Pouliot - Blackberry: l'instant de vérité

Publié le 13/08/2013 à 09:31, mis à jour le 13/08/2013 à 11:49

Pouliot - Blackberry: l'instant de vérité

Publié le 13/08/2013 à 09:31, mis à jour le 13/08/2013 à 11:49

Photo:Bloomberg

La décision de Blackberry de nommer un comité stratégique afin d'examiner ses options signale sa nette intention de se mettre en vente. Le moment de vérité arrive, à la fois pour les actionnaires de l'entreprise et l'économie canadienne.

Il y a un peu plus d'un an, en juin 2012, la société avait aussi créé un comité du genre, qui avait examiné les options disponibles. Si autre chose que la vente était aujourd'hui en mire, il ne servirait à rien de créer un nouveau comité puisque les recommandations de l'ancien groupe pourraient être mises en place par le conseil d'administration.

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On notera en outre la démission de l'administrateur Prem Watsa, grand patron de Fairfax, qui détient près de 10% de la société, et dont Blackberry explique le départ par le souci d'éviter un éventuel conflit d'intérêt.

À l'évidence la nouvelle famille Blackberry 10 ne connaît pas les succès que l'on aurait souhaité. Les marchés du Canada et de la Grande-Bretagne n'ont pas répondu avec l'enthousiasme espéré au dernier trimestre. Quelque 2,7 million de BB10 ont été expédiés alors que le consensus des analystes se situait autour de 3-3,5 millions d'unités.

Il est un peu tôt pour juger de ce que sera la réaction du marché US, où les appareils ont été introduits plus tardivement, mais les premiers coups de sonde sont également décevants.

Qui achètera Blackberry

Des rumeurs ont émergé il y a quelques jours à l'effet que la société pourrait être privatisée. La démission de Prem Watsa permet de se demander s'il ne sera pas en première ligne pour racheter l'entreprise avec un groupe de financiers. Il y a quelques jours, l'Office d'investissement du RPC, le pendant canadien de la Caisse de dépôt, disait qu'il serait certainement intéressé à étudier une prise de participation dans une éventuelle privatisation.

Dans une récente entrevue au collègue Hugo Joncas, monsieur Watsa avait confié voir de la valeur dans l'entreprise. Il avait cité sa technologie à la fine pointe et ses 72 millions d'abonnés.

La privatisation de l'entreprise par des investisseurs financiers est ce qui pourrait s'avérer le mieux pour tout le monde.

En publiant ses derniers résultats, Blackberry est en effet venue confirmer au marché que son appareil ne suscitait pas l'engouement nécessaire au lancement d'une mode dans le public. Acheter un Z10 ou un Q10 (la version à clavier traditionnel) n'est pas "in", et leurs descendants risquent de ne pas l'être tant que l'on publiera des résultats au grand public.

Une entreprise privée aurait plus de latitude. Ses efforts marketing pour donner du "spin" ne seraient pas contrecarrés par l'obligation de publier des résultats financiers trimestriels empêchant à chaque trois mois une prise d'élan. Une stratégie de mise en marché plus long terme et mieux réfléchie pourrait être adoptée.

Une privatisation par des investisseurs empêcherait aussi un démantèlement possible de Blackberry et conséquemment la perte d'un important savoir technologique et d'emplois de pointe au Canada.

Attendez-vous cependant à voir aussi circuler des noms d'acheteurs stratégiques comme Microsoft, IBM, Samsung ou Google. Ces noms ont, à un moment ou à un autre, déjà circulé dans le passé.

Certains ont d'ailleurs en théorie un avantage sur des investisseurs financiers. Samsung et Google, par exemple, pourraient théoriquement agrandir leur base de client, se saisir de la technologie et des brevets, pour par la suite se délester des coûts de main-d'œuvre. Les investisseurs financiers ne pourraient pas se délester d'autant de main-d'œuvre.

Il reste à voir cependant comment Ottawa réagirait à une offre provenant d'un investisseur stratégique étranger. Le gouvernement pourrait peut-être apposer son véto, comme il l'a fait avec Potash, au motif que l'actif est d'une importance stratégique (Blackberry n'est pas encore menacée de faillite). Ou encore assortir son autorisation de l'obligation de maintenir un certain nombre d'emplois et d'investissements en R&D.

Quel prix pour les actionnaires?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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