Les résistants


Édition du 05 Mars 2016

Les résistants


Édition du 05 Mars 2016

[Photo : Bloomberg]

On vous parlait la semaine dernière des titres qui ont été le plus malmenés par les investisseurs depuis le début de 2016. Histoire de voir s'il ne se trouvait pas parmi eux certaines occasions. Après les «décapités», place aux «résistants».

Les dégelées sont souvent propices à l'acquisition de bonnes valeurs. Mais il peut aussi être intéressant de s'attarder aux titres qui, dans la turbulence, ont résisté. Retenus par le recul général et l'humeur ambiante, leurs multiples pourraient peut-être augmenter plus que les autres à la faveur du rétablissement de la confiance. On s'est donc de nouveau tourné vers notre tableau Top 50 Québec (publié en page i-11) à la recherche des titres qui s'étaient le mieux comportés depuis le début de l'année.

Point de vue sur chacun.

Pages Jaunes (Y, 18,77 $)

Pour reprendre l'expression d'un analyste de la TD, difficile d'être excité par une société dont les revenus trimestriels sont en déclin de 3 %, et le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA), en recul de 1 %.

Pourtant, le titre est celui de notre univers qui a le plus progressé, avec une poussée de près de 20 % depuis le début de 2016.

C'est que la stratégie de migration de la clientèle vers les plateformes numériques, de même que le recrutement d'une clientèle PME élargie, semble en voie d'atteindre un point d'inflexion. Les revenus de l'imprimé ont encore une fois fortement décliné au quatrième trimestre (- 19,4 % par rapport à la même période l'an dernier), mais les revenus totaux ne reculent plus beaucoup et le marché commence à penser que la société pourrait bientôt passer en mode croissance.

À 3 fois le BAIIA prévu de 2016, ou 7 fois le bénéfice par action, l'évaluation du titre n'est en outre pas très chère.

La cible moyenne des analystes est de 25 $. Il pourrait bien y avoir quelque chose d'intéressant ici. Les risques ne sont cependant pas pour tous les investisseurs.

Saputo (SAP, 38,49 $)

Autre belle performance de l'univers avec un titre en hausse de plus de 15 % depuis janvier. Il faut dire que le transformateur de produits laitiers a surpris les analystes avec des résultats meilleurs que ceux anticipés en février.

L'ensemble du secteur laitier mondial a été sous pression en 2015, alors que la moyenne des prix des produits a reculé de 20 %, selon la Financière Banque Nationale.

Saputo a réussi à tirer son épingle du jeu au dernier trimestre, particulièrement aux États-Unis, grâce à de bons volumes et à des économies de coûts.

Beaucoup parient actuellement que les prix des produits laitiers ont touché le fond et remonteront bientôt, parce que plusieurs producteurs se font sortir d'affaires. Et que, conséquemment, les marges de Saputo augmenteront.

La difficulté est que l'anticipation de la reprise semble déjà comprise dans le cours de l'action de Saputo, qui se négocie à plus de 21 fois le bénéfice prévu pour la prochaine année.

Stornoway (SWY, 0,85 $)

Situé dans le Nord-du-Québec, le projet diamantifère Renard avance plus rapidement que prévu. Il devrait à terme coûter moins cher. Le marché aime et le titre est en progression de plus de 15 %.

Difficile de se faire une tête dans ce cas. La mine devrait entrer en service à la fin de 2016. La direction doit présenter un plan révisé du projet au deuxième trimestre.

Les analystes sont optimistes en ce qui concerne le projet (tous recommandent l'achat du titre avec une cible moyenne de 1,20 $), mais il y a toujours un risque important de ratés qui entoure chaque mise en production minière.

Tout dépend de sa tolérance au risque.

Jean Coutu (PJC.A, 20,82 $)

Le titre est en hausse de plus de 10 %, mais sa présence dans l'univers des résistants paraît davantage relever de la volatilité liée à l'incertitude que de solides fondamentaux. En fait, le titre a reculé de plus de 25 % sur un an.

Le gouvernement du Québec pilote plusieurs réformes de front, et on ne sait trop quelles seront leurs conséquences. La loi 28 retire le plafond des allocations versées aux pharmaciens. Ce qui veut dire que le manufacturier de génériques Pro-Doc - filiale à 100 % de Jean Coutu et catalyseur de la croissance des dernières années - pourrait devoir verser des allocations plus élevées pour contrer la concurrence.

Pendant ce temps, la loi 81 permet à la province de lancer des appels d'offres auprès de manufacturiers génériques afin d'obtenir des approvisionnements exclusifs de certains médicaments. Pro-Doc fonctionne beaucoup en sous-traitance, et il est difficile de voir comment elle pourrait rester concurrentielle par rapport à ces appels d'offres.

Cela dit, le groupe a commencé à racheter de ses actions, ce qui témoigne d'une certaine confiance en l'avenir.

Metro (MRU, 42,57 $)

L'épicier a mieux performé que prévu au dernier trimestre, et ce n'est pas étranger au fait que son titre est en hausse de 7 % depuis janvier.

En excluant sa participation dans Couche-Tard, ses multiples sont cependant à un sommet des cinq dernières années. Et on ne peut pas dire que les éléments fondamentaux le favorisent plus que dans le passé. C'est plutôt le contraire. La société doit notamment composer avec la dévaluation du dollar canadien, ce qui augmente le coût des aliments importés. Le consommateur modifie ses comportements. Il a tendance à davantage rechercher les produits au rabais, dont les marges peuvent être moins grandes.

Un élément positif : chaque fois que l'on a cru que la poussée du titre de Metro était sur le point de s'arrêter, l'épicier a surpris.

Valener (VNR, 19,10 $)

La société détient 29 % de Gaz Métro et 24,5 % du projet éolien de la Seigneurie de Beaupré. Ce titre est aussi en hausse de 7 %.

Divulgation : on est personnellement actionnaire, et étonné.

À l'automne, on avait profité d'une faiblesse du titre pour entrer à 16,20 $. Seul but de l'investissement : tirer profit du rendement de dividende de 6,5 % annuellement. Le pari était que les projets de Gaz Métro aux États-Unis et dans le gaz naturel liquéfié acquerrait une meilleure rentabilité au fil des années, ce qui permettrait au titre de se maintenir au niveau actuel dans l'éventualité d'une hausse des taux d'intérêt.

Même si elle a été accueillie avec le sourire, la dernière poussée est difficile à expliquer. Il est possible que de meilleures occasions d'entrée se présentent dans l'avenir.

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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