Pouliot - L'impact de Lac-Mégantic sur le CN, le CP et MMA

Publié le 11/07/2013 à 15:50, mis à jour le 11/07/2013 à 17:19

Pouliot - L'impact de Lac-Mégantic sur le CN, le CP et MMA

Publié le 11/07/2013 à 15:50, mis à jour le 11/07/2013 à 17:19

BLOGUE. Il est difficile d'écrire froidement sur la tragédie de Lac-Mégantic. Particulièrement lorsque souffle un vent de juste colère sociale. Quel sera l'impact de l'événement sur le CN, le CP et MMA?

La situation de MMA est à part. Ça sent la faillite. Et on peut se demander si Québec et Ottawa ne devront pas éventuellement racheter le tronçon ferroviaire et financer à perte son exploitation. On y revient en fin de chronique.

Commençons par l'impact sur le CN et le CP. Avec une analyse en deux temps.

D'abord sur les revenus, ensuite sur les dépenses.

Les revenus

La meilleure façon de regarder les choses est probablement d'envisager le pire scénario pour l'industrie et de s'interroger sur ce qui serait perdu si jamais les autorités décidaient de stopper les livraisons de pétrole par rail.

L'analyste Cameron Doerksen, de Financière Banque Nationale, calcule que, à la fin de l'année, les revenus provenant du transport pétrolier devraient peser pour 3 à 5% des revenus totaux du CN et pour 7 à 10% de ceux du CP.

Précisons que lors de sa dernière conférence téléphonique avec les investisseurs, le CP avait aussi livré un aperçu de ce que pourrait être la croissance de ses volumes pétroliers sur l'horizon 2015. Dixit Salman Partners, le transport du pétrole pourrait augmenter les revenus totaux du transport de marchandise de 4% sur l'horizon 2015.

Constat?

L'exercice permet de voir que, malgré les croissances époustouflantes qui ont été enregistrées ces dernières années, le poids du transport pétrolier demeure assez modeste dans le grand tout des choses. Et que l'impact de la croissance à venir sur le bénéfice total demeure somme toute modeste.

Si, du jour au lendemain, on interdisait le transport pétrolier, l'impact serait senti pour le CN et le CP, mais certainement pas dévastateur. Les changements de vitesse des économies nord-américaine et mondiales ont beaucoup plus d'impact.

Qui plus est, la probabilité de matérialisation de ce « pire scénario » est quasi-nulle.

L'enjeu économique est trop important pour les pétrolières, qui ont besoin de sortir le brut, et pour toutes les raffineries du nord-est américain.

On ne parle pas des autres produits dangereux, parce qu'il serait encore plus dangereux de les faire voyager sur route.

Sur les revenus, donc, impact probable assez limité.

Les coûts

Passons maintenant aux coûts. Il est assez clair que ceux-ci grimperont. À différents endroits: installation d'enregistreurs de communications, ajout de personnes en charge, resserrement des normes d'entretien et d'inspection, etc.

Encore ici cependant, il est difficile d'envisager des hausses déstabilisantes pour le plan d'affaires.

Dans le pire des cas, les fameux wagons DOT-111, dont l'achat est aujourd'hui interdit, mais que l'on tolère encore jusqu'à leur fin de vie utile, pourraient être mis hors service. Les nouveaux wagons sont apparemment nettement plus dispendieux et c'est tout un investissement de remplacement qui serait demandé. Il faut cependant savoir que ces wagons sont rarement la propriété des sociétés ferroviaires et souvent celle des pétrolières. Ou encore des fabricants, qui les louent. Pas d'impact pour les transporteurs.

Il y aura sans doute aussi tout un débat sur la nécessité de dévier les voies ferrées pour éviter les villages. Les sociétés pourraient être appelées à investir. Mais ces investissements ne peuvent être très élevés. Du moment où ils auraient pour effet de détruire le rendement en provenance des activités de transport pétrolier, il deviendrait plus avantageux pour les sociétés de train de complètement abandonner celui-ci. Ce qui, on l'a vu, soulèverait un puissant lobby pétrolier. Rappelons en outre que les bénéfices générés par le transport pétrolier ne sont pas énormes (le pétrole ne représente que 3 à 5% des revenus au CN).

C'est Québec et Ottawa qui devraient vraisemblablement assumer les coûts de déviation des villages. Ce qui apparaît quasi-impossible, dans le contexte où les deux gouvernements ont déjà de la difficulté à maintenir en état les infrastructures routières.

Certains coûts en vue pour le CN et le CP, donc, mais pas la catastrophe.

MMA semble en route vers la faillite

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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