Nordiques: pourquoi la LNH ne semble pas favorable à Québec

Publié le 16/06/2016 à 23:13

Nordiques: pourquoi la LNH ne semble pas favorable à Québec

Publié le 16/06/2016 à 23:13

Ainsi, ce ne sera pas pour cette fois. La Ligue nationale de hockey s'apprête à accorder une franchise à Las Vegas, mais Québec devra patienter.

Où est l'os qui bloque l'affaire?

Un certain nombre de commentateurs semblent croire que c'est Québecor qui a finalement reculé en raison du 500 M$ US (650 M$ CAN) demandé par la LNH.

On ne parierait pas là-dessus. Pour avoir suivi l'entreprise depuis plusieurs années, et même baigné un temps dans sa culture, ce n'est pas le genre de la maison. Lorsqu'elle croit en quelque chose, si les chiffres ou les prix qui se présentent ne sont pas ceux attendus, elle a généralement le réflexe de pousser encore plus sur son modèle opérationnel pour gagner en rentabilité.

L'impression est plutôt que le refus vient de la LNH.

Pourquoi la LNH a des raisons de dire non

Plaçons-nous dans les souliers de Gary Bettman. Vous entrez sur Las Vegas et Québec et pourriez recevoir 1G$ US. Le but est d'avoir l'argent, mais aussi de contribuer à maintenir la valeur des franchises et même de leur ajouter une plus-value.

Il ne faut cependant pas rater son coup. Si vous êtes un franchiseur et que vous ouvrez trop de franchises qui ne sont pas rentables, que finira-t-il par arriver? Le trouble. Certains voudront vendre ou finiront pas demander à être soutenus, de différentes façons. Plus ils sont nombreux, plus la grogne est forte. Et les tensions finissent généralement par se transporter devant les tribunaux. La valeur de l'ensemble devient alors sous pression.

C'est déjà compliqué pour quelques équipes de la LNH. Vous êtes Bettman ou un gouverneur chargé d'étudier les candidatures. Allez-vous prendre le risque de vous retrouver avec une expansion dans deux marchés qui battront de l'aile et viendront éventuellement accentuer vos problèmes actuels?

Les deux marchés sont incertains

Las Vegas est un marché que l'on dit prometteur, avec 2,2 millions de résidents (région métropolitaine) et 40 millions de visiteurs par année. Il n'y a toutefois pas qu'un seul spectacle en ville. Il reste à voir si la nouvelle franchise sera en mesure de remplir son amphithéâtre. Des échos de presse font état de dépôts pour 13 000 billets de saison, mais il ne s'agit que de dépôts et il y a apparemment dans le compte des moitiés de billets de saison et même des quarts de billets de saison. Le marché est incertain. Il est attrayant, mais non sans risque.

Celui de Québec est malheureusement aussi incertain. Bien que pendant quelques mois, il y ait eu de l'espoir.

Il est en effet intéressant de comparer Québec avec Winnipeg.

Certains diront qu'Ottawa est un meilleur comparable. Et que grâce à ses plateformes médias (surtout TVA Sports) Québecor a plus de levier que Winnipeg. C'est faux pour Ottawa, qui est plus riche; c'est vrai pour les plateformes. Mais lorsque l'on jauge son risque il est préférable de le faire à partir d'un scénario conservateur, et non d'un scénario optimiste.

Il y a eu de l'espoir pendant quelques mois parce qu'en 2014-15, selon Forbes, les Jets ont fait 10 M$ de bénéfice. Comparativement à 3 M$ l'année précédente.

C'est un chiffre fort honorable, qui classe le marché 14e sur 30 en termes de rentabilité. Pas vraiment d'inquiétude de viabilité.

On s'est longuement interrogé sur comment le bénéfice avait pu grimper aussi abruptement en si peu de temps. La masse salariale est demeurée à peu près la même et Winnipeg n'a pas fait une grande percée en séries éliminatoires. La force de la rentabilité semble en partie attribuable aux redevances obtenues grâce à la nouvelle entente sur les droits de télévision au Canada. Une entente de 5,2 G$ sur 12 ans, qui bénéficie aussi aux joueurs, et dont les paramètres de distribution ne sont pas connus.

Peu importe l'explication cependant, la rentabilité de Winnipeg est passée de marginale à potable. Ce qui envoyait un bon signal pour le marché de Québec.

Pourquoi prétendre que la LNH se fait probablement tirer l'oreille dans ce cas?

Au début de la saison 2014, le dollar US était à 1,08$ CAN. Au printemps 2015, il était à 1,28$ CAN. Une appréciation de 18%, qui a été graduelle sur l'année. Il est probable que le risque de change des Jets était protégé par des opérations de couverture sur les marchés à terme.

Une chose est certaine cependant, si vous enlevez l'effet de protection sur la devise, ce qui arrivera un jour, et faîtes grimper de 15% la masse salariale des joueurs de Winnipeg en dollars canadiens, l'augmentation est de 12 M$ CAN.

Bref, dépendamment des niveaux de protection qui étaient en place, il est probable qu'il n'y ait actuellement plus beaucoup de bénéfices à Winnipeg, s'il en reste.

Le risque d'un potentiel deuxième canard boiteux dans l'expansion est redevenu patent. Particulièrement si la devise devait de nouveau plonger.

D'où le refus qu'il est tentant de voir chez la LNH.

Ce ne sera pas pour demain

Constat?

Il est clair que les Nordiques ne reviendront pas demain matin. Et ce même si le dollar canadien se redressait significativement en peu de temps.

Le déménagement d'une franchise en difficulté est possible, mais n'est pas nécessairement simple. En raison du nombre. Prenons deux gouverneurs de canards boiteux. L'un sera-t-il d'accord pour que l'autre puisse aller s'installer dans le marché de Québec? Il n'y a qu'un marché de sauvetage qui soit réellement en état de recevoir une équipe, les autres sont encore plus hasardeux. Le marché de Québec risque d'être éventuellement convoité par plus d'un, la recette parfaite pour des tensions à la table de la LNH.

Se pose une autre difficulté si le déménagement s'effectue éventuellement par vente (changement de propriétaires). Celle-ci peut difficilement survenir avant quelques années. Parce qu'elle surviendrait à un prix moindre que les 500 M$ US payés par Vegas. Permettre la cession d'un canard boiteux à 300 M$ US après que Las Vegas ait dû payer 500 M$ pour son droit d'entrée ne serait pas juste pour la dernière venue et amènerait aussi de l'animosité à la table de la LNH.

À moins bien entendu que le déménagement ne soit forcé par la fin d'ententes contractuelles qui ne laisseraient pas de choix.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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