Pouliot - LNH: qui gagne, qui perd entre Bell, Rogers et TVA?

Publié le 27/11/2013 à 12:49

Pouliot - LNH: qui gagne, qui perd entre Bell, Rogers et TVA?

Publié le 27/11/2013 à 12:49

BLOGUE. C'est une solide mise en échec que viennent de servir Rogers, CBC et TVA à Bell Média. Qui donne cependant aussi l'impression de faire sauter la banque. Qui perd et qui gagne le plus?

Rogers sort 5,2 G$ sur 12 ans pour obtenir la plupart des droits de diffusion de la LNH au Canada. L'entente est historique: la somme décaissée atteint un niveau sans précédent, et elle touche toutes les plateformes de diffusion (télé, web, mobile).

Afin de refinancer une partie de sa mise, Rogers fait équipe avec CBC au Canada anglais, qui continuera de télédiffuser les matchs du samedi soir en permettant à sa partenaire de retenir tous les revenus publicitaires. Elle s'entend aussi avec TVA, qui pourra diffuser sur sa grande antenne, sur TVA Sports et sur les autres plateformes Québecor, au moins 22 matchs du Canadien de Montréal, tous les matchs des équipes canadiennes, 160 matchs d'équipes américaines, et les lucratives séries éliminatoires.

Quel est l'impact pour Bell?

C'est une nouvelle très surprenante, qui ne sera pas sans effet sur la stratégie de Bell Media.

SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

En 2010, en regardant sur son portable la finale olympique de hockey féminin entre Whistler et Vancouver, George Cope avait eu une épiphanie. L'avenir est là, s'était-il dit. BCE allait sérieusement revenir dans le secteur du média en s'appuyant sur le sport pour donner du levier à ses produits de télécommunications.

Déjà propriétaire et partenaire du Canadien de Montréal, BCE rachetait quelques mois plus tard la totalité de CTV, et prenait le contrôle de ses chaînes sportives TSN et RDS.

Puis, en 2011, elle prenait une importante participation dans Maple Leaf Sports and Entertainment (avec Rogers et le régime de retraite de BCE), propriétaire des Maple Leafs et des Raptors.

Voilà aujourd'hui qu'elle ne détient plus que 25 à 30 matchs des Leafs, une soixantaine des Jets de Winnipeg, et, vraisemblablement, une soixantaine du CH (on dit vraisemblablement parce qu'il lui faut négocier leur conservation). Le reste est totalement à l'ennemi.

La stratégie sportive sur laquelle elle comptait bâtir est à l'évidence lourdement hypothéquée. Il lui sera désormais nettement plus difficile de déployer des initiatives de contenus multiplateformes uniques.

Un dur coup stratégique donc.

Un dur coup financier pour autant?

Les meilleures transactions sont parfois celles que l'on ne fait pas.

L'acquisition des Maple Leafs et des Raptors avait coûté 1,2 G$ au consortium d'acheteurs en 2011. Qu'est-ce qui est le plus intéressant: payer 1,2 G$ pour un actif qui donnera du rendement pendant une éternité ou payer 5,2 G$ pour un actif qui ne donnera des revenus que pendant 12 ans?

On ne sait pas trop comment s'est déroulé le processus d'octroi des droits, mais Bell semble en être venue à la conclusion qu'elle ne pourrait pas récupérer sa mise en décaissant pareille somme. Et que le recul de rentabilité serait plus important encore pour elle que celui qu'enregistreront maintenant RDS et TSN.

Sachant que l'approche stratégique reposait surtout sur des espoirs futurs, il n'est pas clair que Bell perde finalement autant que l'on pourrait le penser.

C'est dur pour l'ego, de même que pour l'état financier. Mais surenchérir aurait plombé encore davantage l'état financier et exposé l'ego à encore plus de grogne des actionnaires.

Quel est l'impact pour Rogers et TVA?

Si Bell n'a pas fait l'effort financier nécessaire et semble prête à sacrifier sa stratégie, les concurrentes font-elles dans ce cas une importante erreur financière?

Pas nécessairement.

Rogers paie 5,2 G$, mais peut en refinancer une partie en s'emparant de la marge bénéficiaire de CBC le samedi soir (et en espérant la faire grimper). Elle reçoit aussi certainement une somme significative de TVA, qui lui permet d'abaisser ses coûts.

Pour TVA, il est plus difficile de voir. L'auteur du plan d'affaires nous assurait mardi que l'opération serait rentable à terme.

Il n'y a pas de doutes que TVA Sports gagnera en abonnés. Elle en compte actuellement un peu plus de 1,6 millions alors que RDS en a 3,5 millions. Ses tarifs publicitaires grimperont aussi assurément.

Suffisamment pour éponger les nouveaux droits et les charges de production supplémentaires?

On est personnellement sceptique là-dessus.

Quelque chose nous dit cependant qu'il y a aussi dans l'opération une volonté de Pierre Karl Péladeau de démontrer à la Ligue nationale qu'il est un interlocuteur sérieux.

Qui gagne, qui perd?

Bell perd assurément sur toute la ligne. Rogers et TVA gagnent stratégiquement, mais c'est moins sûr au plan financier.

La véritable gagnante est probablement la région de Québec.

Une thèse veut que Bell soit une partenaire si estimée de la LNH que cette dernière hésite à affaiblir ses marchés (Montréal et Toronto) en y accueillant d'autres équipes. Les derniers développements viennent de fortement affaiblir la thèse.

SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?