Pont de Québec: avoir l'air fou à la face du monde

Publié le 31/05/2016 à 19:22

Pont de Québec: avoir l'air fou à la face du monde

Publié le 31/05/2016 à 19:22

On n'a pu retenir un éclat de rire et une réflexion, en fin de semaine, lorsque le député de Louis-Hébert, Joël Lightbound, a indiqué qu'il favoriserait davantage un troisième lien entre Québec et Lévis que la peinture du vieux pont de Québec.

«On ne trouve pas l'argent pour entretenir la maison, alors, ajoutons-en une nouvelle…!».

Donnons la chance au coureur, la situation est complexe.

Il en coûterait entre 350 et 400 M$ sur 15 ans pour peinturer au complet le pont de Québec, dont la rouille est de plus en plus en plus apparente et vient défigurer la structure. Le CN, propriétaire du pont, refuse de procéder à l'investissement, arguant que la structure n'est pas en danger et que l'entente qu'elle a avec le gouvernement du Québec ne la force qu'à garantir sa sécurité. Les tribunaux lui ont donné raison.

Les Conservateurs s'étaient commis pour 75 M$ dans la peinture du pont de Québec, à une époque où les évaluations de coûts du CN étaient contestées et jugées trop élevées.

Après étude du dossier, les libéraux jugent que l'évaluation de 350 à 400 M$ est ce qu'il en coûtera réellement. La facture est colossale, son ampleur s'explique en partie par des raisons environnementales. La vieille peinture du pont contient du plomb. Elle doit être récupérée lorsque sablée pour ne pas tomber dans le fleuve.

Devant cet état de fait, le fédéral a décidé qu'il ne mettrait pas plus que le 75 M$ promis, et offert à la région de plutôt le mettre ailleurs, dans d'autres projets d'infrastructures.

D'où la déclaration du député Lightbound à propos d'un troisième lien. Une déclaration qui, croyait-on initialement, n'aurait pas de suite, mais le ministre responsable de la région de Québec, Jean-Yves Duclos, en a rajouté mardi en indiquant que son gouvernement «aurait un peu l'air fou et qu'il se sentirait très irresponsable de défendre cette idée» (de repeindre le pont à un coût de 400 M$).

Le maire de Québec, Régis Labeaume est en furie. Il accuse Ottawa de renier son engagement électoral de régler le dossier et soutient qu'il cherche maintenant à faire diversion avec le troisième lien.

Le maire a raison.

Lier ce 75 M$ à un troisième lien qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation de coûts sérieuse est curieux. Monsieur Labeaume avance un coût potentiel de 2 à 3 G$ pour un lien sous-fluvial (un lien par pont semble difficile en raison de la grande profondeur du fleuve dans le secteur de l'île d'Orléans). Si Ottawa est prêt à aller à ces niveaux, il peut bien mettre 200 M$ aussi sur le pont de Québec pour sa peinture. On demeure dans des niveaux apparentés. S'il n'est pas prêt à aller à ces niveaux, à quoi bon amener la discussion de ce côté?

La véritable question dans ce dossier, et elle vient encore du maire: si on ne repeint pas le pont de Québec, alors on le laisse continuer à rouiller dans les prochaines années?

L'infrastructure est reconnue comme lieu historique national par Ottawa. Avec le Château Frontenac, elle est l'emblème et la porte d'entrée de Québec, capitale francophone de l'Amérique du nord et ville canadienne la plus riche au plan historique et touristique.

Il est vrai que cet investissement n'amènerait rien en termes d'amélioration de l'efficacité du transport urbain. Mais ce n'est pas sur ce motif qu'il doit être envisagé plus sérieusement.

Oui, pour reprendre l'expression de monsieur Duclos, le fédéral aurait peut-être l'air «un peu fou» de défendre le projet. Mais, à défaut, c'est le Canada et sa capitale provinciale qui auront dans quelques années cet air. À la face du monde…

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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