demander un partage 50-50 du déficit actuariel, comme on pensait que Québec le demandait.

Il n'est toujours pas clair dans notre tête si, lors de la proposition d'adoption de la méthode de capitalisation améliorée, monsieur Labeaume avait toujours pour volonté d'exclure du renflouement le déficit de la vieille Ville de Québec. Mais, c'est ce que l'on croit comprendre. Ce qui fait que, au final, tout au long du processus, Montréal aurait demandé plus que la Ville de Québec.

Où en est-on maintenant?

Après maintes incompréhensions, on sait aujourd'hui que Québec demande à ses employés actifs de renflouer environ 12% de ce qui est actuellement le déficit global. Et aux retraités de faire un bout de chemin sur l'indexation (ce qui n'est pas chose faite).

Il reste maintenant à voir combien Montréal demandera à ses employés. La nouvelle administration Coderre ne s'est toujours pas prononcée.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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