Les paris Home Capital et Equitable Group

Offert par Les Affaires


Édition du 20 Mai 2017

Les paris Home Capital et Equitable Group

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Édition du 20 Mai 2017

Le titre de Home Capital en 2017. Données: Morningstar

C'est toute une déconfiture que vient de subir le titre de Home Capital (HCG, 9,65 $), déconfiture qui a provoqué dans le marché toutes sortes d'inquiétudes. Prêt à mettre quelques pièces dans les machines à sous?

Il y a quelques mois, une amie à la recherche de nouveaux placements nous avait fait parvenir une liste de titres en soulignant que celui du prêteur hypothécaire semblait particulièrement intéressant.

L'affaire était effectivement tentante. De 1988, date de son entrée en Bourse, à la fin de 2015, le titre avait généré un rendement annuel de 19 %. De quoi faciliter l'accumulation d'un capital de retraite.

On s'était néanmoins gardé de se mettre en chasse.

Home Capital est en fait ce qu'on appellerait un prêteur de deuxième chance. Sa cible: des travailleurs autonomes, d'anciens faillis, ou encore de nouveaux arrivants, dont la cote de crédit est plus difficile à établir et qui, en général, ne sont pas acceptés par les banques traditionnelles.

«Home Capital a traversé la crise de 2008, mais ça a quand même pas mal chauffé. Les prix du marché immobilier sont élevés. Si les banques n'y vont pas, c'est que le risque est plus élevé. Serait-il sage de s'exposer à plus de risque que les banques ?», s'était-on interrogé.

Et la décision (négative) avait été prise en vertu de cette simple considération.

Sage décision. Car, depuis le mois de mars, le titre de la plus importante société de prêts alternatifs au Canada est en recul de 70 %. Et elle a entraîné dans son sillage un autre prêteur du genre, Equitable Group (EQB, 51,50 $), qui est, lui, en recul de 25 % (après un premier pas en arrière de 55 %).

Que s'est-il passé?

Pourtant, personne ne parle actuellement de débandade du marché de l'immobilier. C'est en fait plutôt l'inverse, alors que les autorités tentent à plusieurs endroits au Canada de freiner l'ascension des valeurs. Car ce n'est pas le marché immobilier qui est responsable de la crise, mais plutôt une enquête des autorités de réglementation de l'Ontario.

L'enquête portait sur de la documentation frauduleuse fournie par des courtiers pour obtenir des prêts pour leurs clients. Il s'est avéré que des vérifications internes devaient être effectuées sur les revenus des postulants, mais elles n'ont pas été faites. Les autorités accusent les deux anciens chefs de la direction et le chef de la direction financière d'avoir retenu cette information avant de la divulguer au public en 2015.

Les détails de l'affaire manquent. Et, bien que les pratiques aient depuis été modifiées, et que la situation avait été divulguée plusieurs mois avant l'annonce des accusations (avril), une panique s'est installée.

Des questions en suspens

Home Capital finance en partie les prêts qu'elle accorde par des dépôt de comptes d'épargne et des certificats de dépôt garanti qu'elle offre par l'intermédiaire du réseau des courtiers en valeurs mobilières. Parce qu'elle prête à des taux plus élevés, elle peut offrir des taux d'épargne également plus élevés.

Mais, depuis avril, les déposants s'empressent de retirer leurs dépôts. Home Capital a dû se négocier des lignes de crédit de 2 milliards de dollars (G$), à des termes pouvant atteindre l'équivalent de 22 % d'intérêt. Déjà, les lignes ont été remplies à hauteur de 1,4 G$.

Après avoir donné des portefeuilles d'hypothèques en garantie, elle est forcée de négocier la vente d'autres portefeuilles pour obtenir du financement à meilleur coût (il est impossible de faire de l'argent quand celui qu'on prête nous coûte 22 % d'intérêt...).

Toutes sortes de questions sont dans l'air.

Ultimement, quelqu'un devra reprendre ces portefeuilles. Car les prêts, en arrivant à renouvellement, doivent pouvoir tourner. Il serait socialement inéquitable de mettre à la rue des propriétaires de maison. Dans une situation ultime où tout le monde douterait de la force des portefeuilles, la Banque du Canada devrait intervenir.

Il est évidemment quasiment sûr que des acheteurs de portefeuilles se présenteront avant cela. La grande question cependant : à quel prix ?

Étant donné l'incertitude quant à leur composition et la détresse actuelle d'Home Capital, personne ne sait trop.

Peut-être y a-t-il pas mal d'argent à faire si l'exode des dépôts se stabilise dans les prochaines semaines et que les lignes de crédit peuvent être renégociées à meilleur coût. Les multiples se redresseraient alors significativement.

A contrario, il est aussi possible que l'on offre peu pour les portefeuilles et que l'exode se poursuive dans les dépôts.

Dans l'état actuel des choses, Home Capital est un pur coup de dés. Que l'on se garderait de jouer, car nombre de poursuites judiciaires et de recours collectifs risquent éventuellement de se produire.

Différent chez Equitable Group

La situation est différente pour Equitable Group. Dans le sillage de la panique Home Capital, l'entreprise a dû faire face à d'importants retraits de dépôts. Mais rien qui soit de l'ampleur des retraits observés chez Home Capital.

Sa direction a réussi à se négocier une ligne de crédit de 2 G$ au cas où le phénomène s'amplifierait, mais à des termes bien meilleurs, qui font que le taux d'intérêt ne sera que de 3,05 % si elle est pleinement utilisée.

La maison a cependant dû augmenter de 0,5 % les taux qu'elle offre sur ses dépôts.

Il n'y a pas consensus ici. Financière Banque Nationale a une cible à 47 $ parce qu'elle semble toujours craindre une contagion. Valeurs mobilières TD en a une à 68 $, avec des craintes nettement moindres.

Quelque chose nous dit qu'il n'y aura pas de grande contagion et que, même si la cible est un peu élevée, TD a une probabilité de succès plus grande que la Nationale.

Mais il s'agit encore ici d'un pari.

Les recommandations des analystes

Home Capital (HCG, 9,65 $)
3 CONSERVER
4 SUPERPERFORMANCE
4 SOUS-PERFORMANCE
Cible moyenne : 11,90 $

Equitable Group (EQB, 51,50 $)
2 CONSERVER
3 SUPERPERFORMANCE
1 SOUS-PERFORMANCE
Cible moyenne : 58,50 $

Source : Bloomberg

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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